41.
Je suis rentrée en conduisant au radar. L’instant d’avant, je bataillais pour débrouiller cette satanée affaire, celui d’après, je luttais pour sauver ma peau.
Il me fallait un nom. Je le voulais plus que jamais à présent. Et je voulais reprendre ma vie d’avant. Je voulais tenter la totale – le bonheur, le succès, quelqu’un avec qui les partager, un enfant. Et maintenant que j’avais rencontré Raleigh, je savais que j’avais une chance d’obtenir tout ça. Si je pouvais tenir. Si je pouvais par ma volonté insuffler des cellules saines dans mon corps.
J’ai regagné mon appartement. Martha la Douce me faisait fête, aussi je l’ai emmenée pour une petite balade. Puis je me suis morfondue, passant par des hauts et des bas entre le désir de me battre et la tristesse de ne pouvoir y arriver. J’ai même envisagé de me faire à manger. Je pensais que ça me calmerait.
J’ai sorti un oignon et en ai tranché deux rondelles. Et j’ai compris comme tout ça était dingue.
Il fallait que je parle à quelqu’un. J’avais envie de crier « Putain, je mérite pas ça » et cette fois, j’avais envie que quelqu’un l’entende.
J’ai pensé à Chris, à ses bras réconfortants autour de moi. À ses yeux, à son sourire. J’aurais aimé pouvoir le lui dire. Il viendrait immédiatement. Et je pourrais poser ma tête sur son épaule.
J’ai appelé Claire. À peine m’a-t-elle entendue qu’elle a compris que ça allait terriblement mal.
— J’ai très peur.
Je n’ai pas eu besoin de lui en dire plus.
On a parlé une heure au téléphone. Enfin, moi, j’ai parlé.
J’étais dans un état comateux – paniquée par l’imminence du prochain stade de Negli. J’ai dit à Claire que coincer ce salaud-là me donnait la volonté de continuer à lutter. Cela m’empêchait de n’être qu’une malade de plus. J’avais un but précis.
— Est-ce que ça a changé quelque chose pour toi, Lindsay ? m’a-t-elle demandé doucement.
— Non, je le veux, lui, plus que jamais.
— Alors, voilà ce qu’on va faire. Toi, moi et la petite Cindy. On est là pour t’aider à te battre. On est ton soutien, Lindsay. Juste pour cette fois, tâche de ne pas la jouer en solo.
Au bout d’une heure, elle m’avait suffisamment calmée pour qu’on se souhaite bonne nuit.
Je me suis roulée en boule sur le canapé. Martha et moi, pelotonnées sous une couverture, on a regardé Dave, l’un de mes films préférés. Quand Sigourney Weaver rend visite à la fin à Kevin Kline dans son nouveau bureau, je pleure chaque fois.
Je me suis endormie, espérant que ma vie, elle aussi, se terminerait par un happy end.