19.
Comme l’avait dit Claire, on reconstituait notre assassin pièce par pièce comme un puzzle. Sa taille, son visage, ses manies fétichistes. Sa façon de tuer.
Il me fallait maintenant établir comment il pistait ses victimes.
Raleigh et moi, on mettait toute la gomme sur l’aspect voyage et organisation du mariage. On avait une quinzaine d’inspecteurs remontant des pistes sur le terrain. À présent qu’on disposait d’un signe particulier, on est revenus aux invités, en épluchant la liste pour y dénicher un barbu qu’on aurait pu voir traîner ses guêtres à la réception.
J’avais bon espoir que cet élargissement des recherches donnerait des résultats. L’un des invités aurait remarqué quelqu’un. On découvrirait une agence de voyages commune, une fuite quelque part. Ou encore l’une des enquêtes de Jacobi nous fournirait un recoupement.
Le lendemain matin, Hartwig m’a passé un coup de fil.
— Les Vignobles de Sparrow Ridge... appartiennent à un groupe qu’on connaît ici sous le nom de Black Hawk Partners. Ed Lester, un avocat du coin, monte des partenariats fonciers.
— Vous savez où il se trouvait pendant le week-end ?
— Oui. À Portland. J’ai vérifié. Il a participé à un marathon, là-bas. Je l’ai joint au moment où il regagnait son bureau. Il était bien à Portland.
Je n’en étais pas moins certaine que, quel que fût celui qui s’était débarrassé des corps, il n’était pas tombé par hasard sur cette cave écartée. Elle signifiait quelque chose pour l’assassin.
— Cet endroit lui appartient en bloc ?
— Hum-hum. Black Hawk combine des accords. Il rabat des financements extérieurs dus à des nantis. Des gens qui désirent investir dans le commerce du vin. Lester agit en tant qu’associé gérant.
— Avec qui s’est-il associé sur ce coup-là ?
— Je ne sais pas. Des investisseurs.
J’ai ravalé un soupir, tâchant de demeurer patiente.
— Quels investisseurs ?
— En général, des investisseurs qui tiennent à garder l’anonymat. Écoutez, inspecteur, je sais où vous voulez en venir, mais ce type ne traite qu’avec des gens bien établis. Croyez-moi, n’importe qui aurait pu tomber sur ce site. Des agents immobiliers, quelqu’un qui l’aurait repéré, n’importe qui du coin. J’aurai à traiter avec ces gens-là, bien après votre départ.
J’ai coincé le récepteur contre mon cou et j’ai pivoté sur mon siège en direction de la fenêtre.
— C’est une enquête sur des meurtres multiples, lieutenant, les pires que j’aie jamais vus. Le site en question se trouve tout au bout de cinq kilomètres de route de terre. Le premier venu, roulant dans le noir avec deux cadavres, aurait pu s’en débarrasser en toute sécurité bien avant, n’importe où. L’auteur de ces crimes, quel qu’il soit, devait connaître l’existence de cette cave vinicole. Et je ne pense pas qu’il s’agisse de quelqu’un de la région. Je ne crois pas qu’il attirerait l’attention si près de l’endroit où il réside. Recontactez-moi quand vous saurez qui sont les associés de Lester.
J’ai raccroché au nez d’Hartwig.
Une certaine dose de mon optimisme s’effilochait.
Raleigh rentra bredouille de ses recherches auprès des agences de voyages. Les Brandt étaient passés par l’intermédiaire de Travel Ventures, société qui pourvoyait aux besoins d’une clientèle haut de gamme. Les DeGeorge avaient eu recours aux services de Journeytime, en dehors de Los Altos.
On a fait décortiquer les registres du personnel des deux compagnies. Elles n’avaient aucun lien entre elles : pas d’accord de coopération, pas un seul agent de voyages ayant travaillé dans les deux. Il était possible que l’on ait piraté leur système informatique, déclara le directeur de Journeytime, mais découvrir qui était quasiment impossible.
Déception de mon côté, également. Je possédais les dossiers des deux organisateurs de mariages. Imprimeurs, orchestres, photographes, traiteurs, fleuristes. Rien ne concordait. Les Brandt et les DeGeorge vivaient dans deux mondes séparés. Comment le tueur identifiait-il ses victimes ? Je n’avais toujours pas trouvé d’indice.