15.
Coombs, accroupi à mes côtés, me toisait avec ce rictus hautain que j’avais déjà appris à détester. Chimère était là et bien là.
— On dirait que c’est à ton tour de pencher un peu à gauche, m’a-t-il dit.
J’avais juste assez de clairvoyance pour comprendre dans quel incroyable pétrin je m’étais fourrée. Tout ce qui pouvait tourner mal n’avait pas manqué de le faire.
— Il s’agit d’une enquête criminelle, ai-je dit aux hommes qui m’entouraient. On recherche Frank Coombs à propos de quatre meurtres, dont celui de deux flics. Vous n’avez pas envie d’être mêlés à ça.
Coombs gardait toujours le sourire.
— Économise ta salive, ces conneries n’ont aucune portée par ici. J’ai appris que tu as parlé à Weiscz. Génial comme mec, hein ? C’est un ami à moi.
Je me suis redressée en position assise. Comment était-il au courant de ma visite à Pélican Bay, merde ?
— On sait que je suis ici.
Soudain, le poing de Coombs est parti comme l’éclair, me cueillant à la mâchoire. J’ai senti un liquide tiède m’emplir la bouche, mon propre sang. Mon esprit cherchait à tout prix un moyen de lui échapper.
Coombs a continué à me sourire de tout son haut.
— Je vais vous faire ce que vous m’avez fait, bande de salauds. Vous prendre quelque chose de précieux. Quelque chose que vous ne pourrez jamais retrouver. Vous n’avez encore rien compris.
— J’en ai compris assez. Vous avez tué des innocents.
Coombs a éclaté de rire. Sa main rugueuse m’a caressé la joue. Le venin de son regard, la froideur de son contact ont manqué me faire vomir.
J’ai entendu le coup de feu retentir, tout près, seulement c’est Coombs qui a beuglé en s’agrippant l’épaule.
Les autres se sont dispersés. Le chaos régnait dans l’obscurité. J’étais au diapason de la confusion générale. Une nouvelle balle a sifflé dans les airs.
Un truand maigrichon, tatoué de partout, a glapi en se prenant la cuisse à deux mains. Deux détonations supplémentaires ont ébranlé le mur du garage.
— Qu’est-ce qui s’passe, bordel ? a hurlé Coombs. Qui c’est qui flingue ?
De nouveaux coups de feu ont éclaté. Ils provenaient de la zone d’ombre à l’extrémité de l’allée. Je me suis relevée et éloignée de la maison en courant, courbée. Personne ne m’en a empêchée.
— Par ici, a crié quelqu’un devant moi.
J’ai tricoté des jambes en direction de cette voix. Le tireur était tapi derrière la Bonneville moutarde.
— Tirons-nous, a-t-il beuglé.
Alors tout à coup, je l’ai vu, sans pouvoir en croire mes yeux.
J’ai tendu les bras et suis tombée dans ceux de mon père.