43.
Putain, qu’il se sentait bien.
Chimère rentra le fusil et s’adossa au muret de béton. Dans un instant, l’enfer sur terre allait se déchaîner sur la cour. Des équipes commandos, des tireurs d’élite, peut-être même des hélicoptères. Il savait qu’il avait l’avantage – il s’en fichait de mourir.
Il fixa les énormes cloches du carillon. Il avait toujours bien aimé ces saletés de cloches. Quand elles sonnaient, on les entendait partout sur le campus. Il se demanda si, quand tout serait fini, quand il ne ferait plus partie du paysage, les cloches sonneraient le glas à son enterrement. Ouais, bon.
Puis il prit conscience qu’il était seul dans la Tour Hoover et qu’il venait de tuer cinq personnes. Quelle journée merdique il venait de passer – quelle vie merdique il avait menée. Sa page serait bientôt tournée, plus aucun doute là-dessus.
Il se redressa et jeta un coup d’œil par-dessus le parapet. Soudain, tout était plutôt calme, là, en bas. On avait évacué la cour. Bientôt les membres d’un commando d’intervention high tech se pointeraient sur les lieux, il n’aurait plus alors qu’à en dégommer le plus grand nombre. Il faudrait qu’ils les gagnent, leurs heures sups.
Mais pour le moment, ici, en haut, mec, tout était d’une beauté...
Il aperçut alors Lindsay Boxer ! Il se colla l’œil à la lunette du fusil pour s’en assurer. L’« héroïne flic » qui avait tué son père. Elle avait quitté l’abri du bâtiment administratif, et courait en zigzag, courbée en deux, en direction de la tour. Il était heureux de sa présence ici. Tout à coup, ça changeait tout. Il avait encore le temps de mener cette affaire à bonne fin...
Il suivit la silhouette qui fonçait en clignant doucement de l’œil gauche. Il fit tomber sa respiration à un rythme d’une lenteur quasi méditative.
Il songeait que son père avait été criblé de neuf balles.
C’est ce qui l’attendait, elle aussi.
Il aspira un bon coup et immobilisa la croix de sa visée sur son chemisier blanc.
T’es une femme morte.