38.
Je me suis empressée de remonter dans les étages. La première chose que j’ai faite, ça a été de passer un coup de fil au professeur Stasic du centre universitaire de Mountain View. N’obtenant que sa boîte vocale, je lui ai laissé un message le pressant de me rappeler.
J’ai entré le nom Francis L. Coombs dans la banque de données informatiques CCI. L’ancienne condamnation du père y figurait, mais rien sur le fils. Pas de casier judiciaire.
J’ai pressenti que si le gamin avait eu assez de sang-froid pour commettre ces crimes abominables, il devait être fiché quelque part. J’ai tapé le nom dans la banque de données des délinquants juvéniles. Ces archives étaient confidentielles : on ne pouvait pas les utiliser dans un tribunal mais on y avait libre accès. Au bout de quelques secondes, un dossier est apparu. Fourni... j’ai cligné des yeux devant l’écran.
Rusty Coombs avait eu maille à partir avec la justice au moins sept fois depuis l’âge de treize ans.
En 1992, il avait comparu devant un tribunal pour enfants après avoir abattu le chien d’un voisin avec un fusil à plombs.
Un an plus tard, on l’avait condamné pour acte de cruauté envers un animal après qu’il eut tué une oie dans un jardin botanique.
À l’âge de quinze ans, avec l’un de ses amis, il avait été mis en examen pour dégradation de bien public, après avoir tagué des slogans antisémites sur les murs d’une synagogue.
Il avait été accusé, mais pas condamné, d’avoir balancé des bouteilles de bière dans la fenêtre d’un voisin. Le plaignant était de race noire.
Il était censé faire partie d’un gang au lycée, les Kott Street Boys, connu pour ses attaques racistes contre des Blacks, des Latinos et des Asiatiques.
J’ai lu le tout avec stupéfaction. Finalement, j’ai convoqué Jacobi dans mon bureau. Je lui ai tout déballé : les antécédents violents de Rusty Coombs, son nom sur le trophée de tir, la fourgonnette volée à Mountain View, à proximité de Palo Alto.
— Il est évident que les critères d’admission à Stanford se sont assouplis depuis que j’ai posé ma candidature, a ricané Jacobi.
— Pas de blague, Warren, s’il te plaît. Alors, qu’est-ce que tu en penses ? Je divague, hein ? Je suis folle ?
— Pas au point de ne pas devoir retourner rendre visite au gamin, a-t-il conclu.
Il y avait d’autres choses qu’on pouvait faire pour être sûrs. On pouvait attendre et voir si l’ADN de Coombs père concordait avec celui qu’on avait récolté sous les ongles d’Estelle Chipman. Mais ça prendrait du temps. Plus j’y songeais, plus l’hypothèse Rusty Coombs tenait la route.
Mon cerveau était en ébullition à présent. J’en tremblais.
— Oh, mon Dieu, Warren... la craie blanche...
Jacobi s’est penché en avant.
— Oui, et alors ?
— La poudre blanche que Clapper a retrouvée sur deux des scènes de crime.
J’ai revu Rusty Coombs, son visage taché de rousseur, ses épaules de déménageur dans son T-shirt des Cardinals trempé de sueur. La parfaite incarnation d’un gamin doué qui avait changé radicalement de vie, pas vrai ?
— Tu te souviens quand on l’a rencontré ?
— Bien sûr, au gymnase, à Stanford.
— Il soulevait de la fonte. Et qu’est-ce que les haltérophiles utilisent, Warren, pour que la barre ne leur glisse pas entre les doigts ?
Je me suis levée. Mon esprit se concentrait sur l’image frappante de Rusty Coombs en train de frotter ses mains puissantes et blanches, l’une contre l’autre.
— De la craie, a marmonné Jacobi.