Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre, 17 h 20

Arianna n’avait pas dû aller bien loin. La nuit commençait à tomber, alors il alluma directement les phares du fourgon et se mit à rouler lentement, fouillant du regard l’épais sous-bois et les arbres, le long de la route. Au bout de quelques minutes, la camionnette accidentée apparut. Arianna avait heurté un arbre. Le capot n’était plus qu’une masse de ferraille écrasée.

Bonne nouvelle. Si elle était blessée, elle se trouvait peut-être encore dans le véhicule. Il laissa son fourgon sur la route et trottina jusqu’à l’épave. Elle est là. Il faut qu’elle soit là.

Ses espoirs furent déçus. La cabine de la camionnette était vide. Il serra les dents avec tant de force qu’une douleur aiguë fusa de sa nuque et s’étoila sous son crâne. Elle s’était échappée. Encore.

Du calme. Il y a du sang partout sur le siège. La situation n’est pas aussi grave qu’il y paraît. A voir la quantité de sang qu’elle avait perdue, elle ne pouvait pas être bien loin. Il fit le tour du véhicule, prenant bien soin de ne pas le toucher. Ses empreintes digitales n’étaient répertoriées nulle part et il entendait que cela reste ainsi.

Progressant lentement à travers les arbres, il suivit la trace qu’elle avait laissée en se traînant sur le sol. Elle avait du cœur au ventre et du caractère. Il devait bien lui reconnaître ce mérite.

Et n’en aurait que plus de plaisir à la briser.

Alors qu’il longeait une courbe de la route, il entendit une sirène, son cœur manqua un battement.

Non. Non, non, non. Il continua d’avancer discrètement, puis marmonna un juron en découvrant des lumières bleues clignotantes, un peu plus loin. Une voiture de patrouille. Une putain de voiture de flics.

Une silhouette était allongée sur la route, recouverte d’un manteau de lainage noir. Il distingua de longs cheveux noirs. Arianna Escobar. Elle était peut-être morte. Je vous en prie, faites qu’elle soit morte.

La sirène appartenait à l’ambulance qui s’arrêta dans un crissement de pneus près de la voiture de police. Un urgentiste se précipita vers Arianna et fit signe à son coéquipier qui manœuvrait le brancard de se dépêcher. Lorsqu’ils la chargèrent à l’arrière de l’ambulance, la moitié de son visage avait disparu derrière un masque à oxygène.

Bordel ! Elle est vivante.

Un second véhicule de secours arriva, croisant le premier qui s’en allait. Pourquoi deux ambulances ?

Cette fois, l’urgentiste alla droit vers l’arrière de la voiture de police, se pencha par une des portières ouvertes et aida quelqu’un à sortir. Une femme aux cheveux rouge foncé, vêtue d’un tailleur vert.

Il plissa les paupières de rage. Faith. Elle avait appelé la compagnie d’électricité. Elle avait appelé un serrurier. Elle se dirigeait vers la maison. Et c’était elle qui avait trouvé Arianna !

La panique menaça de le submerger, mais il la refoula avec détermination. Ce n’était vraiment pas le moment de flancher. Il devait rentrer le plus vite possible. Avant tout, se débarrasser des preuves.

Il battit en retraite, attentif à ne pas froisser la moindre feuille. Une fois hors de vue, il se rua vers son fourgon et, craignant de révéler sa présence, s’éloigna au ralenti, pesant à peine sur l’accélérateur.

Les flics n’auraient aucune difficulté à faire le rapport entre la fille et la camionnette de la compagnie d’électricité, puis entre le véhicule et la maison des O’Bannion. Cela ne faisait aucun doute. Il n’y avait pas d’autres habitations alentour. De combien de temps disposait-il pour disparaître ? Mystère.

En tout cas, il ne fallait pas traîner. Quant à la suite des événements… Il gardait le mince espoir qu’ils viennent frapper à la porte et s’en aillent en constatant qu’ils n’obtenaient pas de réponse.

Mais l’optimisme n’était pas de mise. Pas tant que Faith serait dans les parages. La fureur bouillonnait dans ses tripes. Il allait tout perdre. Juste parce qu’elle s’était mis en tête de revenir. J’aurais dû la tuer quand j’en ai eu l’occasion. Et pourtant ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais cette garce refusait obstinément de mourir.

Certes, la fuite d’Arianna était un revers, mais pas un désastre total. En admettant qu’elle survive, elle serait incapable de l’identifier. Elle avait toujours eu les yeux bandés, sauf au moment où elle courait vers la camionnette. Bien sûr, il y avait eu ce court laps de temps où il avait tenté de la poursuivre. Si elle avait regardé dans le rétroviseur à cet instant précis…

Peu vraisemblable, se dit-il sèchement. Ça n’avait duré que quelques secondes et elle manquait sans doute de lucidité, alors.

Il s’engagea dans l’allée gravillonnée et gara le fourgon derrière la maison. Deux corps sans vie l’attendaient dehors, et deux corps bien vivants à l’intérieur. Ceux qui respiraient encore rejoindraient bientôt les autres. Corinne Longstreet était devenue un fardeau. Un boulet. Une fois qu’Arianna serait identifiée, on se mettrait à chercher son amie et on commencerait par ici. Il fallait donc qu’elle ait quitté la maison, qu’elle soit tuée et enterrée le plus vite possible.

Et la gamine ? Oh ! Cette petite avait intérêt à manifester un très très profond repentir. S’il décelait le moindre soupçon de rébellion dans ses paroles ou dans ses gestes, cela signifierait qu’elle était devenue trop dangereuse pour être reprogrammée. Conséquence, il la tuerait, elle aussi.

Sur tes traces
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