2.
— Nouveaux mariés ? demanda Phillip Campbell, le cœur battant.
Les phares éblouissants des voitures qui les croisaient le transperçaient comme des rayons X, mettant à jour ses désirs les plus enfouis.
— Vingt-six heures, onze minutes et... quarante-cinq secondes, gazouilla Becky.
Le cœur de Campbell cognait fort. Elle était parfaite. Ils allaient parfaitement ensemble. Même mieux qu’il ne l’avait espéré.
La route était vide, ne semblant mener nulle part. Mais lui savait où il allait.
— Servez-vous à boire. C’est du Palmeyer dans le seau. Certains pensent que c’est le meilleur cru de la vallée.
L’assassin roulait, excité, les nerfs à vif.
Est-ce l’acte le pire qu’on ait jamais commis ? Est-ce que je peux le commettre à nouveau ? Plus pertinent : est-ce que je pourrai m’arrêter un jour ?
Il jeta un coup d’œil à l’arrière, vit Michael et Becky se servant le vin. Il entendit le cliquetis de verres trinqués, puis quelque chose à propos d’années de bonheur. Le froid au cœur, il les vit s’embrasser.
Il détestait jusqu’au moindre pore de leurs corps. Ne voulez-vous pas traiter votre princesse royalement ? Il tripota le flingue posé sur ses genoux. Il changeait d’arme du crime.
Au bout d’un moment, Campbell quitta la route pour s’engager dans un chemin escarpé qui grimpait la colline.
— Où allons-nous, chauffeur ? fit le mari depuis la banquette arrière.
Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur et sourit avec assurance aux DeGeorge.
— J’ai pensé vous faire prendre la route touristique. Les plus beaux panoramas sur la vallée. Et je ne vous en déposerai pas moins au restaurant à huit heures.
— On ne tient pas à être en retard, l’avertit timidement le jeune marié. J’ai eu plus de mal à réserver une table que l’hôtel.
— Oh, ça va, mon lapin, répliqua Becky avec un timing parfait.
— Ça va se dégager un peu plus haut, leur dit-il. C’est vraiment joli. En attendant, détendez-vous. Mettez de la musique. Je vais vous montrer les plus belles vues. Très romantiques.
Il appuya sur un bouton et un mince faisceau de lumières clignotantes se mit à balayer le toit de la partie arrière en un light show d’une douceur romantique.
— Oooh, dit Becky à l’apparition des lumières. C’est tellement génial.
— Je vais remonter la vitre de séparation pour le reste de la balade. On n’est jeunes mariés qu’une fois. Sentez-vous libres de faire tout ce qu’il vous plaît. Considérez que la nuit est à vous.
Il laissa la vitre entrouverte, afin de pouvoir les voir et les entendre pendant qu’il s’enfonçait dans les collines. Ils se câlinaient à présent, s’embrassant à qui mieux mieux. La main du marié remontait le long de la cuisse de Becky. Elle pressa ses hanches contre les siennes.
La route se fit cahoteuse et, par intermittence, l’asphalte crevassé cédait la place à de la terre mêlée de gravillons. Ils grimpaient toujours. Des deux côtés, les pentes étaient treillissées de vignes assombries.
Les petits rires de Becky se transformèrent en soupirs rauques au rythme régulier. La respiration de Phillip Campbell s’accéléra. Non loin de lui, il entendait la jeune mariée haleter. La même sensation, veloutée et tiède, qu’une semaine auparavant au Grand Hyatt lui chauffa les cuisses. Michael pénétrait Becky et elle gémit.
Quel est l’acte le pire ?
Dans une clairière, il arrêta la voiture et éteignit les phares. Il prit l’arme à feu et la mit en position de tir continu.
Puis il abaissa la vitre de séparation.
Dans la lumière ambiante, il vit Becky, sa robe noire de cocktail retroussée autour de la taille.
— Bravo ! s’exclama-t-il.
Ils levèrent la tête, stupéfaits.
Il perçut un éclair de peur dans les yeux de la mariée. Elle tenta de se couvrir.
C’est alors que le tueur prit conscience que le flot tiède qui lui baignait les cuisses et les genoux était sa propre urine.
Il vida le chargeur sur Michael et Becky DeGeorge.