86.
À peine eussé-je mis un pied à l'intérieur de
l'immense grotte qu'il advint un phénomène extraordinaire dont
l'image, à jamais, restera gravée dans ma mémoire.
Ce fut comme si cette gigantesque alcôve s'était
allumée d'un coup, par magie. Les murs noirs, le sol et le plafond
furent soudain éclairés par la singulière lumière rouge qui s'était
mise à grandir au centre de la pièce au moment même où je m'étais
approché. Je découvris alors l'explication de ce véritable
prodige.
À quelques pas de moi, au beau milieu de cette
caverne oubliée, comme planté dans un grand cirque, se dressait une
sorte de cristal, mesurant à peine plus d'un pied, aux reflets
cramoisis, et qui semblait briller de l'intérieur. C'était un
spectacle splendide qui me paralysa pendant un long instant.
Quand, sorti de la stupeur des premiers instants,
je m'avançai doucement, la lumière à l'intérieur du cristal
s'intensifia davantage. Je pris peur et m'immobilisai, le cœur
battant. On eut dit que la chose se protégeait. Incapable toutefois
de résister à la fascination qu'elle exerçait sur moi, je fis à
nouveau quelques pas en élevant la torche au-dessus de moi, comme
si elle avait pu me défendre. Et alors je compris.
De nouveaux éclats vifs étaient apparus à
l'intérieur de la paroi transparente, approximativement à la
hauteur où je tenais ma torche. Je sus alors que le cristal, d'une
façon ou d'une autre, emprisonnait la lumière.
Jamais je n'avais vu pareille merveille. S'il y
avait eu quelqu'un avec moi dans cette grotte, je pense qu'il
aurait vu sur mon visage un ravissement presque enfantin.