Cincinnati, Ohio
Jeudi 6 novembre,
8 h 30
— Bonjour, Faith. Où est Novak ? demanda Isenberg d’un air renfrogné.
Faith eut un coup au cœur en déposant son ordinateur sur le bureau de Deacon.
— Il est parti chercher des cafés et des viennoiseries en bas.
Parce que, à leur réveil, ils avaient sauté le petit déjeuner pour « encore une dernière fois » dans la tiédeur de leur lit d’emprunt. A présent, Faith se demandait s’il avait été sage de leur part de s’accorder cet instant privilégié.
— Qu’est-il arrivé ? De mauvaises nouvelles de Roza ?
La mine maussade d’Isenberg s’adoucit pour devenir un simple froncement de sourcils.
— Non, rien à voir. Suivez-moi.
Faith l’accompagna dans la salle de conférences et s’arrêta net. La table était entièrement recouverte de cartons d’archives, empilés sur trois hauteurs. D’autres boîtes s’alignaient le long du mur, du sol au plafond.
— On nous a livré ça, ce matin, indiqua Isenberg. Ça vient de Henson and Henson.
Faith effectua un rapide décompte visuel.
— Ce sont les dossiers de la fondation. Mme Lowell a dit qu’il y en avait beaucoup, mais… bon sang ! Ils sont étiquetés par dates et… Heureusement, elle a listé le contenu de chaque carton. Elle a dû y passer la nuit entière.
— Une femme capable d’une telle organisation force le respect, déclara Bishop, derrière elle.
Elle alla droit vers le tableau d’affichage, un grand dossier coincé sous un bras.
— Pareil pour ça, continua-t-elle. Je vois que quelqu’un s’est donné du mal.
Isenberg haussa les épaules.
— Je ne pouvais pas dormir, la nuit dernière. J’ai une autre conférence de presse prévue aujourd’hui et je voulais préparer un visuel qui marquera les esprits.
Faith les rejoignit, curieuse de découvrir ce fameux tableau.
— Oh ! souffla-t-elle.
Isenberg avait épinglé les photos de chacune des victimes identifiées. La plupart des clichés étaient pris sur le vif et les représentaient heureuses, souriantes. De rares photos d’identité émaillaient la collection de portraits.
— D’où sortez-vous ces clichés ?
— De leur dossier aux personnes disparues. Parfois, les familles nous donnent des photos ordinaires.
— Si je comprends bien, Mme Lowell n’est pas la seule à avoir fouillé des archives poussiéreuses, la nuit dernière, dit Faith. C’est un joli mémorial, commandant. Ça montre ce qu’il a pris. Pas seulement une liste de noms, mais des gens.
— C’est ce que j’avais en tête, dit Isenberg, avant de s’éclaircir la gorge. Il m’en manque encore quelques-unes, Scarlett. Une de Roza, en particulier. Est-ce que votre artiste a réussi à tirer quelque chose des témoignages d’hier ?
Bishop brandit son dossier.
— Elle m’a donné ça. Je suis allée à l’hôpital, ce matin, pour avoir l’avis de Corinne sur le croquis, puisque c’est elle qui a passé le plus de temps avec Roza. A l’entendre, c’est le « portrait craché » de la petite. J’ai aussi un dessin de la dame mystérieuse de Maguire and Sons. C’est un peu plus vague. La réceptionniste du bureau voisin l’a seulement aperçue et ça remonte à quelques mois, déjà.
— Si c’est tout ce qu’on a, je ferai avec.
Bishop accrocha le dessin de Roza. Faith n’était pas préparée à l’émotion qui la frappa comme une brique. L’enfant au visage hâve avait de grands yeux noirs, emplis de désespoir.
— Elle est terrifiée, chuchota-t-elle. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle a vécu dans ma cave pendant toute son existence et je n’ai jamais rien fait pour empêcher ça.
Bishop chercha son regard et le retint, l’air sévère.
— Si vous aviez su, vous l’auriez secourue. Roza a fait preuve de courage, dans cette cave. Elle a sauvé la vie d’Arianna. Elle a fait preuve de courage dans la forêt, même si elle n’avait jamais mis le pied dehors. Elle tiendra le coup, jusqu’à ce qu’on la trouve. Ne sous-estimez pas sa bravoure.
Faith hocha vigoureusement la tête. Puis elle se tourna vers les cartons, avec une idée précise du premier dossier qu’elle devrait consulter. Celui de Jade Kendrick, la tante probable de Roza. Grâce au travail de Mme Lowell, elle localisa le carton en moins d’une minute. Une autre minute plus tard, elle avait le dossier de Jade entre les mains.
— C’est le dossier de candidature de la tante de Roza.
Tout en avançant jusqu’au tableau d’affichage, elle ouvrit le dossier et s’immobilisa, cillant de surprise.
— Des jumelles. Elles étaient jumelles.