30.
On m’a laissée sortir le lendemain matin.
Jill est venue me chercher. Elle a garé sa BMW le long du trottoir, devant l’Hôpital Général de San Francisco, pendant qu’on m’en sortait en fauteuil roulant. La presse était présente. J’ai salué du geste mes nouveaux potes, mais refusé de leur parler. Le prochain arrêt, c’était la maison, serrer Martha dans mes bras, me doucher, changer de vêtements.
Le lundi matin, j’ai pénétré dans le bureau 350 du palais, une légère raideur dans la démarche, comme si je me rendais au boulot un jour parmi d’autres : la brigade au grand complet m’a applaudie.
— À toi, la balle de match, lieutenant, m’a dit Jacobi, en me tendant la brosse.
— Ça va – je les ai congédiés de la main –, attendons le complément d’enquête.
— Le complément d’enquête ? Qu’est-ce que ça prouvera ? a-t-il dit. À toi l’honneur.
— Lieutenant, a renchéri Cappy, le regard clair et fier, on vous les a réservés.
— Vas-y, lieutenant.
Pour la première fois peut-être depuis ma nomination par Mercer, j’ai senti que je dirigeais la crime et que tous les doutes sur ma valeur et mon grade que j’avais traînés pendant toute ma carrière n’étaient plus que les jalons d’un itinéraire accompli, à des kilomètres derrière moi.
J’ai gagné le tableau où les affaires en cours étaient répertoriées ; j’ai effacé le nom de Tasha Catchings de la liste. Celui d’Art Davidson, aussi.
Mon triomphe m’emplissait d’une joie calme. J’éprouvais à la fois du soulagement et de la satisfaction.
On ne peut pas faire revenir les morts. On ne peut même pas expliquer logiquement pourquoi les choses arrivent. Tout ce qu’on peut faire, et le mieux qu’on puisse faire, c’est de laisser les vivants croire qu’ils ont l’âme en paix.
Les inspecteurs me regardaient, en faisant cercle autour de moi.
J’ai effacé le nom d’Earl Mercer sur le tableau.