Cincinnati, Ohio
Mercredi 5 novembre,
11 h 45
— Merci d’être venue, madame Winston.
Scarlett conduisit la femme qui avait vu la mystérieuse secrétaire de Maguire and Sons dans la salle d’interrogatoire où attendait la dessinatrice du CPD.
— Voici le sergent D’Amico. Elle travaillera avec vous aujourd’hui, reprit Scarlett.
D’Amico était une femme au doux visage qui semblait n’avoir jamais prononcé un mot de travers. Mais, après avoir passé deux ans à patrouiller en sa compagnie, Scarlett savait que ce n’était qu’une apparence. Lana D’Amico était un sacré bon flic et une dessinatrice brillante. Son doux visage mettait les témoins à l’aise. Scarlett l’avait choisie en pensant spécifiquement à Arianna. Mais le sergent savait se montrer aussi dur à cuire que n’importe quel autre flic, et avait la langue bien pendue.
— J’attendrai dehors. Encore merci, madame Winston. Je vous laisse entre de bonnes mains.
Scarlett regagna le couloir juste au moment où son téléphone se mettait à bourdonner dans sa poche. Elle regarda l’identité du correspondant et fronça les sourcils, reconnaissant son propre numéro. Son téléphone avait été victime d’un spoofing, une usurpation d’identité. Il suffisait de cinq secondes sur Internet pour trouver des sites capables de rediriger un appel en changeant l’identité de l’appelant. Sois prudente, Scarlett.
— Lieutenant Bishop à l’appareil, répondit-elle. Que puis-je pour vous ?
— C’est moi qui vais faire quelque chose pour vous.
Scarlett contrôla son souffle pour ne pas révéler son étonnement. La voix grave de l’homme avait une tonalité… musicale. Mais c’était la musique la plus triste qu’elle ait entendue de sa vie.
— Je vous écoute.
— Je vais vous envoyer des coordonnées GPS, ce sont celles d’une cabane dans la forêt nationale Daniel Boone. Sous le plancher, vous trouverez quatre corps. Je crois que trois d’entre eux vous appartiennent.
Trois corps. Oh ! mon Dieu. Pas Corinne. Pourvu qu’elle ne compte pas parmi ces cadavres.
— Comment savez-vous qu’ils sont à moi ?
— Il y en a un qui porte un uniforme de Earl Power and Light. Je l’ai vu aux infos. Vous trouverez aussi un vieil homme et une femme.
Le cœur de Scarlett manqua un battement.
— Et le quatrième cadavre ?
— Il m’appartient. Je dois y aller, maintenant.
La communication fut interrompue et, quelques secondes plus tard, un SMS arriva sur son portable, envoyé aussi apparemment par son propre appareil. Des coordonnées GPS, comme annoncé par son mystérieux correspondant. Venait-elle de parler avec le tueur ? Elle en doutait. Si son interlocuteur avait été le tueur, il aurait insisté pour que Faith l’accompagne. Non, ce n’était pas lui. Mais alors, qui ?
Scarlett se hâta vers l’ascenseur tout en composant le numéro de Novak. Elle se rembrunit en tombant sur la messagerie.
— C’est Bishop. Appelle-moi au plus tôt. Je viens de recevoir un coup de fil très intéressant.
Ensuite, elle contacta Isenberg et l’informa rapidement des derniers événements.
— Pouvez-vous demander à quelqu’un de ramener Mme Winston et dire à D’Amico qu’elle devra aller voir Arianna seule ? J’ai déjà prévenu l’agent de garde devant la chambre. La psy de la gamine, Meredith Fallon, sera aussi présente pendant que D’Amico fera le portrait de Roza. Les coordonnées que j’ai reçues indiquent un endroit qui se trouve à deux heures de route d’ici, mais je tâcherai de réduire le délai.
— Je vais faire retracer l’appel.
— Vous pouvez essayer, mais je ne prendrais pas cette peine. Il a utilisé un service d’usurpation qui faisait croire qu’il appelait de mon propre numéro. Ce genre d’appels transite par des douzaines de serveurs différents avant d’arriver sur le téléphone du correspondant. Je vais demander à Novak de contacter l’antenne du Bureau la plus proche pour demander du renfort avant d’avertir les flics locaux. Je ne veux pas que ma scène de crime soit piétinée par un adjoint du shérif bien intentionné. Pouvez-vous aussi demander à Crandall de trouver le propriétaire qui correspond à la cabane indiquée par les coordonnées ?
— Ce sera fait. Soyez prudente sur la route, Scarlett. Tenez-moi au courant.