24.
En fin d’après-midi, je suis restée assise à mon bureau, tandis que l’un après l’autre, les membres de mon équipe terminaient leur journée. Je n’ai pas pu partir avec eux.
Dans ma tête, je n’arrêtais pas d’essayer de faire tenir ensemble les morceaux. Les éléments que je possédais reposaient sur des hypothèses. L’assassin était-il noir ou blanc ? Claire avait-elle raison d’affirmer qu’on avait tué Tasha Catchings intentionnellement ? Mais le symbole du lion, lui, avait bien été présent. Relie les victimes, me soufflait mon instinct. Il y a un lien. Mais bon sang, lequel ?
J’ai vérifié l’heure à ma montre et passé un coup de fil à Simone Clark au service du personnel ; je l’ai cueillie alors qu’elle s’apprêtait à s’en aller.
— Simone, j’ai besoin que tu me sortes un dossier demain.
— Bien sûr, lequel ?
— Celui d’un flic qui a pris sa retraite, il y a huit à dix ans de ça. Son nom, c’est Edward Chipman.
— Ça fait un bail. Il doit être à l’entrepôt.
Le service délocalisait ses archives dans une société de gardiennage.
— Début d’après-midi, d’accord ?
— D’accord, Simone. Fais au mieux.
J’étais une vraie pile électrique, je bouillonnais d’énergie. J’ai pris un nouveau tas de dossiers de Kirkwood et les ai laissés choir sur mon bureau.
J’en ai ouvert un au hasard. Les Américains pour une Action Constitutionnelle... Charrues et Fifres, encore une milice de péquenots. Tous ces connards me paraissaient une bande de branleurs de droite. À quoi bon perdre mon temps ? Rien ne me sautait aux yeux. Rien ne me donnait l’espoir que j’étais sur la bonne piste.
Rentre chez toi, Lindsay, me soufflait une petite voix. Demain, de nouvelles pistes peuvent se manifester. Il y a la fourgonnette, le dossier Chapman... ça suffit pour ce soir. Va promener Martha.
Rentre chez toi...
J’ai rempilé les dossiers, prête à abandonner, quand celui du dessus m’a tiré l’œil. Les Templiers. Un rejeton des Hells Angels, basé à Yallejo. Les Templiers d’origine étaient des chevaliers des croisades. Immédiatement, j’ai noté l’estimation du FBI concernant leur dangerosité. Elle était qualifiée de Élevée/ Importante.
J’ai retiré le dossier de la pile et l’ai feuilleté plus avant. Y figurait un rapport du FBI mettant l’accent sur une série de délits non résolus et dans lesquels on soupçonnait lesdits Templiers d’avoir trempé : braquages de banques, contrats à l’encontre de gangs de Blacks ou de Latinos.
Je feuilletais toujours casiers judiciaires, fiches d’écrou, photos de surveillance du groupuscule. Soudain, j’ai retenu mon souffle.
L’un des clichés m’a scotchée : on y voyait une bande de motards hyper musclés et couverts de tatouages, regroupés à l’extérieur d’un bar de Vallejo qui leur servait de quartier général. L’un d’eux était penché sur sa moto, tournant le dos à l’appareil. Il avait le crâne rasé, un bandana et une veste en jean sans manches qui mettait en valeur ses bras énormes.
C’était le dessin brodé au dos de la veste en jean qui avait attiré mon attention.
J’avais sous les yeux un lion à deux têtes et à queue de serpent.