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La porte du chalet n’avait pas de serrure. Mills nous attendit dehors, et, dès notre entrée, nous comprîmes pourquoi. Il régnait ici une odeur de pourriture pestilentielle. Des détritus, de la nourriture qui devaient traîner ici depuis des mois.

— Tu parles d’un petit coin de paradis ! fit Bree en se collant un mouchoir sous le nez comme s’il agissait d’une scène de crime.

Ce qui n’était pas impossible…

La pièce principale tenait lieu à la fois de cuisine, de séjour et de salle à manger. Une grande baie vitrée donnait sur la rivière. Le long du mur latéral, il y avait un atelier jonché d’outils et de dizaines de mouches à truite à différents stades de confection. Quelques cannes à pêche étaient accrochées au-dessus.

Hormis deux fauteuils en cuir, tout le mobilier semblait avoir été fabriqué par Tyler lui-même. C’était aussi le cas des étagères en pin.

— Les livres en disent long sur leur propriétaire.

Mills, qui s’était finalement décidé à nous rejoindre, inspectait la bibliothèque.

— Biographie, biographie, cosmologie. Aucun roman. Vous en déduisez quelque chose ?

— Ma première question serait : des bios de qui ? répondis-je.

Je vins voir.

Il y avait beaucoup d’ouvrages consacrés aux présidents américains – Harry Truman, Abraham Lincoln, Bill Clinton, Ronald Reagan et les deux Bush – ainsi qu’à d’autres leaders de stature internationale tels que Margaret Thatcher, Oussama ben Laden, Ho Chi Minh ou Winston Churchill.

— Un complexe de supériorité, peut-être ? suggérai-je. Ça correspondrait bien à SW. Enfin, d’après ce que nous croyons savoir de lui.

— Vous n’avez pas l’air très sûr de votre profil, gloussa Mills, qui était du genre glousseur.

— Je ne le suis pas. Depuis le début, il nous mène en bateau. Il adore jouer.

La chambre de Bell était petite et sombre, presque humide. Une autre étagère séparait le lit d’un coin toilette, avec lavabo et w-c. Ni douche ni baignoire, sauf si on comptait la rivière. En fait, cela me faisait un peu penser à une cellule de prison. Et, par association, à Kyle Craig. Qu’est-ce que Kyle venait faire là-dedans ?

Les seuls éléments de décoration étaient trois photos encadrées, accrochées l’une au-dessus de l’autre – une disposition qui me rappelait la page du nouveau site Web. Celle du haut, un vieux portrait de mariage en noir et blanc, devait représenter papa et maman. Celle du milieu, deux chiens de chasse, des golden retrievers.

Sur la dernière, on voyait cinq adultes devant un pick-up rouge, celui qui était en train de rouiller devant le chalet.

J’en reconnaissais déjà trois, ce qui était un bon début : Tyler Bell, Michael Bell et Marti Lowenstein-Bell, que son mari finirait par tuer. Les deux autres, un homme et une femme, ne me disaient rien. La femme avait mis les doigts en V derrière la tête de Tyler pour lui faire des oreilles d’âne.

— C’est curieux, non ? me dit Bree. Ils ont l’air vraiment heureux, tu ne trouves pas ?

— Ils l’étaient peut-être. Et lui, il l’est peut-être toujours.

Après avoir passé des heures à passer la chambre au peigne fin, sans résultats, nous retournâmes dans la pièce principale pour nous attaquer à la cuisine, que nous avions gardée pour la fin. Rien ne servait, en effet, d’ouvrir trop tôt la porte de ce réfrigérateur. Fonctionnant au propane, il avait dû s’arrêter depuis longtemps. Il était à moitié rempli. Les denrées semblaient, pour la plupart, avoir été achetées en gros ; des sacs plastiques de céréales et de haricots côtoyaient d’autres produits réduits à l’état de bouillie indéfinissable.

— Il aime bien la moutarde, en tout cas.

Il y en avait plusieurs sortes dans la porte.

— Et le lait.

Je vis deux bidons, taille familiale, dont l’un n’avait pas été ouvert.

— Le lait ne se garde pas, dis-je.

— Il n’y a pas que le lait.

Elle remit le mouchoir sur son nez.

— Non, ce que je veux dire, c’est que la date de péremption de celui-ci correspond au lendemain du jour où il a disparu.

Je me relevai et refermai la porte du réfrigérateur.

— L’autre pouvait tenir neuf jours de plus. Pourquoi avoir racheté du lait s’il s’apprêtait à disparaître ?

— Et pourquoi s’être volatilisé aussi soudainement ? Il avait l’air d’être tranquille, ici, en sécurité. Qui pouvait le menacer ?

— Exact. C’est une autre piste. Laquelle suivre ?

La question, hélas, resta en suspens. À cet instant, mon téléphone sonna, et tout bascula de nouveau.

En votre honneur
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