Nord de Cincinnati, Ohio
Jeudi 6 novembre,
14 h 30
Il prit soin de refermer la porte de son garage avant d’ouvrir l’arrière du fourgon. La colère du petit couple le fit sourire.
— Bienvenue chez moi. Ne vous inquiétez pas, vous ne resterez pas longtemps.
Il avait garé la Range Rover non loin du petit aéroport qu’il avait repéré au cas où il raterait Faith, cet après-midi-là. S’il le fallait, il mettrait son plan B à exécution. Mais il ne voulait pas avoir à s’enfuir. Il voulait se battre, défendre ce qu’il était et ce qu’il avait bâti.
Après avoir forcé le gorille à attacher les mains de son jumeau avec des liens souples, puis à glisser ses propres poignets dans des lanières semblables, il les avait obligés à marcher jusqu’à un fourgon aux flancs blancs volé des années plus tôt, mais qu’il avait conservé au cas où il aurait besoin d’une poire pour la soif. Les circonstances du moment remplissaient parfaitement les conditions nécessaires. Une fois que ses deux prisonniers avaient été à l’arrière du véhicule, il leur avait ligoté les chevilles.
Cette fois, il les fit rouler l’un après l’autre sur le plancher du véhicule et les laissa tomber sur le sol en ciment de son garage, toujours pieds et poings liés. Ce n’était pas une longue chute, mais il eut la satisfaction d’entendre sa mauviette de frère grogner de douleur. Un petit bonus, c’était toujours bon à prendre.
Le gorille était si stoïque et si puissant qu’il éprouva le besoin d’égaliser les chances. Après s’être assuré que son silencieux était bien fixé, il lui tira deux balles, une dans chaque genou. Le bâillon étouffa ses cris. Une bande de ruban adhésif le fit taire complètement.
Satisfait, il s’accroupit et retira le bâillon de son jumeau en lui braquant son arme sur le bas-ventre.
— J’ai une question à te poser et, si tu hurles, je te tire dans les couilles. Qu’est-ce que tu es allé fabriquer au central, aujourd’hui ?
— Je suis allé parler à Faith, dit Jeremy, à travers ses dents serrées.
— A quel propos ?
— Je veux lui racheter la maison.
Jordan éclata de rire.
— Pourquoi ?
— Pour la brûler. J’ai plein de fric. Je peux me le permettre.
Ça paraissait logique.
— D’accord.
— Attends. Moi aussi, j’ai une question.
— Ce n’est pas un échange de bons procédés, Jeremy… Bon d’accord, dit-il en soupirant. Une question.
— As-tu tué mon fils ?
Il le regarda, perplexe.
— Non. Je l’ai blessé. Je ne l’ai pas tué. J’ai seulement essayé.
— Non, mon autre fils. L’ado qu’on a trouvé dans la tombe avec l’employé de Earl Power.
Stupéfait, il ouvrit des yeux ronds.
— C’était ton fils ? dit-il, avant d’éclater de rire. Ce squatteur était vraiment le seigneur du manoir ? Alors, ça, c’est vraiment de l’ironie. Ouais, je l’ai tué. Maintenant, je dois m’en aller. A mon retour, je te laisserai partir.
— C’est ça, fit Jeremy, d’un ton lugubre. Tu me laisseras partir.
Il coupa une longueur de ruban adhésif et l’appliqua étroitement sur la bouche de Jeremy, s’assurant de recouvrir la moustache. Celui qui enlèverait ce bâillon lui arracherait la moustache dans la manœuvre. Ensuite, il se releva et s’épousseta les mains.
— Il faut que je recharge mon fourgon. Vous pouvez rester ici.
Il recouvrit les deux hommes d’une couverture.
— Faites de beaux rêves.