14.
Willy Vlaeminck, l'agent du SitCen, était rentré à
Bruxelles par le Thalys aussitôt après avoir rencontré Mackenzie.
Depuis le début de l'alerte, la cellule de crise se réunissait
presque tous les soirs pour un débriefing complet en présence du
SGA[1] et de plusieurs attachés aux
ministères de la Défense et des Affaires étrangères d'États
membres, triés sur le volet. Ces rencontres informelles
conservaient encore un caractère confidentiel, aux marges du
protocole, tant était grand le risque de fuites. Et puis il
convenait de tenir la France à l'écart. Pour le moment.
La petite douzaine de personnes habilitées à
participer à ces réunions était tenue au Secret Défense de l'Union
européenne et, en dehors du SGA lui-même, nul ne savait quels
présidents des pays membres avaient été mis au courant. Chacun
était conscient de l'aspect exceptionnel de l'affaire et les
précautions étaient si grandes que la méfiance régnait même au sein
de la cellule. Chacun savait ce qu'il avait à faire, mais nul ne
connaissait les attributs exacts des autres acteurs de
l'équipe.
— Le commandant Mackenzie ne va pas être
facile à convaincre, lâcha Vlaeminck en prenant place à la longue
table ovale, et très honnêtement, il est dans un tel état que cela
ne sera probablement pas une grosse perte…
— Ne dites pas n'importe quoi, répliqua
sèchement le SGA. Dépression ou pas, il est, en Europe, l'agent le
mieux placé pour enquêter sur notre affaire.
— Peut-être pourrions-nous obtenir son
détachement par l'intermédiaire de sa hiérarchie ?
— Non. Il est hors de question d'attirer
l'attention des services de renseignements français pour le moment.
N'oubliez pas que la moindre fuite pourrait nous être fort
dommageable. Pour l'heure, ni les Américains ni les Chinois ne sont
au courant, et c'est bien mieux ainsi.
— Je persiste à croire que nous pouvons nous
passer de Mackenzie, insista Vlaeminck.
— Nul n'est irremplaçable, bien sûr, mais sa
participation nous ferait gagner un temps précieux. Et de toute
façon, maintenant que vous êtes allé à sa rencontre, il est trop
tard pour faire marche arrière. Que lui avez-vous dit, au
juste ?
— Que le SitCen pourrait être intéressé par
son recrutement. Et, pour l'appâter, j'ai mentionné l'éventualité
de prolonger l'enquête sur le tunnel parisien, comme convenu…
— Cela devrait réveiller son envie d'y
replonger de lui-même. Je suis certain que ce n'est pas le genre
d'homme à lâcher prise. Mackenzie est le seul à être descendu dans
ce foutu tunnel, il doit vouloir savoir ce qu'il y a au bout.
— Je reviendrai à la charge dans
48 heures, mais il faudra trouver de nouveaux arguments pour
le convaincre.
— Nous allons y réfléchir. Messieurs, je
suppose qu'il est inutile de vous répéter que nous livrons une
course contre la montre. Les Russes, les Américains ou les Chinois
finiront bien par entrer dans la partie. Nous devons résoudre
l'affaire avant eux. Vous savez ce qu'il vous reste à faire.