9.
Quelque chose m’est revenu pendant la nuit. Le tueur avait appelé le 911.
Je les ai contactés au matin. Lila McKendree tenait le standard. Elle était à son poste quand on avait lancé l’appel Davidson.
Lila, boulotte, les joues roses, le sourire facile, était très professionnelle. Elle pouvait jongler dans les situations graves avec le sang-froid d’un contrôleur aérien.
Elle a mis en place l’appel d’origine au 911 dans la salle de garde. Toute l’équipe s’est rassemblée autour. Cappy et Jacobi étaient là avant de s’en retourner à Vallejo.
— C’est sur bande, nous a expliqué Lila.
Puis elle a appuyé sur la touche replay.
Dans quelques secondes, on allait entendre la voix du tueur pour la première fois.
— Police de San Francisco, hot line du 911, a dit la voix de la standardiste.
On aurait entendu une mouche voler dans la salle de garde.
Une voix d’homme affolée a répondu :
— Je signale un trouble de l’ordre public... y a un type qui tabasse sa femme.
— O.K., a répliqué l’opératrice. Pour commencer, il me faut les coordonnées de l’endroit où vous êtes. Où l’incident a-t-il lieu ?
Un bruit de fond, celui d’une télé ou de la circulation, a créé une interférence, rendant l’audition difficile.
— 303, Septième Rue. Troisième étage. Mieux vaudrait envoyer quelqu’un. C’est en train de tourner salement au vinaigre.
— L’adresse, dites-vous, c’est au 303, sur la Septième ?
— C’est ça, a confirmé le tueur.
— Et qui est à l’appareil ? a demandé l’opératrice.
— Mon nom, c’est Billy. Billy Reffon. J’habite au bout du couloir. Feriez mieux de vous grouiller.
On s’est tous regardés avec stupéfaction. Le tueur donnait son nom ? Bordel de merde.
— Écoutez, monsieur, a insisté la standardiste, vous arrivez à entendre ce qui se passe pendant que je parle avec vous ?
— Ce que j’entends, a-t-il répondu, c’est qu’un relou la castagne à mort.
L’opératrice hésitait.
— Oui, monsieur. Pouvez-vous déterminer si quelqu’un a été blessé jusqu’à présent ?
— Je suis pas toubib, m’dame. J’essaie seulement de faire ce qu’il faut. Envoyez quelqu’un, et basta !
— O.K., monsieur Reffon. J’appelle une voiture de patrouille. De votre côté, sortez de l’immeuble et attendez les agents. Ils ne vont pas tarder.
— Z’avez intérêt à rappliquer vite fait, a ajouté l’assassin. À ce que j’entends, quelqu’un va morfler sec.
Une fois la transmission terminée, on a eu droit à l’enregistrement de l’appel consécutif du standard.
— L’appel venait d’un portable, volé, sans doute, nous a dit Lila en haussant ses larges épaules. Ah, ça repart en boucle.
Instantanément, la bande repassa une deuxième fois. Cette fois, j’ai écouté attentivement ce que la voix pouvait m’apprendre.
Je signale un trouble de l’ordre public... la voix était inquiète, paniquée et calme à la fois.
— Un sacré bon comédien, le mec, m’a soufflé Jacobi.
Mon nom, c’est Billy. Billy Reffon...
Je me suis agrippée aux montants du fauteuil en réécoutant les instructions bien intentionnées de la standardiste. « Sortez de l’immeuble et attendez les agents. Ils ne vont pas tarder. » Pendant tout cet échange, il était collé derrière son fusil à lunette, guettant le moment où sa cible se montrerait.
Z’avez intérêt à rappliquer vite fait..., disait-il, quelqu’un va morfler sec.
On a écouté l’enregistrement à nouveau.
Et cette fois, j’ai perçu l’indifférence moqueuse du ton. Pas la moindre trace de remords pour ce qu’il allait faire. Dans son dernier avertissement, j’ai même détecté un soupçon de ricanement à froid : vite fait... quelqu’un va morfler sec.
— C’est tout ce que j’ai, nous a dit Lila McKendree. La voix du tueur.