53.
Cela faisait au moins une heure que Borja se
demandait s'il était bien utile de rester dans l'appartement quand
il entendit enfin le bruit des clefs de l'autre côté de la porte.
Il avait attendu toute la nuit et toute la matinée, s'efforçant de
bouger régulièrement pour ne pas risquer de paralyser ses muscles.
Dans son état, il ne ressentait même pas la fatigue.
Deux fois, il s'était fait avoir par de fausses
alertes : les voisins de palier. Mais à présent, pas de doute,
c'était bien la serrure de cet appartement-ci qu'il entendait
cliqueter.
L'homme dévissa le pommeau argenté et versa
précautionneusement le liquide au creux de sa main gantée. Il
arrivait au bout de sa réserve. Heureusement, quelques gouttes
suffisaient. Il referma la canne, serra le poing pour étaler le
poison dans sa paume, puis il attendit que la porte s'ouvre.
Marie Lynch alluma la lumière de l'entrée.
Borja vit dans le miroir la silhouette de la jeune
femme qui se découpait dans la lumière. Il resta immobile. Pour ne
prendre aucun risque, il devait attendre qu'elle referme la porte
et qu'elle pénètre dans le salon.
Elle posa ses clefs sur la table où s'entassait
déjà son courrier. Elle portait sur les oreilles des petits
écouteurs blancs. À en juger par ses mouvements de tête, elle
devait écouter de la musique, assez fort. Un atout pour
Borja.
Marie Lynch enleva sa veste blanche et légère et
l'accrocha sur le portemanteau de l'entrée. Puis, du bout du pied,
elle claqua la porte derrière elle.