Légèrement tassé sur sa chaise, Mason Wainwright contemplait le sol quand le gardien ouvrit la porte de la petite pièce.
— On y va, Craig. La récré est finie. Tu retournes à ta suite présidentielle.
Mason acquiesça en marmonnant et précéda le porte-clés acariâtre. Il avançait les épaules voûtées et le pas traînant, comme s’il était bel et bien dans le couloir de la mort. Il faut juste que tu évites de battre des paupières, se répétait-il.
C’était l’instant crucial, celui où tout pouvait s’écrouler en l’espace de quelques minutes. Son rôle n’avait pourtant rien de compliqué : il lui suffisait de rester calme, de ne rien dire, de baisser la tête. Sauf si le gardien remarquait un changement, une erreur. L’avocat avait soigneusement étudié, des mois durant, la gestuelle de Kyle Craig, tous ses tics, et il était intimement persuadé d’être au point. Il n’en aurait toutefois la certitude que quand ce serait terminé, pas avant.
Il sentit soudain la pointe de la matraque du gardien dans son dos. Oh, non, pas ça !
Manifestement, il avait commis une erreur. Laquelle ? Quel était le détail qu’il avait négligé et qui venait de saboter le plan d’évasion échafaudé par Kyle Craig depuis son arrivée dans cette prison de très haute sécurité ? Ou même avant, puisque le Cerveau semblait capable de tout anticiper.
— Par ici, le Cerveau.
Le gardien eut un rire moqueur.
— Le petit génie ne trouve même plus sa cellule ? Allez, on se dépêche ! J’ai des procès à regarder à la télé, moi.
L’avocat ne se retourna pas. Il s’abstint de toute réaction, s’engagea en trottinant dans le couloir indiqué.
Par chance, tout se passa normalement jusqu’à la cellule de Kyle Craig. Le gardien claqua la porte, et Wainwright se retrouva seul. Il avait réussi !
Et là, enfin, il leva la tête et regarda autour de lui. C’était donc ici, c’était donc ainsi que le Cerveau avait vécu ces dernières années. Quelle infamie, quelle tristesse ! Un esprit aussi brillant confiné dans ce réduit, sans stimulations dignes de ce nom ! Un homme comme Kyle Craig, soumis à tous les besoins et caprices de geôliers bestiaux et d’administrateurs vaguement demeurés.
— En votre honneur, murmura encore une fois l’avocat.
Et il se prépara à suivre le reste des instructions de Kyle Craig.
L’avocat inspecta la minuscule cellule de béton brut. Le lit, le bureau, le tabouret et la table de chevet étaient vissés au sol, par mesure de sécurité. La chasse d’eau des toilettes se coupait automatiquement afin d’empêcher toute inondation. Kyle avait « gagné » un téléviseur noir et blanc, qui ne diffusait que des programmes de « développement personnel » et des émissions religieuses. Qui pouvait avoir envie de regarder ça ?
Mason Wainwright sentit la claustrophobie le gagner. Difficile de ne pas perdre la raison dans un pareil trou à rat, se dit-il. Puis il songea, amusé, que, pour beaucoup, il avait déjà basculé dans la folie depuis longtemps, bien avant de devenir l’un des disciples du Cerveau.
Quand le gardien vint faire son tour de ronde juste avant le repas de dix-huit heures, il n’en crut pas ses yeux. Il appuya immédiatement sur le bouton du boîtier d’alerte qu’il portait à la ceinture, et attendit ses collègues, qui arrivèrent au pas de course. Ils le trouvèrent le regard toujours fixé sur l’intérieur de la cellule.
Kyle Craig s’était pendu !