20.
Une brise fraîche me soufflait dans la figure. Oh mon Dieu, quelle nuit. Quelle journée. Quelles montagnes russes.
Enveloppée d’un édredon, j’étais assise sur la terrasse dominant l’extrémité sud de la baie. Rien ne bougeait, rien que les lumières de San Leandro au loin. Il était deux heures et quart.
Dans la chambre, Chris dormait du sommeil du juste.
Moi, je ne pouvais pas dormir. Mon corps se sentait trop vivant, il fourmillait comme mille lumières clignotant sur une rive lointaine.
Je n’ai pu me retenir de sourire à l’idée que ça avait été une super-journée.
— Le vingt-sept juin, ai-je lancé à haute voix. Je ne t’oublierai pas de sitôt. D’abord, on a retrouvé le livre, puis arrêté Jenks. Je n’avais jamais imaginé que ça irait plus loin.
Et pourtant. C’était allé bien plus loin. Chris et moi, on avait refait l’amour deux fois encore, cette nuit, les trois dernières heures n’ayant été qu’un doux ballet de caresses, de râles, d’amour.
Je ne voulais plus que les mains de Chris cessent de me caresser. Je ne voulais plus que me manque la chaleur de son corps. C’était une nouvelle sensation qui m’électrisait. Pour une fois, j’avais été sans retenue et c’était très, très bon.
Mais ici, dans la nuit noire, une voix accusatrice m’asticotait. Je mentais. Je n’avais pas tout donné. Il y avait une vérité incontournable que je lui dissimulais.
Je n’avais pas soufflé mot de Negli. Je ne savais comment faire.
Alors qu’on venait de goûter la vie à tel point, comment lui dire que je risquais de mourir ? Que mon corps, si vivant, si passionné, il y avait un moment à peine, était contaminé. En un seul jour, il m’a semblé que toute mon existence était transformée. J’avais envie de m’envoler. Je le méritais. Je méritais d’être heureuse.
Mais lui méritait de savoir.
J’ai entendu bouger derrière moi. C’était Chris.
— Qu’est-ce que tu fais dehors ? m’a-t-il demandé.
Il s’est approché et a posé ses mains sur mon cou et sur mes épaules.
J’ai étreint mes genoux, l’édredon couvrant à peine mes seins.
— Ça va être dur de faire comme si rien ne s’était passé, ai-je dit, en laissant aller ma tête contre lui.
— Qui parle de ça ?
— Je veux dire, quand on fera équipe. De te voir à l’autre bout de la salle. Demain, il faut qu’on interroge Jenks. C’est un grand jour pour nous deux.
Il m’a titillé les seins du bout des doigts, puis la nuque. Il me rendait folle.
— Ne t’inquiète pas, m’a-t-il dit. Une fois le dossier bouclé, je retournerai d’où je viens. Je ne resterai dans les parages que pour l’interrogatoire.
— Chris, ai-je dit, alors qu’un grand froid me transperçait.
Je m’étais habituée à lui.
— Je t’avais bien dit qu’on ne serait pas coéquipiers pour la vie.
Il s’est penché, a humé l’odeur de mes cheveux.
— En tout cas pas ce genre de coéquipiers.
— Ça nous laisse quoi comme genre ? ai-je murmuré.
Mon cou me brûlait là où il me caressait. Ah, que tout ça aille quelque part, ai-je supplié en mon for intérieur. Que tout ça aille jusqu’au septième ciel.
Pouvais-je le lui dire tout bêtement ? Le problème n’était plus que je ne savais comment faire. Simplement, maintenant qu’on en était arrivés là, je ne voulais plus que ça finisse.
Je l’ai laissé m’entraîner dans la chambre.
— C’est de mieux en mieux, m’a-t-il chuchoté.
— Ah oui ? Il me tarde de voir ce qui va venir ensuite.