25.
La première semaine de l’enquête sur les jeunes mariés était derrière moi. Incroyable.
L’équipe de Jacobi avait pilonné dans les recherches sur le Champagne et la veste de smok, mais était bredouille jusque-là. Raleigh et moi, on avait interrogé une vingtaine d’invités, du maire jusqu’au meilleur ami du marié. Tous étaient tétanisés et écœurés, incapables de mettre le doigt sur une chose qui pourrait nous faire aller de l’avant.
Je ne pouvais me concentrer que sur un seul point – il nous fallait du solide – et vite – avant que ce collectionneur d’alliances ne frappe à nouveau.
J’ai subi ma seconde transfusion. En regardant le sang rouge et épais s’écouler goutte à goutte dans mes veines, j’ai prié qu’il me redonne des forces, mais je n’en savais rien. Tout ça sur le rythme lent et régulier d’un tic-tac d’horloge.
Et pour ça, l’horloge tictaquait. La mienne, celle du DG Mercer.
Le samedi, à six heures, Jacobi a refermé son bloc, enfilé sa veste sport, fourré son arme dans sa ceinture.
— À plus, Boxer, m’a-t-il dit.
Raleigh a fait un saut avant de s’en aller.
— Je vous dois une bière. On y va ?
Une bière aurait été la bienvenue, ai-je songé. Je m’habituais même à la compagnie de Raleigh. Mais quelque chose m’a soufflé que si je le suivais maintenant, j’allais tout lui déballer : Negli, mon traitement, la peur qui me comprimait le cœur.
J’ai refusé d’un signe de tête.
— Je vais rester dans les parages, je crois, ai-je répondu avec un haussement d’épaules poli.
— Vous avez quelque chose de prévu demain ?
— Oui, j’ai rendez-vous avec Claire. Puis je viendrai ici. Et vous ?
— Jason participe à un tournoi de foot à Palo Alto. J’emmène mes deux garçons.
— Sympa.
Oui, sympa. Tel l’écho de quelque chose que je pourrais rater dans la vie.
— Je serai de retour demain soir.
Il m’avait donné son numéro de bipeur, dès le premier jour.
— Je suis à une heure de route. N’hésitez pas à appeler si un truc se présente.
Raleigh une fois parti, mon coin dans la salle de garde a sombré dans le silence. L’enquête était close pour ce soir. Deux, trois membres de l’équipe de nuit bavardaient dans le couloir.
Je ne m’étais jamais sentie aussi seule de ma vie. Je savais que si je rentrais chez moi maintenant, je laisserais derrière moi un lien vital pour l’affaire. Que je trahirais une promesse tacite faite à Mélanie. Encore un coup d’œil, me suis-je dit. Revois ça encore une fois.
Pourquoi le tueur emportait-il les alliances ?
Une vague d’épuisement m’a balayée jusqu’aux veines. Mes cellules de combat toutes neuves sapaient mes forces tout en me défendant, en se multipliant. La cavalerie chargeait, à ma rescousse. L’espoir attaquait le doute. Ça semblait une folie.
Je devais laisser dormir David et Mélanie cette nuit. J’ai fermé l’épais dossier criminel en remettant en place l’élastique et l’ai déposé sur le plateau métallique « Affaires en cours ». À côté de dossiers similaires.
Puis je suis restée assise à mon bureau, dans la salle de garde, plongée dans l’obscurité, encore quelques minutes. Et je me suis mise à pleurer.