32.
Je venais de terminer ma journée – rien de nouveau sur les quatre victimes, la craie blanche gardait toujours son mystère, quand j’ai reçu un appel de Cindy.
— Le Palais est toujours sous la loi martiale ? m’a-t-elle dit sur le ton de la plaisanterie, faisant référence au moratoire du maire sur la presse.
— Fais-moi confiance, c’est pas la joie non plus intra-muros.
— Pourquoi tu me retrouverais pas quelque part ? J’ai découvert un truc.
— D’accord. Où ça ?
— Regarde par la fenêtre. Je suis juste en dessous.
J’ai jeté un coup d’œil et aperçu Cindy, appuyée à une voiture garée devant le palais. Il était presque sept heures. J’ai rangé mon bureau, souhaité brièvement bonne soirée à Lorraine et à Chin et me suis faufilée par l’entrée de service. J’ai traversé la rue en courant pour rejoindre Cindy. Elle était en minijupe et veste en jeans brodé, une sacoche kaki décolorée en bandoulière.
— Répétition de la chorale ? lui ai-je demandé avec un clin d’œil.
— Tu peux parler. La prochaine fois que je te vois en tenue commando, j’en déduirai que t’as rendez-vous avec ton père.
— Puisqu’on parle du loup, je l’ai appelé. Je l’ai invité demain soir. Bon, Gorge Profonde, qu’y a-t-il de si important pour qu’on se retrouve ici ?
— Une bonne et une mauvaise nouvelle, m’a dit Cindy.
Elle a tiré de sa sacoche une enveloppe grand format.
— Je crois que j’ai trouvé, Lindsay.
Elle m’a tendu l’enveloppe, je l’ai ouverte : un article du Chronicle vieux de deux ans à propos du journal d’un prisonnier, L’Enfer en Cellule, dû à un certain Antoine James. On avait surligné certains passages en jaune. Je me suis mise à lire.
« Des Nazis... pire que des Nazis. Rien que des condamnés au max. Blancs, teigneux, haineux. On sait pas ceux qu’ils détestent le plus, nous, la « vermine », dont ils doivent partager les repas ou les flics et les gardiens qui les ont mis à l’ombre. Ces ordures ont un nom bien à eux. Ils se font appeler Chimère... »
Impossible de décoller mes yeux du mot.
— Ce sont des brutes épaisses, Lindsay. Les pires fauteurs de troubles du système carcéral. Ils se chargent même d’exécuter mutuellement leurs contrats à l’extérieur. Voilà pour la bonne nouvelle, a-t-elle ajouté. La mauvaise, c’est qu’il s’agit de Pélican Bay.