13.
J’ai suivi, à une dizaine de voitures d’écart. La Bonneville a enfilé la bretelle d’accès à la 280 et pris la direction du sud. J’ai gardé mes distances, mon pouls battant à cent à l’heure. Je fonctionnais maintenant peu ou prou à l’adrénaline. Je n’avais pas d’autre choix que de filer Coombs du mieux que je pouvais.
Au bout de quelques kilomètres, la Bonneville a mis son clignotant et pris la sortie de San Francisco sud. Après avoir sillonné le quartier ouvrier de la ville, elle a attaqué une rue escarpée que je savais être South Hill. Les rues sont devenues sombres et j’ai éteint mes phares.
La Bonneville s’est engagée dans une rue écartée, plongée dans l’obscurité. Les maisons, attenantes, de classe moyenne, avaient salement besoin d’être retapées. Au bout de la rue, la voiture s’est arrêtée dans l’allée d’une maison blanche, perchée sur une colline dominant la vallée. Si le site était relativement charmant, la maison, elle, était en piteux état.
Coombs et son acolyte ont mis pied à terre, tout en parlant. Ils sont entrés dans la maison. J’ai tourné dans une allée, trois maisons plus loin. Je n’avais jamais éprouvé une sensation de solitude aussi glaciale. Simplement, il m’était impossible de lâcher Coombs, je ne pouvais pas le laisser nous échapper.
Sortant le Glock de la boîte à gants, j’en ai vérifié le chargeur. Il était plein. Bon Dieu, Lindsay. Pas de gilet, personne en renfort, un portable inutilisable.
Je me suis glissée le long du trottoir ténébreux en direction de la maison blanche, l’automatique au côté. Je me débrouillais bien avec mon arme, mais assez bien pour ça ?
Plusieurs voitures et pick-up déglingués stationnaient au petit bonheur en haut de l’allée. Le rez-de-chaussée était éclairé. J’entendais des voix. En tout cas, je suis arrivée jusqu’ici.
Je me suis engagée dans l’allée étroite qui montait au garage. C’était une construction à deux places, séparée du bâtiment principal par un passage goudronné. Les voix sont devenues plus fortes. J’ai essayé de comprendre ce qu’elles disaient, mais j’étais trop loin. Reprenant mon souffle, je me suis rapprochée. Rasant la maison, j’ai jeté un œil par une fenêtre. Si Coombs donnait l’impression de vouloir y rester un certain temps, je pourrais alors faire venir des renforts jusqu’ici.
Six malfrats, bières et clopes à l’avenant, s’entassaient autour d’une table. Coombs était du nombre. Sur le bras de l’un des types, j’ai aperçu un tatouage qui rendait le tout clair comme de l’eau de roche.
La tête d’un lion, celle d’une chèvre, la queue d’un reptile.
Chimère tenait une réunion.
Je me suis rapprochée davantage, l’oreille tendue. Soudain j’ai perçu le ronflement du moteur d’une autre voiture qui gravissait South Hill. Je me suis immobilisée.
Collée à la maison, j’ai regagné l’espace qui séparait le bâtiment principal du garage. J’ai entendu un claquement de portière, puis des voix et des pas qui venaient dans ma direction.