10.
Le meurtre de Davidson a changé toute la donne.
Un gros titre du Chronicle clamait en caractères gras :
on pense que le flic assassiné est la troisième victime d’une vague de terreur.
L’article de première page, signé Cindy, faisait mention de la précision des tirs longue portée ainsi que du symbole utilisé par des groupuscules racistes en activité qu’on avait découvert sur les lieux.
Je me suis dirigée vers le labo de la police scientifique. J’y ai trouvé Charlie Clapper, recroquevillé derrière un bureau métallique, vêtu de sa blouse de laborantin, qui mâchonnait son petit déjeuner, à savoir un paquet de chips Doritos. Ses cheveux poivre et sel en bataille étaient gras et il avait des poches sous les yeux.
— Ça fait deux nuits que je passe à ce bureau, cette semaine, maugréa-t-il. Quelqu’un s’est encore fait buter aujourd’hui ?
— Au cas où tu l’aurais pas remarqué, la semaine dernière, moi non plus, j’ai pas eu droit à une seule nuit pour récupérer. Ma beauté en a souffert.
J’ai haussé les épaules.
— Allez, Charlie. Il me faut quelque chose dans l’affaire Davidson. Cette ordure tue des gars de chez nous.
— Je sais, a soupiré mon collègue rondouillard.
Il s’est levé péniblement et s’est traîné jusqu’à un comptoir. Il y a ramassé un sachet zip-lock contenant un projectile aplati.
— Voilà ta balle, Lindsay. On l’a retirée du mur derrière l’endroit où Davidson a été abattu. Un coup de feu unique. Lumières éteintes. Vérifie avec Claire si tu veux. Cet enfoiré sait tirer, pas de doute.
J’ai pris la douille et tenté d’en déduire quelque chose.
— Calibre 40, m’a fait Clapper. Ma première estimation, c’est qu’elle provient d’un PSG-1.
Je me suis rembrunie.
— T’es sûr de ça, Charlie ?
Tasha Catchings avait été tuée avec un M-16.
Il m’a désigné un microscope.
— Faites, lieutenant. Je me doute que la balistique n’a aucun secret pour vous.
— C’est pas ce que j’ai voulu dire, Charlie. J’espérais simplement que ça concorde avec la petite Catchings.
— Reese travaille encore dessus, m’a-t-il fait en piquant une chips dans le sachet. Mais parie pas trop là-dessus. Ce type a fait du boulot sans bavure, Lindsay. Tout comme à l’église. Pas d’empreintes, rien laissé derrière lui. Le radiocassette est standard. On peut l’avoir acheté n’importe où. Et on le déclenche à distance par télécommande. On a même reconstitué ce qu’on pense avoir été son itinéraire jusqu’au toit de l’immeuble, on a saupoudré tout et n’importe quoi depuis les rampes d’escalier jusqu’aux espagnolettes des fenêtres. À vrai dire on n’a fait qu’une seule découverte...
— Laquelle ? l’ai-je pressé.
Il m’a orientée vers un comptoir du laboratoire.
— L’empreinte partielle d’une basket. Dans le goudron du toit d’où l’on a tiré. Ça m’a l’air passe-partout comme godasse. On a aussi relevé des traces de fine poudre blanche. Sans aucune garantie que ça vienne de lui.
— De la poudre ?
— De la craie, a précisé Charlie. Ce qui limite les possibilités à une cinquantaine de millions. Si jamais ce type signe ses tableaux de chasse, Lindsay, il va nous donner du fil à retordre.
— Il les a signés, Charlie, ai-je affirmé avec conviction. Par son coup de feu.
— On a expédié la cassette 911 pour une analyse de voix. Je te préviendrai quand on nous la renverra.
Je lui ai tapoté l’épaule pour le remercier.
— Va dormir un peu, Charlie.
Il a soulevé le sachet de Doritos.
— J’y manquerai pas. Après le petit déj.