16.
Le meurtre de Napa a changé toute la donne.
Le DPSF et ses tentatives de résoudre l’affaire subissaient des attaques cinglantes. On nous mettait la pression de tous les côtés.
Des gros titres à sensation claironnaient l’ouvrage d’un tueur sadique d’une espèce entièrement nouvelle. Des équipes de tournage étrangères à la ville bourdonnaient dans le Palais. Des photos du mariage tragique et des scènes de famille déchirantes ouvraient toutes les infos télévisées.
Le groupe d’intervention que je dirigeais se réunissait deux fois par jour. Deux autres inspecteurs de la CSU et un psychologue s’y sont ajoutés. Il nous a fallu remettre nos dossiers au FBI. L’enquête n’était désormais plus confinée à quelque fantôme surgi du passé de David ou de Mélanie Brandt. L’histoire prenait de l’ampleur, de la profondeur, devenant plus tragique et plus menaçante.
Démarchant les marchands de vin, l’équipe de Jacobi avait déterré quelques noms, rien de plus.
La veste ensanglantée ne nous menait nulle part non plus. Le problème, c’était que la coupe du smoking datait de quatre, cinq ans. Des quinze boutiques de la Bay Area, aucune ne conservait de listes des modèles des divers fournisseurs, aussi était-il quasiment impossible de remonter cette piste. Nous avons dû éplucher leurs factures une par une.
Mercer a triplé nos enquêteurs.
L’assassin choisissait ses victimes avec une très grande précision. Les deux meurtres avaient eu lieu un jour après le mariage ; ils reflétaient une connaissance spécifique des modes d’hébergement et des itinéraires des victimes. Les deux couples avaient encore en leur possession la plupart de leurs objets de valeur : montres, portefeuilles, bijoux. Les seuls objets manquants étaient leurs alliances.
Il s’était débarrassé des DeGeorge dans un endroit isolé en apparence, mais où il était sûr qu’on les trouverait.
Il avait laissé d’autres indices énormes, à charge pour nous de les relever. Ça n’avait pas de sens.
Le tueur sait exactement ce qu’il fait, Lindsay.
Il sait ce que vous faites.
Il faut trouver un lien entre les crimes.
Il fallait que je trouve le dénominateur commun. Comment il faisait la connaissance de ses victimes. Comment il en savait autant sur eux et sur elles.
Raleigh et moi, on s’est partagés les possibilités. Il a pris en charge tous ceux qui avaient réservé les itinéraires des Brandt et des DeGeorge : agences de voyages, services de limousine, hôtels. Moi, je me suis rabattue sur les organisateurs de mariages. On finirait bien par trouver un point commun entre les meurtres.
— Si on n’avance pas, a grogné Raleigh, il y aura bientôt dans cette ville un paquet de rabbins et de prêtres avec une chiée de temps mort sur les bras. Qu’est-ce que cherche ce maniaque ?
Je n’ai pas répondu, songeant que je le savais. Il était à la poursuite du bonheur, du rêve et des attentes. Il s’ingéniait à détruire la seule chose qui nous permet à tous d’avancer : l’espoir.