Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre, 3 h 30

Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Faith posa le front sur le bord de la table de la salle de repos du personnel de l’hôtel. D’abord, je lui fais des propositions, ensuite je lui arrache ses vêtements. L’étrangère qui habitait actuellement son corps se conduisait comme une idiote. Où avais-je la tête ?

Elle ne réfléchissait plus. Elle ne faisait que réagir, son esprit se protégeait de la surcharge provoquée par cette succession de chocs. La pression s’accumulait depuis des mois mais, avant ce soir, elle n’avait jamais baissé sa garde. Avant d’avoir regardé dans les yeux de Deacon Novak. A ce moment, la cotte de mailles qu’elle avait si étroitement tissée s’était effilochée en quelques heures. Elle lui avait tout dit.

Presque tout. Elle n’avait pas révélé les éléments qui auraient pu faire souffrir son père, cependant, sa retenue n’était due qu’à la force de l’habitude. Et à la peur, s’avoua-t-elle. Si jamais son père apprenait les mensonges qu’elle lui avait laissé croire… Oh ! mon Dieu. Il serait si blessé. Tellement en colère. Elle emporterait ces secrets dans sa tombe.

D’ailleurs, si Combs arrivait à ses fins, cela ne saurait tarder.

La porte s’ouvrit et Faith leva la tête, espérant voir Novak. Mais l’homme qui franchit le seuil n’avait pas de cheveux blancs hérissés ni d’yeux incroyables. Il avait l’air sombre et sinistre. Fâché.

D’un air las, Faith regarda le lieutenant Kimble s’installer sur la chaise en face d’elle, puis poser un calepin à spirale sur la table.

— Docteur Corcoran, je vous présente mes excuses pour vous avoir attrapé le bras, au cimetière. J’ai dépassé les bornes.

Faith souffla avec exaspération.

— Si j’ouvre ce calepin, vais-je y trouver cette déclaration écrite mot pour mot ? Parce que je n’ai jamais entendu d’excuses plus hypocrites et plus forcées que celles-ci.

Il serra les dents.

— Qu’elles soient écrites ne signifie pas forcément qu’elles ne sont pas sincères.

— Peu importe. Si Isenberg ou vous craignez que je traîne les services de police devant un tribunal, inutile de vous inquiéter. En revanche, si vous comptez vraiment arranger les choses, présentez des excuses à Novak. Moi, vous m’avez simplement mise en colère. Lui, vous l’avez blessé. Je ne sais pas exactement ce que vous avez dit, mais j’ai vu son visage après votre petit match chargé de testostérone à la vas-y-que-je-te-bouscule, sur la pelouse de ma grand-mère. Je peux vous garantir que vous avez frappé très fort.

Quelque chose bascula dans le regard de Kimble. Faith y lut de la honte. Parfait. Il devrait avoir honte.

— Vous avez raison, répondit-il à voix basse. Je l’ai blessé. Je lui ai présenté mes excuses, mais il n’a pas voulu les entendre.

— Si vos excuses ressemblaient à ce que vous venez de me servir, ça n’a rien de surprenant, rétorqua-t-elle avec aigreur.

— Vous marquez un point, docteur Corcoran. Je n’aime toujours pas la manière dont vous gagnez votre vie et je ne vous apprécie pas. Mais votre chagrin pour cette famille de Miami semblait sincère. De plus, l’agent Novak a l’air de penser que vous êtes incomprise et je me fie à lui. En conséquence, vous et moi devrons apprendre à respecter l’opinion qu’il a de nous.

Faith s’efforça de reprendre son souffle, malgré la nouvelle bouffée de chagrin qui lui nouait la gorge. Pendant au moins une heure, elle n’avait pas pensé à cette famille de Miami. Parce que tu étais trop occupée à échapper à Combs. Une fois de plus. Cette triste évidence ajouta une dose de culpabilité au chagrin dans l’esprit de Faith.

— Avez-vous des nouvelles du portier ? demanda-t-elle.

— Il est arrivé vivant aux urgences et, pour l’instant, il est au bloc. On n’en saura pas plus avant plusieurs heures.

— Qu’il ait survécu jusqu’à présent, c’est déjà une bonne nouvelle. Je craignais le pire. Que faites-vous ici, lieutenant ?

— Je viens prendre votre déclaration. La vôtre et celle d’autres témoins. Je suis aussi chargé de coordonner le travail de nos équipes et des scientifiques du FBI. On a dû sous-traiter, ajouta Kimble avec dégoût. Votre ex-détenu a réussi à mettre un sacré bordel, en un rien de temps.

Votre ex-détenu. Faith massa ses tempes douloureuses, puis soupira en découvrant ses doigts tachés de sang. La colle tissulaire que Dani avait appliquée sur la blessure de son front avait cédé. Merde. Elle se leva pour aller chercher une boîte de mouchoirs. En tamponnant son front, elle se rassit et adressa un regard fulminant à Kimble.

— Mon ex-détenu ? Vous comprenez ce que ça signifie d’être une victime ? Etes-vous du genre à dire aux victimes des crimes sexuels qu’elles n’auraient pas dû porter cette jupe ou passer par cette rue ? Ce n’est pas mon ex-détenu. Je n’ai rien demandé de ce qu’il m’a fait et je ne mérite ni vos sous-entendus insultants ni vos excuses foireuses. Alors, posez-moi vos satanées questions et laissez-moi en paix.

— D’accord, dit-il avec calme. Racontez-moi ce qui s’est passé.

Faith s’exécuta et lui répondit aussi brièvement que possible. Puis elle se leva en prenant appui sur la table, un peu chancelante.

— J’ai besoin de prendre un peu l’air. J’imagine que je peux sortir.

— Naturellement. Où comptez-vous aller ?

— L’agent Novak m’a demandé d’attendre dans le hall. Je serai là-bas.

— Planquez-vous, si vous ne voulez pas avoir votre photo dans les journaux. La presse est arrivée.

— Ça n’a plus d’importance. Je voulais éviter de me faire repérer par Combs. Mais de toute évidence il m’a retrouvée.

Elle vacilla un instant sur place, lutta pour conserver son équilibre. Furieuse de constater que ses yeux se remplissaient de larmes, elle s’efforça de les retenir. Puis, elle tourna les talons et se dirigea vers la porte. Au moment où elle posait la main sur la porte, la voix de Kimble s’éleva dans son dos.

— Nous nous sommes disputés à cause de vous, docteur Corcoran.

Elle se tourna vers lui, sourcils froncés.

— Pardon ?

— Notre petit match chargé de testostérone, à la vas-y-que-je-te-bouscule, c’était à cause de vous. Je pensais qu’il se trompait sur votre compte. Et je n’ai pas changé d’avis. Deacon et moi, nous nous connaissons depuis toujours. Jusqu’à aujourd’hui, je ne l’avais vu abandonner tout bon sens pour une jolie petite gueule qu’une seule fois. Et, cette fois-là aussi, il était tombé comme une masse. Je l’avais averti que c’était une vipère, mais il n’a rien voulu entendre et ça a presque détruit sa vie.

— Suggérez-vous que je risque de détruire sa vie, lieutenant Kimble ?

Elle avait injecté dans cette question autant d’incrédulité hautaine qu’elle pouvait en manifester.

— Vous pourriez détruire sa carrière, dit-il froidement. Pour des hommes comme Deacon Novak, c’est la même chose. Tant que vous apparaîtrez comme une victime légitime dans cette histoire, vous êtes, au mieux, une distraction.

Apparaître ? Légitime ?

— Une distraction ?

— Au mieux. Au pire, vous allez ruiner sa carrière. Tout à l’heure, il n’avait pas à vous toucher ni à vous réconforter. Et ça, même si votre chagrin était sincère. Maintenant, il s’est impliqué personnellement et tout le monde le sait.

La colère de Faith se nuança de mortification.

— Vous nous avez vus ?

— Et comment ! On était tous là. Deacon vient d’arriver dans l’équipe d’Isenberg. Dites-vous bien qu’elle guette chacun de ses mouvements. Cette affaire peut faire sa réputation ici mais, si vous le déconcentrez et que cette fille disparue finit par mourir, vous le briserez. Et pas seulement professionnellement. Alors, fichez-lui la paix.

De toute évidence, il était absolument sincère. Et, le hic, c’est qu’il avait raison. Qu’elle le veuille ou non, elle représentait une distraction pour Novak. En quelques heures, elle était devenue dépendante de Deacon Novak, d’une façon qui n’était bonne ni pour eux ni pour Corinne Longstreet.

J’ai été seule pendant longtemps. Elle pouvait retourner à sa solitude. Mais elle ne le voulait pas. Et elle n’était pas non plus certaine d’être capable de laisser partir Novak. Et cela la terrifiait.

Ebranlée, Faith quitta la salle de repos sans ajouter un mot et referma la porte derrière elle.

Dans le hall bondé et bruyant, une équipe d’experts judiciaires effectuait mesures et prélèvements sur la scène. Faith regarda autour d’elle d’un air hébété, sans vraiment savoir où aller.

En tout cas, une chose était certaine, elle ne pouvait pas, ne voulait pas être une distraction. Je ne risquerai pas la vie de cette fille. Peu importe qu’elle se sente en sécurité aux côtés de Novak.

Sur tes traces
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