Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre, 8 heures

Faith se réveilla en sursaut, puis se détendit lorsqu’elle perçut la faible odeur de cèdre qui émanait de la peau de Novak. Ils se déplaçaient. Elle s’était assoupie sur le siège du passager en l’attendant devant la maison. Elle dormait si profondément qu’elle n’était pas sortie du sommeil lorsqu’il avait démarré la voiture et avait quitté la maison.

— Dès mon retour à l’hôtel, il me faudra appeler mon père, murmura-t-elle. Je dois lui dire ce qui est arrivé avant qu’il l’apprenne aux infos et commence à s’inquiéter. D’autant plus que je ne réponds à aucun de mes deux numéros.

— Vous pouvez utiliser mon téléphone, si vous voulez.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-elle en se redressant sur son siège. En général, il se couche avant…

Elle s’interrompit, sourcils froncés, distraite par la découverte de leur environnement. Ils avaient quitté la ville et roulaient maintenant en banlieue.

— Ce n’est pas la route de mon hôtel. Où allons-nous ?

— Dans une planque, répondit-il en lui jetant un regard en coulisse. Vous ne pouvez pas rester dans votre hôtel. Pas après la nuit dernière. Même s’il ne tente plus de s’attaquer à vous, les médias vont se jeter sur vous.

— Et mes affaires ?

— Bishop a déjà dû les faire transporter à la planque, maintenant, excepté ce qui se trouve dans votre coffre-fort.

Elle se rembrunit.

— Je n’aime pas que les gens touchent à mes affaires.

Novak pinça les lèvres.

— Je n’aime pas que les gens vous tirent dessus.

Elle soupira, consciente de s’être montrée discourtoise.

— Merci. Pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Il laissa passer un bref silence avant de répondre.

— Tout ? demanda-t-il à voix basse.

Elle comprit l’allusion : le baiser dans la cuisine. L’espace d’un instant, elle s’autorisa à se remémorer le moment où il l’avait étreinte. Ainsi que cette sensation plaisante qui s’était répandue dans tout son corps.

— Oui, je vous remercie pour tout. Mais nous ne pouvons plus recommencer.

Les sourcils blancs se haussèrent.

— Et peut-on savoir pourquoi ?

— Parce que je suis toujours un témoin, Deacon. Vous avez dit vous-même que ce n’était pas déontologique.

— J’ai aussi dit que j’avais changé d’avis.

— Ça concernait votre intention de me confier à Bishop. D’ailleurs, vous devriez peut-être le faire, pour éviter toute distraction.

— Je ne suis pas distrait.

— Bien sûr que si. Vous me servez encore de chauffeur, souligna-t-elle. Ne me dites pas que vous n’avez pas mieux à faire. Vous avez trois scènes de crime en cours d’analyse.

— En réalité, il y en a cinq. Et, oui, je suis censé faire autre chose. J’ai rendez-vous avec la principale de mon frère dans quelques heures, je fais donc d’une pierre deux coups. Je vous laisserai vous installer pendant que je me douche et que je me change.

Elle plissa les yeux.

— Pardon ?

— Je ne peux pas rencontrer la principale en empestant la scène de crime. Cela dit, ça aurait l’avantage d’écourter l’entrevue, ajouta-t-il, d’un air pensif. Finalement, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée.

— Ne jouez pas au plus malin, Deacon. A qui « cette planque » appartient-elle exactement ?

— A moi.

Elle le fixa, ébahie.

— Vous m’emmenez chez vous ? Isenberg est d’accord avec ça ?

— C’est provisoire, le temps d’organiser une meilleure solution, sans doute plus tard dans la matinée. Chez moi, le système de sécurité est fiable. Je l’ai installé moi-même, donc je sais qu’il fonctionne.

Il lui adressa un regard espiègle en agitant comiquement les sourcils et précisa :

— Il y a aussi un écran plat d’un mètre soixante que vous pourrez connecter à votre Xbox.

Elle se surprit à glousser.

— Vous êtes gonflé, Novak. Je dois vous reconnaître ça. Alors, qui va me garder, pendant que vous vous occuperez de votre délinquant de frère ?

Le sourire de Novak s’estompa et elle eut envie de se flanquer des coups de pied aux fesses pour avoir dit une chose pareille.

— J’ai demandé deux agents de l’antenne locale du FBI. Vous serez entre de bonnes mains.

Elle n’en doutait pas une minute. Il lui avait promis qu’il ne laisserait rien lui arriver et Deacon Novak semblait être un homme de parole. C’est le naufrage de ce sourire qui l’inquiétait.

— Je suis navrée. Je n’aurais pas dû parler de votre frère en ces termes.

— Non, vous avez raison. Il est en bon chemin pour finir délinquant et je ne sais pas quoi faire.

— Je suis navrée, répéta-t-elle.

Elle pressa légèrement son avant-bras, sentit les muscles fléchir sous sa paume. Elle aurait aimé qu’ils se retrouvent de nouveau dans sa chambre d’hôtel, à s’embrasser comme avant la fin du monde. Le toucher, même de manière platonique, s’avérait périlleux.

Elle écarta son bras, mais il lui prit la main. Il noua les doigts aux siens et posa leurs mains jointes sur sa cuisse puissante. Pendant tout le temps, il garda le regard fixé droit devant lui.

— Pas encore, murmura-t-il. Ne bougez pas tout de suite.

Pour la première fois, elle percevait une note de vulnérabilité dans la voix de Novak. Cela rendait la situation plus dangereuse encore, parce qu’elle ne voulait surtout pas le blesser.

— Changez-vous d’avis sur tous vos témoins, Deacon ? demanda-t-elle en espérant qu’il détecterait aussi la vulnérabilité qu’elle éprouvait.

Il lui lâcha la main, comme si elle l’avait brûlé.

— Pendant que je ne serai pas là, vous devriez essayer de dormir encore un peu, dit-il laconiquement. Et, si vous éprouvez des difficultés à surmonter ce que vous avez vu, le département peut vous recommander un thérapeute.

Elle croisa les mains sur ses cuisses, se sentant abandonnée. Et coupable, comme si elle avait donné un coup de pied à un chiot ou un truc du genre. Mal à l’aise, elle s’en prit à lui.

— Avec ce que j’ai vu ? De quoi est-il exactement question, Deacon ? D’Arianna allongée sur la route, du portier qui s’est fait tirer dessus sous mes yeux ou des restes de cette pauvre femme dans la cave de la maison de ma grand-mère ? D’après vous, qu’est-ce qui pourrait me causer des « difficultés » parmi tous ces trucs que j’ai vus ?

— Tous, dit-il avec colère. Tout ce dont vous avez été témoin va vous donner des cauchemars. Ce n’est pas comme si vous n’en aviez pas assez déjà. Et, non, je n’ai jamais « changé d’avis » sur aucun autre témoin.

Son cœur manqua un battement.

— Merci, pour ça, dit-elle d’une voix calme, puis elle tenta un sourire. En revanche, je vais décliner pour le thérapeute, si ça ne vous ennuie pas. Je me suis débrouillée toute seule jusqu’à présent. Ça va aller.

Il ne lui rendit pas son sourire. Il ne lui répondit même pas. Au lieu de cela, il prit une rue bordée d’arbres et pressa le bouton d’un boîtier qu’il tenait au-dessus de sa tête. Faith eut juste le temps d’apercevoir une grande maison à un étage, de style Tudor, avant de fermer les yeux dans un réflexe de panique lorsque, faisant rugir le moteur, il prit un virage sec sur la droite pour s’engager dans une allée et foncer vers une porte de garage ouverte. Il freina sèchement. Quand elle ouvrit les yeux, ils étaient à l’intérieur du garage dont la porte commençait à redescendre.

Avant qu’elle ait eu le temps de reprendre sa respiration, il ouvrait déjà sa portière, l’air furieux, presque menaçant, et l’aidait à sortir de la voiture. Mais elle n’avait aucune crainte. Soulagée, elle accueillit avec bonheur la sensation des bras de Deacon serrés fort autour d’elle, de la bouche chaude, dure et exigeante qui prenait la sienne.

Il avait besoin d’elle. Besoin de ça. Tant mieux, car elle aussi éprouvait le même impératif.

— Vous n’allez pas bien, chuchota-t-il d’un ton farouche contre ses lèvres. Et moi non plus.

Il releva la tête, la scruta dans la pénombre.

— Vous avez un tueur en série aux trousses et je ne veux pas vous quitter des yeux. Mais j’y suis obligé. Je dois laisser à quelqu’un d’autre le soin de veiller sur vous pendant que je l’arrête, sans quoi vous ne serez jamais en sécurité.

Le cœur de Faith manqua un battement. Puis il se mit à palpiter si vite qu’elle fut prise de vertige. Un tueur en série. Dans la maison de ma grand-mère.

— Combien y en a-t-il, là-bas ? chuchota-t-elle. Combien de victimes ?

— Trois dans la première pièce. Pour l’instant.

— Trois ? Pour l’instant ?

Une notion horrible s’installa en elle, manquant de l’étouffer.

— Ce n’est pas Combs, n’est-ce pas ?

Quelqu’un d’autre tente de me tuer.

— En tout cas, il n’est pas le seul à vouloir votre mort. Sauf s’il vous connaissait avant d’être assigné à votre programme.

— Non, il ne me connaissait pas. D’après le sergent Tanaka, les fenêtres de la chambre de torture ont été condamnées il y a une dizaine d’années. Le tueur est à l’œuvre au moins depuis cette époque, c’est bien ça ?

— Je l’ignore, Faith. Je ne sais vraiment pas. Nous en saurons plus après les examens du légiste. Votre famille n’est jamais retournée là-bas, au cours des vingt-trois dernières années ?

— Mon père allait au cimetière tous les deux ou trois ans, pour l’anniversaire de la mort de ma mère.

— Dans un accident de voiture. Même si c’est la cave qui vous effraie, même si vous comptez les marches de l’escalier qui y descend. Même si vous vous souvenez de la hauteur du plafond, dit-il avec circonspection.

Il savait. De toute évidence, il savait. Bien sûr qu’il avait deviné. Une partie d’elle s’en doutait. Sans rien dire, elle pressa sa joue contre le torse de Deacon, pendant qu’il lui caressait les cheveux avec une tendresse qui l’émut aux larmes.

— Pourquoi ne me dites-vous pas la vérité, Faith ? chuchota-t-il.

— Je ne peux pas. Je vous en prie, ne me le demandez pas.

— Pourquoi ?

— Parce que nous sommes plus catholiques que le pape, répondit-elle d’une voix basse et amère.

Elle le sentit soupirer.

— Et le suicide est un péché.

— Pas un péché comme les autres. C’est le grand péché.

Il continua à lui caresser les cheveux, à la serrer contre lui.

— Vous l’avez vue ?

Elle hocha la tête, sa gorge serrée ne laissait plus passer les mots. Ce cauchemar resterait gravé dans sa mémoire à jamais, mais elle ne pouvait en parler. Pas à lui. Ni à personne. Ni maintenant ni jamais.

— Très bien, ma douce. Je n’en parlerai plus. Mais j’ai besoin de savoir si votre père se serait rendu compte des changements de la maison, des fenêtres murées.

— Il n’aurait rien remarqué. Le cimetière est de l’autre côté de la maison.

— Et de la route en arrivant ?

— Il n’aurait rien remarqué, répéta-t-elle fermement. Il ne connaît pas la maison aussi bien que moi. Quand nous venions rendre visite, il ne restait pas. Il nous déposait et revenait nous chercher plus tard.

Sauf cette unique fois où son père s’était attardé plus d’une heure chez les O’Bannion. C’était dans les jours qui avaient suivi la mort de son grand-père. Et celle de sa mère.

— Mon père et ma grand-mère ne s’entendaient guère, précisa-t-elle.

— Et pour quelle raison ?

— Parce qu’il avait quitté la prêtrise pour épouser ma mère.

Elle sentit le sursaut de surprise de Novak.

— D’accord, dit-il lentement. A vrai dire je ne m’attendais pas du tout à cette réponse.

Faith soupira.

— Il était encore au séminaire et n’avait pas encore prononcé ses vœux mais, aux yeux de Gran, ça ne faisait aucune différence. Il ne connaissait pas la maison, répéta-t-elle en frottant sa joue contre le torse de Novak.

C’était agréable. Il était rude. Solide. Protecteur.

— Vous ne pouvez pas l’interroger, Deacon. Mon père est malade. Il a eu une crise cardiaque, l’année dernière. L’inquiétude va le tuer.

Il l’embrassa sur le sommet du crâne et elle sentit son cœur fondre, encore une fois.

— Alors, appelez-le vite et dites-lui que vous êtes en sécurité. Ensuite, évitez de vous mettre en danger du mieux possible.

— Donc je n’irai pas au bureau aujourd’hui, dit-elle avec un soupir, sachant qu’il avait raison.

— A votre avis ? demanda-t-il d’un ton pince-sans-rire, lui arrachant un nouveau sourire.

— Dans ce cas, je dois aussi parler à mon patron. Que suis-je autorisée à lui dire ?

— Que vous avez eu un accident de voiture, la nuit dernière, et qu’il y a eu des complications, dit-il platement.

Faith faillit éclater de rire.

— Des complications ?

— Ce n’est pas un mensonge.

— Non, en effet, dit-elle en se détachant à regret de l’étreinte réconfortante. Conduisez-moi donc à ma planque.

Lorsqu’il ouvrit la porte de communication avec la maison, l’odeur de peinture fraîche la fit éternuer.

— Désolé, fit-il. Je campe ici pendant que je prépare l’endroit pour notre emménagement.

— Notre emménagement ?

— Dani, Greg et moi.

Elle s’arrêta au milieu de la buanderie et le regarda d’un air intrigué.

— Vous emménagez avec votre sœur et votre frère ?

— Disons plutôt qu’ils emménagent avec moi. J’ai acheté cet endroit l’été dernier. Quand je suis revenu ici, il y a un mois, je me suis mis aux rénovations. Dani s’installe à la fin de la semaine. Et Greg aussi… Si toutefois il arrive à se tenir à l’écart de la prison pour mineurs.

Son cœur fondit.

— Vous êtes revenu ici pour lui, n’est-ce pas ?

Il hocha la tête.

— Il a presque toujours vécu avec mon oncle et ma tante, mais il est devenu difficile à contrôler, et ma tante a la santé fragile. En plus, Greg a été viré de sa dernière école et Dani était dépassée. J’ai donc décidé de rentrer à la maison. Je tenais à trouver un endroit assez grand pour qu’on ne se marche pas sur les pieds, tous les trois. Et dans un quartier près d’une bonne école. Quand ma mère a épousé mon beau-père, nous nous sommes installés à quelques rues d’ici. Cette maison à retaper est tout ce que j’ai pu m’offrir dans le coin.

— Maintenant je comprends pourquoi Greg fréquente le lycée où Dani et vous avez étudié, avant la mort de votre mère et de votre beau-père. Greg et Dani sont allés vivre avec votre tante et votre oncle, après l’accident ?

Il acquiesça.

— Ils m’ont laissé finir l’année dans mon ancienne école parce que c’était la fin de mon cycle. En revanche, Dani a dû changer parce que le quartier de mon oncle et ma tante dépendait d’un autre établissement. Ça a été difficile pour elle, perdre maman, Bruce et ses amis en même temps. Greg aussi a dû changer d’école, mais seulement parce qu’il avait été viré des deux précédentes.

Deacon eut un petit mouvement de tête, comme pour chasser ces préoccupations.

— Allez, je vous propose de faire le tour du propriétaire, ajouta-t-il en la conduisant dans la cuisine, dont il alluma les lumières. C’est le premier endroit que j’ai terminé. Je me suis dit que nous aurions besoin de manger.

Faith regarda autour d’elle, impressionnée.

— Vous avez fait du bon travail.

Les placards étaient neufs, tout comme le matériel électroménager. Et le carrelage. Elle se détourna vivement des jolis carreaux, de peur que cela lui rappelle le dallage de la cave de la maison O’Bannion.

Elle se surprit à le fixer dans les yeux et ses joues déjà chaudes se mirent à flamber. La sensation se communiqua au reste de son corps. Parce que lui aussi la fixait. Comme s’il mourait de faim et qu’elle était un plat appétissant. Craignant d’avoir la même expression affamée, elle fit un grand pas en arrière et leva la main comme un agent de la circulation.

— Non, Deacon. C’est vraiment de la folie.

Il lui adressa un sourire, à la fois moqueur et malicieux, qui en fit l’homme le plus sexy qu’elle ait jamais vu.

— Très bien, dit-il avec aisance. Laissez-moi vous montrer l’endroit où vous allez… dormir.

Une délicieuse crispation envahit tout son corps et elle ravala un gémissement, qu’elle déguisa sous un petit rire.

— Vous êtes incorrigible, agent Novak.

— Je sais, dit-il avec une satisfaction qui la fit de nouveau éclater de rire.

— Vous avez dit que vous campiez. Faudra-t-il que je dorme par terre ?

Elle grimaça en songeant à tous les endroits douloureux de son corps, après l’accident de voiture et la tentative de meurtre.

— Certainement pas. Je crois au confort matériel. Comme à l’énorme écran plat connecté à ma Xbox que vous pouvez utiliser.

Il la précéda dans le salon et montra l’écran au passage. Le téléviseur dominait le mur, mais le reste de la pièce était nu, à l’exception de deux chaises pliantes.

— Les chaises pliantes, c’est mon maximum en matière de camping. L’essentiel de mon mobilier est encore au garde-meuble.

Il la conduisit en haut d’une volée de marches sur le palier clair et ensoleillé du premier étage. Elle leva la tête et sourit en découvrant les fenêtres de toit. Il ouvrit la porte sur une pièce vide, en dehors de quelques pots de peinture encore fermés et de ses propres cartons.

— Vos affaires. Quand j’aurai terminé, ce sera chez Dani.

Elle le suivit dans le couloir jusqu’à la chambre principale. Là, il y avait un lit king-size aux draps froissés et une commode usée. Sa valise était posée près du lit.

— Les draps sont propres, dit-il de cette voix qui était comme du velours sur sa peau. Je n’y ai dormi qu’une nuit, mais je peux les changer si vous voulez.

— Non, ça ira. Je ne resterai ici que jusqu’à la fin de la matinée, c’est bien ça ?

Il hocha la tête, d’un geste ferme.

— La salle de bains est par là. Je vais juste prendre quelques affaires dans mon placard et, ensuite, je vous laisserai vous reposer.

Faith montra la salle de bains.

— Si vous avez besoin d’une douche, j’attendrai dans la cuisine.

Il lui adressa un autre de ses sourires espiègles, comme pour dire qu’il savait qu’elle l’imaginait sous la douche. Evidemment, c’était la vérité.

— J’utiliserai la salle de bains qui est près de la chambre de Dani. Ah ! Et elle viendra vous recoller le front. Je lui ai demandé de passer après l’heure du déjeuner. Ça vous permettra de dormir un peu.

— Ça ne saigne plus, alors, je pense que ça devrait aller. Inutile de la déranger.

— Ce sont les ordres d’Isenberg.

Il sortit un costume de son armoire, une chemise et une cravate, la bouche légèrement crispée en une petite moue de dépit.

— Mon manteau me manque, dit-il d’un ton boudeur.

Faith éclata de rire.

— Allez, ne faites pas l’enfant. Vous allez le récupérer.

Il lui sourit.

— Je sais. Je voulais juste vous entendre rire. Vous devriez faire ça plus souvent.

Toutes les raisons qui l’avaient empêchée de rire pendant ces vingt-trois dernières années lui revinrent en même temps.

— J’essaierai, dit-elle à voix basse. Quand tout ça sera terminé.

Le sourire de Novak disparut.

— Je m’en assurerai. D’ailleurs, dès que je me serai changé, je repars sur l’affaire. Je passerai d’abord à King’s College pour examiner la scène de l’enlèvement.

Elle se rendit compte qu’il ne s’était pas reposé.

— Si vous avez des provisions, je peux nous préparer un petit déjeuner, proposa-t-elle. De cette façon, vous pourrez utiliser votre propre salle de bains.

— Ce serait plus commode, en effet. J’ai rempli le frigo il y a deux jours. Si ça ne vous dérange vraiment pas de faire la cuisine, vous devriez y trouver ce qu’il vous faut. J’aime mes œufs frits des deux côtés.

Le téléphone de Novak bourdonna et il consulta le SMS qui venait d’arriver, puis s’adressa à elle.

— Ne vous inquiétez pas si vous voyez une berline s’arrêter devant la maison, d’ici quelques minutes. C’est votre détachement de protection, assigné par le Bureau. Les agents Colby et Pope. Il y a une ligne fixe dans la cuisine, vous pourrez appeler votre père, si vous voulez. Et gardez les stores baissés, s’il vous plaît. Je ne voudrais pas que vous lui mentiez en lui disant que vous êtes en sécurité.

Faith leva les yeux au ciel.

— Frits des deux côtés, le détachement du FBI, les stores baissés. Je devrais être capable de me souvenir de tout ça.

Elle sortit de la chambre, poursuivie par le petit rire de Novak, puis descendit à la cuisine pour passer son appel.

Elle composa le numéro avec des doigts de plomb, redoutant de devoir apprendre à son père ce qui se passait. Sans surprise, Lily décrocha à la première sonnerie.

— Salut, Lily. C’est moi.

— Je t’en veux terriblement, répliqua Lily d’une voix sifflante. On parle de ton hôtel partout aux infos. Il y a eu une fusillade. Où es-tu ? Pourquoi ne nous as-tu pas appelés ? Ton père était malade d’inquiétude.

Faith ferma les yeux.

— Je suis avec l’agent du FBI qui travaille sur l’affaire. Je suis désolée, Lily. Vraiment. Mon nouveau téléphone a été abîmé la nuit dernière, pendant la fusillade.

Un long silence suivit cette dernière phrase.

— Tu étais prise dans cette fusillade ?

Faith laissa échapper un soupir.

— Eh bien, oui. En réalité, j’étais la cible.

— Seigneur Dieu, gémit faiblement Lily. C’est terrible.

— Je sais. Ecoute, la maison de grand-mère semble être au centre de cette affaire. Il y a eu un meurtre, là-bas.

Ou trois. Pour l’instant.

— La police pense que je suis une cible, parce que mon nom figure sur l’acte de propriété, continua-t-elle. Sincèrement, Lily, je n’en sais pas plus. La nuit dernière a été démente. J’ai eu un accident de voiture.

— Avec ta Prius ? émit Lily d’une voix qui était à peine un pépiement. Es-tu blessée ?

— Eh bien, non, et non. J’ai vendu la Prius à Miami. J’ai acheté une jeep d’occasion et je suis sortie de la route avec la nuit dernière. Juste après notre conversation.

— C’est dans ces virages que ton père déteste tant, à cause de ce qui est arrivé à ta mère.

Parce que le corps de la mère de Faith avait été retrouvé dans une voiture carbonisée, au bas d’un talus, non loin du lieu où s’était déroulé l’incident de la nuit précédente.

— C’est à peu près dans ce coin-là, oui.

— Tu conduisais encore trop vite, pas vrai ?

— Non, répondit Faith, avec patience. J’ai vu une fille allongée sur la route et j’ai donné un coup de volant pour l’éviter.

— Tu as quoi ? Et tu n’en sais pas plus ? As-tu encore quelque chose à ajouter ? s’enquit Lily, d’une voix acide.

Cependant, Faith ne s’y trompa pas, sa belle-mère était plus effrayée qu’en colère.

— Eh bien, j’ai changé mon nom.

— Tu as repris Sullivan, très bien. Il est plus que temps que tu coupes tous les liens avec ce Charlie Frye.

— En fait, j’ai pris le nom de Corcoran.

Silence, à l’autre bout du fil, puis la question redoutée arriva.

— Pourquoi ?

— C’était le nom de jeune fille de Gran. Je n’ai pas choisi Sullivan, parce que je ne voulais pas qu’on puisse remonter jusqu’à papa et toi. Parce que je suis harcelée. Depuis l’année dernière.

— Oh ! mon Dieu. C’est pour ça que tu as déménagé. C’est cet horrible Peter Combs ? C’est lui qui est derrière ça ?

— C’est possible. Je n’en sais plus rien, maintenant. Papa doit aussi savoir qu’on va peut-être parler de la maison de Gran aux infos. Mais je vais bien. Je suis en sécurité. Je peux le lui dire, pour qu’il cesse de s’inquiéter.

— Je lui ai donné un sédatif. Il s’est endormi. Moi-même, je vais peut-être faire une petite sieste. J’ai veillé tard dans la nuit avec lui et je suis lessivée. Rappelle dans quelques heures. Et donne-moi un numéro où tu pourras vraiment décrocher.

— Je dois me procurer un nouveau téléphone neuf. Mais tu peux appeler ce numéro, dit Faith en récitant le numéro du mobile de Novak. C’est l’agent du FBI. Il saura comment me joindre, une fois qu’ils m’auront conduite dans une planque.

Lily soupira.

— Apprendre que tu vas être en lieu sûr, c’est la meilleure nouvelle que j’aie entendue jusque-là. Je t’aime, Faith.

— Je t’aime aussi. Va te coucher, Lily. Je rappellerai aussitôt que possible.

Sur tes traces
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