19.
Le visage blême, Stéphane Drouin reposa le combiné du téléphone sur son socle. Il se frotta les yeux. Le réveil sur sa table de nuit indiquait 23 :50 en chiffres rouges.
Encore sous le choc, il ne parvenait pas à trouver la force de se redresser. L'air hagard, il essayait de donner du sens à ce qu'il venait d'entendre. Le directeur du centre d'études avait beau lui avoir expliqué que Sandrine Monney avait succombé en pleine rue à une attaque cérébrale, cela ne pouvait pas être une coïncidence. C'était trop gros.
Il resta un long moment immobile, allongé sur le lit, les mains crispées sur les cuisses. Les mots résonnaient dans sa tête, comme si son cerveau voulait les lui répéter encore et encore jusqu'à ce qu'il accepte l'inacceptable. Sandrine est morte. Sandrine Monney est morte.
Il se retrouvait maintenant dans une situation difficile : il allait devoir décider, seul, s'il devait dire ou non à la police ce qu'il savait. L'unique personne qui aurait pu lui indiquer quoi faire était morte. Et il n'était même pas certain que Sandrine Monney, vivante, lui aurait conseillé de parler. Les événements, malheureusement, prouvaient la gravité de leur découverte.
Elle avait été assassinée, il en était sûr. Et si c'était bien le cas, une chose était plus certaine encore : il était le prochain sur la liste.
Après de longues minutes d'hébétement, le jeune homme se leva enfin et s'habilla. Il hésitait encore à prévenir la police ; il y avait néanmoins une chose urgente qu'il devait absolument faire. Quelque chose qui ne pouvait pas attendre. C'était dangereux, mais il n'avait pas le choix. Il était peut-être même déjà trop tard.
Rassemblant tout son courage, Stéphane Drouin se précipita vers l'entrée de son appartement, enfila une veste et sortit dans la rue d'un pas rapide. Comme s'il répétait une scène de théâtre, il fixa son attention sur les gestes simples qu'il aurait à accomplir une fois sur place.
Il traversa le trottoir dans la nuit noire, détacha la chaîne de la roue de son scooter, enfila son casque et partit en trombe dans les rues de Genève.
Alors que les immeubles défilaient autour de lui, il se remémora les derniers instants qu'il avait passés avec sa collègue, quelques heures plus tôt. L'excitation qu'elle n'avait pu dissimuler en lui montrant le dossier bouclé, et la peur évidente qui l'habitait à l'idée d'avoir mis son nez dans une terrible histoire. « Je détiens toutes les preuves, Stéphane. Toutes. Demain, je balance le dossier à mes contacts de l'ONU. Ça va faire l'effet d'une bombe. » Il lui avait demandé pourquoi elle ne l'expédiait pas tout de suite par Internet, pour se débarrasser une bonne fois pour toutes de ce dossier trop brûlant. Sandrine avait répondu qu'elle voulait le rapporter chez elle, le lire une dernière fois et vérifier qu'il n'y manquait rien. Il n'avait pas osé lui dire qu'il trouvait cela imprudent ; elle le savait certainement mieux que lui. Tous deux avaient conscience des risques qu'ils encouraient depuis plusieurs semaines.
L'enquête qu'ils avaient menée les plaçait dans une situation particulièrement dangereuse. Mais jusqu'à maintenant, ce danger était resté abstrait. Une menace sans visage, sans consistance, à laquelle il avait plusieurs fois pensé sans trop y croire. À présent que Sandrine était morte, tout devenait beaucoup plus concret. D'une façon ou d'une autre, ils étaient remontés jusqu'à elle et ils l'avaient assassinée en pleine rue. Il ne faisait aucun doute, en outre, qu'ils avaient récupéré son dossier. Et maintenant, ils allaient venir pour lui.
Il n'y avait plus une minute à perdre.
Arrivé au pied du grand building de verre, Stéphane Drouin gara son scooter devant l'entrée et ne prit pas même la peine de l'attacher. Il ôta son casque et se précipita dans le hall. Il montra sa carte au gardien de nuit et monta dans les étages.
Les cathédrales du vide
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