78.
Ari, Krysztov et Iris sortirent rapidement de
l'avion par la passerelle couverte et entrèrent dans l'aérogare.
Ils n'avaient emporté que des bagages à main, ce qui leur épargna
la longue attente devant les tapis roulants. À la douane, leurs
vrais-faux-passeports de la DCRI n'éveillèrent pas le moindre
soupçon.
Pendant le trajet, ils n'avaient pas beaucoup
parlé. D'abord, ils éprouvaient tous les trois une légère gêne.
Iris culpabilisait de n'avoir pas informé ses amis de l'enlèvement
de son frère ni du chantage dont elle avait été victime, et les
deux garçons s'en voulaient de l'avoir soupçonnée de
déloyauté.
Mais surtout, leur silence trahissait leur
inquiétude pour le frère d'Iris. Alain Michotte était un jeune
homme instable, compliqué, souvent désagréable, mais il était aussi
la seule famille qui restait à Iris. Et, au fond, ce n'était pas un
mauvais sujet, plutôt un être sensible, que la mort prématurée de
ses parents avait fortement perturbé. Ses facéties n'étaient là que
pour masquer sa grande fragilité. Ari avait eu plusieurs fois
l'occasion de passer du temps avec lui et s'était attaché à cet
éternel adolescent parce qu'il comprenait – au moins en
partie – les sources de ses faiblesses.
Après plus de dix-sept heures de vol, en arrivant
en Équateur, tous trois espéraient qu'ils allaient retrouver le
jeune homme. Et, surtout, qu'il ne serait pas trop tard.
Quand ils posèrent un premier pied hors de
l'aéroport Mariscal Sucre de Quito, ils
furent agréablement surpris par la douceur du climat. Malgré le
soleil de plomb, l'air restait frais sur ce plateau situé à
2 850 mètres d'altitude.
Depuis l'avion, ils avaient eu tout le loisir
d'admirer l'interminable chaîne de la cordillère des Andes et ses
pics enneigés. Ils pouvaient à présent la contempler d'en
bas.
Tout en longueur, la ville de Quito était encaissée
au milieu de quatre volcans imposants. Depuis l'aéroport, collé à
la capitale, on voyait se dresser le magnifique et menaçant
Pichincha, encore en activité.
— Et dire qu'à l'heure qu'il est, les agents
du SitCen doivent être en train de nous chercher en Mongolie,
glissa Ari en contemplant le paysage d'un air satisfait.
— Comment tu as su, pour Marie
Lynch ?
— J'ai épluché ses appels. Au cours des deux
derniers jours, elle a eu de nombreux échanges téléphoniques avec
la Belgique.
Il se garda de préciser à ses amis qu'il avait
contrôlé le portable de la jeune femme pendant qu'elle prenait une
douche…
— L'enfoirée ! maugréa Krysztov en
secouant la tête.
— Elle n'avait pas forcément le choix,
rétorqua Ari. Les types du SitCen ont dû lui mettre la
pression.
— Et n'oubliez pas que son père à disparu,
ajouta Iris. Je suis bien placée pour savoir qu'on perd facilement
les pédales quand on a un membre de sa famille qui se fait
enlever…
Mackenzie jeta un coup d'œil à sa collègue. Le
visage sombre, les traits tendus, elle peinait à contenir
l'angoisse et la colère qui l'habitaient.
Soudain, le téléphone d'Ari se mit à vibrer. Il ne
reconnut pas le numéro, mais décida de décrocher malgré tout.
— Mackenzie ?
— Oui ?
— Houssin, de l'INPS[1].
— Vous l'avez identifié ?
— Nous avons une correspondance, oui.
— Je vous écoute.
— L'échantillon de sang prélevé sur le coussin
que vous m'avez confié appartient à un certain Ben Borja, un homme
au casier judiciaire bien fourni.
— À savoir ?
— Douze ans de placard pour homicide
volontaire, entre autres choses… Il est sorti de prison l'an
dernier ; donc, ça colle.
— Vous pouvez m'envoyer sa photo par
MMS ?
— Je vais essayer de vous faire ça avant ce
soir, oui.
— Merci. À charge de revanche.
Ari raccrocha et annonça la nouvelle à ses
amis.
— On a un nom… Borja. Mais ça ne nous avance
pas beaucoup.
— Alors on va où ? demanda le
Polonais.
— Il faut qu'on trouve le centre de la
Summa Perfectionis, répondit
Iris.
— Tu ne sais pas où il se situe
exactement ?
— Non, pas précisément. Tout ce que je sais,
c'est qu'il est installé quelque part sur le territoire que l'INF a
acquis dans la province de Morona-Santiago, en pleine jungle.
— Ah… Et comment on va faire pour trouver le
centre ? Je suppose que le territoire en question est une
immense réserve. C'est un peu comme chercher une aiguille dans une
botte de foin, non ?
— Le centre est tout récent. Il a été ouvert
l'année dernière. Il doit bien y avoir une trace de sa construction
quelque part. Au cadastre, par exemple, ou dans les registres de
permis de construire. Je pense que nous devrions aller enquêter
depuis Macas. C'est la capitale de la province en question. Il y
aura sûrement des pistes là-bas.
— Au pire, si on ne trouve pas, on se
renseignera auprès des entreprises de bâtiment, suggéra Mackenzie.
Ne perdons pas de vue que le centre a très probablement un rapport
avec les théories de la Terre Creuse.
— Et alors ?
— Et alors, selon la légende, il y aurait une
entrée dans cette région, dans les grottes de Los Tayos. Il faudra
qu'on regarde de ce côté-là.
— Eh bien ! On n'est pas au bout de nos
peines, soupira Zalewski. On y va comment ?
— Il y a une liaison par bus pour rejoindre
Macas.
— Par bus ? Il met combien de
temps ?
— Quatorze heures.
Le Polonais écarquilla les yeux.
— OK. On loue une bagnole.