44.

Le silence régnait à présent sur la cour. Soit Rusty Coombs s’accordait un répit, soit il rechargeait.

Allons-y. Rien que toi et moi, mon pote.

Je me dirigeais vers le bâtiment qui me faisait face. J’éprouvais une sorte d’hystérie contrôlée. Pas bon, ça. Je savais que j’étais une cible et que Coombs junior pouvait faire un carton sur moi.

Soudain, j’ai entendu une détonation dans mon dos. J’ai jeté un coup d’œil et j’ai aperçu Jacobi qui canardait la tour.

Avant que Rusty puisse braquer son arme sur moi, j’ai filé sous d’épaisses branches de peuplier puis, prenant la tour à revers, je me suis retrouvée à quelques mètres de sa base.

J’ai regardé autour de moi et aperçu Jacobi avec Kimes. Il m’a fait non de la tête. Je savais que ça signifiait s’il te plaît, Lindsay, bouge plus. Je pourrai plus te couvrir une fois que tu seras à l’intérieur de la tour. Je lui ai fait un clin d’œil, presque pour m’excuser.

J’ai contourné le bâtiment et découvert une entrée du côté nord. J’ai gravi le perron et me suis retrouvée dans un hall en marbre.

L’ascenseur était juste en face de moi.

J’ai appuyé sur le bouton d’appel sans discontinuer, mon arme braquée sur les portes. Elles ont refusé de s’ouvrir. Un peu futilement, j’ai balancé mon poing contre leurs battants chromés. J’ai hurlé « Police ». Mon cri s’est répercuté dans les couloirs. J’avais besoin que quelqu’un vienne, n’importe qui. Je n’avais aucune idée de la façon dont on gagnait le sommet de la tour.

Un vieil homme en uniforme d’agent de maintenance a émergé d’un couloir. Il a eu un mouvement de recul en apercevant mon arme.

— Police, l’ai-je apostrophé. Comment je fais pour aller là-haut ?

— On a bloqué l’ascenseur, m’a-t-il répondu. Faut prendre l’escalier auxiliaire.

— Montrez-moi où il est, s’il vous plaît. C’est une question de vie ou de mort.

Le gardien m’a fait franchir une porte, m’a escortée jusqu’au second étage, puis m’a fait longer un couloir jusqu’à un escalier plus étroit.

— Il y a treize étages à partir de là, une porte coupe-feu tout en haut. Elle s’ouvre des deux côtés.

— Attendez dans le hall et prévenez le premier qui arrivera que je suis montée, ai-je dit en m’engageant dans l’étroit escalier. C’est aussi une affaire de vie ou de mort.

— Oui, m’dame. Compris.

J’ai entamé la montée. Treize étages. Et je ne savais trop à quoi m’attendre au sommet. Mon cœur battait à toute allure et une sueur froide collait mon chemisier dans mon dos.

Treize, chiffre porte-bonheur. À chaque palier, ma respiration devenait plus difficile, mon souffle plus court.

J’ai commencé à avoir très mal aux jambes, et dire que je faisais du jogging quatre fois par semaine. J’ignorais si c’était une folie de monter là-haut sans renfort. Et merde, si, je savais que c’était une folie.

J’ai enfin dépassé le douzième palier et atteint le sommet. Bon Dieu. Seule une porte métallique me séparait de Chimère. Mon cœur explosait dans ma poitrine.

À travers le battant, j’ai encore entendu tirer. K-pow, k-pow, k-pow. Il était reparti de plus belle. J’avais une peur bleue qu’on ne déplore une nouvelle victime. J’étais furieuse, exaspérée. J’avais une telle envie de le descendre. J’ai vérifié mon Glock et repris mon souffle. Ah bon Dieu, Lindsay... ce que tu dois faire, fais-le, et vite.

La porte coupe-feu était munie d’un de ces lourds leviers de secours qu’il fallait abaisser pour la libérer.

Je l’ai basculé vers le bas, puis j’ai fait irruption sur le belvédère.