38.
Quand Ari découvrit le visage tuméfié de Krysztov dans l'ouverture de la porte, il ne put retenir une grimace amusée.
— Eh bien ! Ils t'en ont mis plein la gueule !
— Très drôle ! Et puis, d'abord, celui qui m'a attaqué était seul…
— Encore mieux !
Le Polonais s'écarta en soupirant pour laisser entrer Mackenzie.
— Tu es enfin tombé sur plus fort que toi ?
— Non. Il m'a attaqué par-derrière.
— Un bon garde du corps doit être capable de se défendre même quand on l'attaque par-derrière, non ?
— Ça va !
Ari s'amusa de la mimique humiliée de Zalewski.
— J'ai toujours dit qu'ils recrutaient rien que des lopettes, à la SFOR[1].
— Eh ! C'est pas parce que j'ai un œil au beurre noir que je peux pas te coller une beigne, Mackenzie. On va voir qui c'est, la lopette !
L'analyste pénétra dans le salon et avisa la bibliothèque défoncée sur le mur droit, avec un tas de livres et de babioles éparpillés sur le sol.
— C'est bien rangé chez toi.
— Tu es hilarant, aujourd'hui. Franchement. Tu veux qu'on parle de Lola pour voir si tu gardes ton sens de l'humour ? Elle va bien ? T'as des nouvelles ?
— Pauvre con, répliqua Ari en souriant. C'est quand même dingue qu'ils soient revenus chez toi. Ils devaient pourtant se douter que tu n'allais pas laisser quoi que ce soit dans ce coffre quelques jours à peine après leur première visite, non ?
— Il faut croire qu'ils tiennent absolument à retrouver les documents.
— Oui, il faut croire. Tu n'avais pas changé les serrures ?
— Si. Mais ce sont des pros, Ari. En tout cas, ils peuvent toujours chercher. Je les ai bien planqués, les documents, et pas ici.
— OK. Bon, tu es allé faire des radios ?
— Non, non, pas la peine.
Ari finit d'inspecter la pièce du regard, jeta un coup d'œil dans la chambre puis alla s'asseoir dans le canapé.
— Tu peux me les décrire ?
— Le type qui m'a sauté dessus, je l'ai bien vu. Pas grand mais trapu, les cheveux bruns, courts, la quarantaine tout au plus, une gueule de malfrat anglais, comme dans les films de Guy Ritchie, tu vois le genre ?
— Oui.
— Je lui ai pété le nez, ça n'a pas dû l'arranger.
— C'était la moindre des choses. Et l'autre ?
— Plus âgé. Cheveux blancs, costume chic, des gants en cuir et une belle canne avec un pommeau en argent.
— Ah ! Ben au moins, lui, il sera facile à reconnaître ! Un vrai personnage de bande dessinée !
— Un peu oui…
— Ils n'ont rien laissé qui pourrait permettre de les identifier ?
— Non…
— Je suis étonné qu'un pervers comme toi n'ait pas de caméras planquées dans son appartement.
Le Polonais se dérida enfin.
— Il y a beaucoup de choses, ici, mais pas de caméras.
— Et tu ne me sers pas un whisky ?
— Il n'y a que de la vodka, chez un Polonais.
— Sauvage !
Au même instant, le téléphone de Mackenzie se mit à vibrer. Il espéra que ce n'était pas Lola. Le nom d'Iris Michotte s'afficha sur l'écran.
— Yep ?
— Ari, j'ai du nouveau.
— Je t'écoute.
— Deux personnes, Sandrine Monney et Stéphane Drouin, qui travaillaient dans un bureau d'étude à Genève, sont mortes en l'espace de vingt-quatre heures.
— Et ?
— La police enquête sur les conditions étranges de leur décès… Les deux ont succombé à un arrêt cardiaque alors qu'ils n'avaient même pas la quarantaine. J'ai appelé nos collègues en Suisse : le légiste conclu à un neurotoxique. Tu vois ce que je veux dire ?
— Tu crois que le géologue qui est mort…
— Oui. Franck Alamercery. Mêmes conclusions sur son dossier médical : neurotoxique non identifié.
— Tu penses qu'il y a un lien ?
— Les deux victimes suisses travaillaient sur un dossier confidentiel pour l'ONU.
— Et ?
— Tout ce que j'ai pu savoir, c'est que leur enquête concernait en partie la géologie. Ça fait un peu beaucoup, non ?
— C'est mince.
— Trois personnes qui meurent dans les mêmes conditions, visiblement à cause d'un agent neurotoxique, toutes les trois travaillant sur la géologie… J'ai du mal à croire que cela ne soit pas lié à la disparition de Charles Lynch, Ari.
— Conclusions hâtives.
— Tu as d'autres pistes à suivre ?
— Non.
— Alors qu'est-ce que tu attends pour aller à Genève ?
1-
Force de Stabilisation de l'OTAN.
Les cathédrales du vide
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