Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre, 19 h 5

Faith leva la tête vers l’agent Novak, lorsqu’il s’arrêta devant elle. Le break de l’agent fâché était déjà reparti. Il n’était resté sur place que le temps de laisser descendre Novak et d’embarquer un flic en uniforme. Puis le véhicule avait redémarré dans la direction d’où il était venu. Vers la maison.

— Que se passe-t-il ? Qu’avez-vous trouvé ?

— Vos mains vont mieux ? demanda-t-il en ignorant ses questions.

Faith lui rendit la monnaie de sa pièce.

— Puis-je récupérer mon téléphone ?

— Je ne l’ai pas.

— Vous, non, mais le shérif, oui. Il l’a emballé avec mon manteau. Je comprends que vous deviez garder le pistolet, mais j’ai besoin de mon téléphone.

— Je verrai ce que je peux faire. En attendant, voulez-vous que j’appelle quelqu’un pour vous ?

Quelque chose allait de travers. Le regard de Novak était soupçonneux. Il savait ? Il savait forcément. Fini de rigoler. Autant tout lui dire. Mais elle hésitait encore. Certes, elle lisait la suspicion sur son visage, elle n’y voyait pas le mépris qu’elle était habituée à recevoir de la part des flics. Et l’idée de provoquer l’apparition du dédain dans les yeux de Novak lui semblait détestable.

— Merci de votre proposition, mais c’est inutile. Je n’ai pas le numéro du correspondant que je voudrais joindre. Il est enregistré dans mon répertoire.

— Qui devez-vous appeler, madame Corcoran ?

De toute évidence, elle n’allait pas récupérer son téléphone de sitôt. Sois prudente. Limite tes réponses aux questions posées.

— Si vous tenez à le savoir, je dois appeler le serrurier qui m’attend à la maison de ma grand-mère pour le prévenir que je ne viendrai pas au rendez-vous.

Il fronça légèrement les sourcils, intrigué.

— Un serrurier ? Pourquoi ?

— Parce que la clé que m’a donnée l’avocat de ma grand-mère n’a pas fonctionné et qu’il n’en a pas d’autre.

Faith commençait à se lasser de devoir fournir toutes ces explications et avança un dernier argument :

— De toute façon, ça paraît raisonnable de changer les serrures, la maison a quand même cent cinquante ans, dit-elle, à bout de patience. Mon téléphone, s’il vous plaît ?

— Vous récupérerez votre téléphone, mais j’ai d’abord quelques questions à vous poser. Quand êtes-vous rentrée dans la maison pour la dernière fois ?

Elle lui jeta un regard méfiant.

— Pourquoi ?

— Je vous en prie, madame Corcoran, contentez-vous de me répondre.

Maintenant, elle l’examinait du même regard scrutateur dont elle avait été l’objet quelques minutes auparavant.

— Hier, je me suis rendue devant la maison. Mais je n’ai pas été à l’intérieur depuis vingt-trois ans.

— Vous n’y êtes pas entrée, hier ?

Elle se renfrogna.

— Je vous ai dit que la clé n’allait pas. C’est pour cette raison que j’ai eu recours au serrurier. Que se passe-t-il ? Qu’avez-vous trouvé avec votre collègue ?

Novak ignora de nouveau sa question.

— Vous dites avoir rendez-vous avec le serrurier. Avez-vous contacté d’autres personnes qui devaient se rendre à la maison ?

Elle comprit brusquement. Il ne s’agit pas du tout de moi. Elle s’était payé une bonne petite crise de paranoïa. Voire d’égocentrisme. Tout ça concerne la fille.

— Quel rapport y a-t-il entre la maison de ma grand-mère et cette fille ? Vous pensez qu’elle se trouvait là-bas ?

Il plia les genoux jusqu’à ce que leurs regards soient au même niveau.

— Je vous en prie, madame Corcoran. Avez-vous appelé d’autres personnes ?

— Bien sûr. J’ai appelé un tas de gens. Ma liste de tâches est enregistrée dans mon téléphone, mais laissez-moi réfléchir. J’ai appelé un service pour la fosse septique, un agent immobilier et le service de la voirie. Et aussi un entrepreneur.

— Pourquoi ?

— Parce que personne n’a occupé la maison pendant vingt-trois ans. Je voulais m’assurer qu’elle est habitable.

— Ça paraît raisonnable. Qui d’autre avez-vous contacté ?

Elle se creusa la tête, cochant la liste de mémoire.

— Le serrurier, j’en ai déjà parlé et… Oh ! bien sûr. J’ai appelé la compagnie d’électricité pour brancher le courant. Ils m’ont dit qu’ils allaient envoyer quelqu’un aujourd’hui.

Le regard de Novak s’anima brièvement et Faith sut que c’était la réponse qu’il attendait.

— Pourquoi me demandez-vous ça, agent Novak ?

— Qui devait passer aujourd’hui ?

— Juste le préposé de l’électricité et le serrurier. Mais pourquoi, à la fin ?

— J’ai besoin de visiter votre maison. Me permettez-vous d’y pénétrer ?

Elle écarquilla les yeux.

— Vous pensez réellement que la fille était là-bas !

— Possible, admit-il. Alors, on peut perquisitionner ?

— Quel rapport avec la compagnie d’électricité ?

Il crispa les mâchoires, sans masquer son impatience.

— Je suis en train de perdre mon temps. Me donnez-vous cette autorisation, oui ou non ? Parce que, si ce n’est pas le cas, je dois demander une commission rogatoire.

— Je sais que vous recherchez la personne qui a agressé cette fille, alors oui, vous pouvez fouiller la maison. Mais seulement en ma présence.

— Non. Impossible.

La réponse spontanée, catégorique, eut le don de la hérisser. La fouille de la maison était en lien avec l’affaire en cours, soit. Mais ce refus de laisser Faith y assister relevait d’une autre catégorie… Ça, c’était personnel. Tout aussi personnel que ces questions sur son arme. Et, quand un flic commençait à prendre les choses personnellement, ça n’en finissait jamais.

— Si vous voulez mon autorisation, laissez-moi vous accompagner. Sinon, vous pouvez aller chercher une commission rogatoire, dit-elle d’un ton sans réplique.

Il plissa les yeux, ce qui lui donna une expression vaguement menaçante.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne fais pas confiance aux flics. Taxez-moi d’insensibilité, dites-moi que je suis une garce, traitez-moi de ce que vous voulez. Mais c’est une condition incontournable. Plus tôt nous trouverons un accord, plus tôt vous serez dans la maison au lieu de perdre votre temps à discuter avec moi.

Il lui adressa sèchement un bref signe de tête.

— Dans ce cas, vous allez m’accompagner.

Il se redressa et s’adressa au secouriste.

— Vous pouvez rentrer. Je vais m’assurer qu’elle ira à l’hôpital pour recevoir les soins complémentaires dont elle pourrait avoir besoin.

— Vous êtes d’accord avec ça, madame Corcoran ? s’enquit Jefferies d’un ton soucieux.

— Je le suis. Ça va aller. Aidez-moi à descendre, si vous voulez bien.

Jefferies aida Faith à sortir de l’ambulance et secoua la tête lorsqu’elle voulut lui rendre la couverture.

— Gardez-la pour l’instant. Il fait froid dehors.

L’ambulance quitta la scène de crime et Novak lui prit le bras.

— J’ai peut-être une veste dans mon véhicule, dit-il, moins agressif. J’aurais dû y penser à mon arrivée ici. Désolé.

Sourcils froncés, il jeta un coup d’œil intrigué sur les épaisses chaussettes de laine qu’elle portait.

— Où sont vos chaussures ?

— Le shérif les a trouvées là-bas, dit-elle en montrant le talus. Mais elles sont en piteux état. J’ai bien une paire de baskets dans le sac de sport qui était sur le siège avant de ma jeep, mais ce côté est si esquinté que je doute que vous puissiez les atteindre sans découper la porte. Je veux bien y aller comme ça. Ce n’est pas si loin d’ici.

Il la scrutait de nouveau comme un insecte dans un bocal.

— Vous avez grimpé ce talus nu-pieds ?

Elle haussa les épaules.

— L’adrénaline, j’imagine. J’ai réalisé que j’avais perdu mes chaussures après avoir appelé les secours. Mes bas étaient en lambeaux et je commençais à avoir les pieds gelés. C’est le shérif qui m’a donné ces chaussettes. Il a juré qu’elles étaient propres, ajouta-t-elle sèchement parce que l’intensité de son regard la mettait mal à l’aise. Allons-nous continuer à discuter accessoires ici ou allons-nous enfin nous rendre à la maison ?

Après un dernier regard inquisiteur, il la guida vers son SUV. Lorsqu’elle sentit ses genoux se dérober, une grande main se posa légèrement sur son dos pour l’aider à garder l’équilibre. Le corps de Novak irradiait comme une chaudière, réveillant la tentation de se blottir contre lui.

Elle aurait aimé pouvoir se serrer contre quelqu’un, juste un bref instant. Mais ce quelqu’un ne pourrait jamais être un flic. Si torride fût-il. Si agréable l’odeur qui émanait de lui fût-elle. Elle carra les épaules et refusa poliment son aide pour grimper sur le siège.

Puisant des ressources dans son orgueil, elle trouva la force de boucler sa ceinture. Mais, aussitôt qu’elle entendit le déclic, ce sursaut d’énergie s’émoussa, sapé par l’épuisement. Ils avaient parcouru moins de cinq mètres et elle avait l’impression d’avoir marché plus d’un kilomètre.

— Vous allez bien ? demanda Novak, à voix basse.

Il se tenait devant la portière ouverte, empiétant encore sur son espace.

— Pas vraiment mais, si je sens que je vais vomir, je vous préviendrai.

— J’apprécierai, merci.

Il referma doucement la portière, ouvrit et referma le hayon, puis manœuvra sa propre portière avec autant de délicatesse. Une fois installé dans l’habitacle, il lui tendit un blouson coupe-vent doublé de flanelle, qui hurlait FBI en lettres blanches géantes dans le dos.

— Il est propre, affirma-t-il.

Puis, il se pencha pour atteindre la boîte à gants devant elle. Il en retira un flacon de comprimés antidouleur et prit une bouteille d’eau posée dans le porte-gobelet de la voiture.

— Vous avez toujours mal à la tête ?

— Oui.

Plus précisément, elle sentait un régiment de soldats chaussés de rangers à clous défiler en cadence sous son crâne. Le bourdonnement soutenu du téléphone de Novak la fit grimacer.

— Désolé, je vais baisser le son.

Il lui tendit flacon et bouteille, avant de répondre à l’appel.

— Qu’est-ce que tu as pour moi, Crandall ?

Il fit démarrer le moteur, puis il s’immobilisa, la main toujours sur la clé de contact. Sa mâchoire se crispa.

— Tu en es certain ?

Il se tourna vers Faith et accrocha son regard. Elle était tentée de détourner la tête, mais se força à soutenir son regard. Sans rompre le contact, il s’adossa à son siège. S’il l’avait étudiée comme un insecte dans un bocal plus tôt, maintenant, elle avait le sentiment d’être disséquée. Et qu’il n’appréciait pas ce qu’il trouvait à l’intérieur.

Ouais. Il sait, d’accord.

— Bien.

Il laissa échapper une longue expiration.

— Je ne m’attendais pas à ça, mais je te remercie d’avoir creusé l’affaire, Crandall, dit-il. Peux-tu m’envoyer les fichiers par mail ? Ensuite, appelle Kimble et mets-le au courant. Je ne peux pas m’en occuper pour le moment.

Il laissa tomber son téléphone dans sa poche et pencha la tête d’un geste plein d’expectative, comme s’il attendait qu’elle parle.

Faith ne dit rien. C’était inutile, il avait manifestement déjà tiré ses propres conclusions.

D’ailleurs, c’est lui qui mit fin à leur duel silencieux.

— Très bien, soit. Je commence, alors… Docteur Frye, ajouta-t-il après une longue pause.

Elle poussa un soupir las.

— Je pensais avoir réussi à tout modifier. Qu’est-ce que j’ai raté ?

— Votre arme. Elle est toujours enregistrée au nom de Faith Frye, titulaire d’un doctorat d’université.

Elle le fixa en fulminant.

— Merde alors, ça aussi, je l’ai fait changer.

— Vous avez peut-être fait les démarches, mais l’ordinateur n’a pas suivi.

— Crétins d’ordinateurs, marmonna-t-elle.

— En parlant d’ordinateurs, notre gourou des données n’a trouvé absolument aucune trace de votre changement de nom. Nous savons que vous avez fait modifier votre permis de conduire et votre carte de crédit la semaine dernière, mais aucun dossier officiel n’atteste votre changement d’identité.

— C’est au moins ça de pris, lâcha-t-elle d’un ton acide.

L’expression de Novak s’assombrit encore, à cet instant, il paraissait particulièrement menaçant.

— Vous pensez que c’est une plaisanterie  ?

Cette simple idée arracha un rire amer à Faith.

— Non, loin de là.

— En enregistrant votre arme, vous avez déclaré que vous étiez psychothérapeute. C’est vrai ?

— Oui.

— Alors, vous suivez vraiment les délinquants sexuels en thérapie ? demanda-t-il sans se soucier de dissimuler sa consternation.

Ne t’avise pas de détourner les yeux, ma fille. Il n’y a aucune raison d’avoir honte. Elle se força à soutenir le regard déçu.

— Je le faisais. Ce n’est plus le cas maintenant.

— Et pourquoi ?

C’est pas ton putain de problème.

— J’avais besoin de changement.

— Vous avez l’air d’avoir changé pas mal de choses en peu de temps.

— Y avait-il une question dans votre dernière phrase, agent Novak, ou est-ce juste une façon d’entretenir la conversation ?

Il crispa si fort les mâchoires qu’un muscle dans sa joue tressaillit.

— Puisque nous n’avons pas pu trouver d’enregistrement de votre changement d’identité, je présume que le dossier de la Cour est scellé ?

— Vous présumez bien, rétorqua-t-elle, à bout de patience. Ce qui devrait vous conduire à présumer qu’un juge a décidé que j’avais des raisons valables de faire appliquer cette procédure.

— Pourquoi ?

Elle lui adressa un sourire entièrement dénué d’amusement.

— Vous voulez dire que votre gourou d’Internet n’a trouvé aucune des trente plaintes que j’ai déposées auprès de la police de Miami ? Vous êtes sûr qu’il est si bon que ça ?

— Trente plaintes, répéta-t-il, intrigué. Contre qui ?

Une partie d’elle avait envie de l’envoyer balader. Mais une autre, plus importante, plus lasse, n’aspirait qu’à voir cette journée arriver à son terme.

— Dites à votre gourou de se renseigner sur Peter Combs.

— Je le ferai mais, dans l’objectif d’économiser un temps que j’aimerais vraiment consacrer à la victime que vous avez trouvée, dites-moi ce qu’il va découvrir.

— Combs est un délinquant sexuel qui m’a agressée avec un couteau.

Une lueur de compréhension traversa le regard singulier, vite remplacée par une profonde déception.

— Notre gourou a trouvé un article sur le procès de Combs. Il me l’a résumé.

Les lèvres de Faith se pincèrent en une moue amère. Elle savait à quel article il faisait allusion.

— Bien sûr.

— Peter Combs a été déclaré coupable. Il a été condamné à une peine de prison.

Pas assez longue. Il aurait fallu une petite perpétuité.

— Il a bénéficié d’une conditionnelle.

Elle avait tenté d’adopter un ton dégagé, mais sa voix tremblait. Merde.

Novak cilla. Manifestement, l’info ne figurait pas dans le compte rendu de son gourou.

— Et il vous a harcelée ? Vous avez demandé de l’aide trente fois ?

Pas question que je recommence. C’est au-delà de mes forces. Elle se tourna vers la fenêtre.

— Vous n’étiez pas censé perquisitionner la maison de ma grand-mère ?

— Docteur Frye, qu’est-ce qui a poussé Peter Combs à vous agresser avec un couteau ?

Une haleine chaude et rance frôle sa joue, la morsure de la lame posée sa gorge. La voix râpeuse contre son oreille. « Tu as ruiné ma vie, espèce de salope, alors je vais prendre la tienne. Mais d’abord je vais te faire regretter d’avoir croisé mon chemin. Tu regretteras d’être venue au monde, avant que j’en aie fini avec toi. »

Elle ravala la bile qui lui brûlait la gorge. Puis, elle se tourna de nouveau vers Novak, mue par le besoin impératif de vérifier que c’était bien lui qui était assis près d’elle, et non cet homme dont la voix l’avait marquée à tout jamais.

A en juger par l’expression de l’agent Novak, son gourou d’Internet avait été fort consciencieux. M. FBI était informé de ce que Peter Combs avait prétendu devant la Cour. Sous serment. Ce que chaque flic qui la connaissait s’était empressé de croire. Disons, chaque flic, plus un agent spécial du FBI. Cependant, quelque chose dans le visage étrangement attirant de Novak semblait la mettre au défi de se justifier.

— Vous savez, je me suis beaucoup démenée pour parvenir à changer mon nom, j’apprécierais donc que vous l’utilisiez, dit-elle avec un calme qu’elle était bien loin de ressentir. Voulez-vous toujours voir la maison ? Si oui, allons-y. Dans le cas contraire, laissez-moi partir et allez demander une putain de commission rogatoire.

Il la fixa dans un silence glacial qui s’étira de longues secondes. Puis :

— Docteur Corcoran, où étiez-vous vendredi soir, entre 22 heures et minuit ?

Cette fois, il l’avait effectivement perturbée. Elle cilla plusieurs fois, ulcérée de constater qu’elle était au bord des larmes.

— Vous pensez que je suis suspecte ?

Il se pencha par-dessus la console qui séparait les deux sièges, jusqu’à ce que leurs visages ne soient qu’à quelques centimètres de distance. Si proche qu’elle percevait sa chaleur, l’odeur poivrée de son après-rasage.

Pas question de pleurer devant lui. Concentre-toi. Elle ne voyait que ses yeux. En fait la ligne de démarcation ne se situait pas exactement au milieu. Son œil gauche était plus bleu que marron, au contraire du droit où le marron dominait.

— Je ne sais pas qui vous êtes, reconnut-il avec calme. Mais au moins, si vous acceptez de me dire où vous étiez vendredi soir, je saurai ce que vous n’êtes pas. Alors, dites-le-moi, Faith. Je vous en prie.

Une intonation presque suppliante dans sa voix engagea Faith à répondre.

— J’étais dans une chambre d’hôtel de Miami. Je faisais mes bagages. Pour venir ici.

Sa voix tremblait encore, mais au moins elle avait réussi à ravaler ses larmes.

Il laissa échapper un soupir de soulagement.

— Quelqu’un pourrait-il le confirmer ?

Faith était bien incapable de déterminer si le soulagement de Novak était sincère ou s’il tentait de la manipuler en lui inspirant un faux sentiment de sécurité. Mais dans quel but ?

Si seulement elle le savait. De toute façon, qui pouvait deviner ce qui se passait dans la tête des flics ? Après avoir passé neuf ans mariée à Charlie, Faith n’en avait toujours pas la moindre idée. Elle avait été entraînée à analyser le comportement, mais celui de la plupart des flics se situait bien loin des critères humains.

— J’ai gardé le reçu d’une station-service près de South Beach, dit-elle. Il devrait encore traîner dans mon sac. J’ai fait le plein de carburant vers 22 h 30, l’endroit était très bien éclairé, avec un bon niveau de sécurité. Je suis certaine qu’ils vous fourniront les images vidéo de mon passage avec la plus grande obligeance.

— Merci.

Novak n’ajouta pas le moindre commentaire, il se réinstalla sur son siège et se mit en route. Ils avaient à peine parcouru quelques mètres, lorsqu’il reçut un nouvel appel.

— Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-il, sans perdre de temps en formules de politesse.

Il écouta, jura entre ses dents, puis écrasa l’accélérateur.

— Elle est avec moi. Elle n’a autorisé la fouille qu’en sa présence… Oui, j’ai parlé à Crandall. Et, oui, il m’a passé l’info… Elle dit qu’elle était à Miami. Elle a un reçu de station-service… Nous vérifierons sur les images de la vidéosurveillance.

Il écouta la réponse de son interlocuteur et soupira.

— C’est pas faux. Bon, on est en route.

Faith attendit la fin de la communication pour demander :

— Qu’est-ce qui n’est pas faux ?

— Que votre présence à Miami ne prouve pas que vous n’êtes pas plus ou moins impliquée.

Impliquée dans quoi ? Faith ouvrit la bouche pour protester, mais au détour d’un virage les phares de Novak éclairèrent une masse blanche. Une camionnette, dont le flanc était décoré d’un blason, l’avant était encastré dans un arbre. Puis, il y eut un nouveau tournant et le véhicule disparut.

— Ce pick-up, dit-elle lentement. Il n’était pas là hier.

— J’imagine que non, répondit Novak d’une voix égale. Le sang d’Arianna Escobar qui a imbibé le siège du conducteur est encore humide.

— Arianna Escobar ?

— La fille que vous avez trouvée sur la route. C’est son nom.

— Mais comment son sang est-il arrivé sur ce siège ?

En pleine confusion, Faith le fixa d’un œil vide, puis il y eut un déclic et son cerveau se remit en route.

— Elle était dans le pick-up, c’est bien ça ? Elle conduisait le pick-up ?

— En absence d’analyses ADN du sang, je peux seulement émettre des hypothèses.

— Oh ! mon Dieu…

Dans l’esprit de Faith, le puzzle se mettait en place. Ce blason… C’était le logo de la compagnie qu’elle avait chargée de rebrancher l’électricité chez elle.

— Ce véhicule était chez moi, aujourd’hui. Où est le chauffeur ? Que lui est-il arrivé ?

Novak se contenta de l’observer sans répondre et l’horreur de Faith redoubla.

— Vous pensez que je suis au courant ?

Toujours pas de réponse. Le cœur de Faith cognait à grands coups dans sa poitrine, elle n’entendait plus que le rugissement de son sang.

— Je les ai appelés pour rebrancher l’électricité, c’est tout, je le jure.

Elle détourna les yeux et s’efforça de respirer par le nez sur un rythme régulier, cherchant à reprendre son calme. Ils pensent que je sais quelque chose. Ils pensent que je suis impliquée dans ce qui a pu arriver au gars de l’électricité.

Et dans ce qui aurait pu arriver à Arianna Escobar. Elle leva la tête, croisa le regard baroque de Novak et y lut de l’inquiétude. Et aussi de l’appréhension.

— Oh ! mon Dieu.

Même si elle avait essayé, elle n’aurait pu réprimer ce chuchotement rauque. Elle porta les mains à sa bouche, sentit le contact rêche de bandages contre ses lèvres.

— J’ai essayé de la sauver. Je ne lui ai pas fait de mal. Je n’aurais jamais pu lui faire de mal.

Novak se frotta le front.

— Bon sang. J’ai vraiment envie de vous croire. Allons voir ce que cette maison a à nous dire.

Parcourue de frissons, Faith posa les mains sur ses cuisses et regarda défiler la masse sombre des arbres qui bordaient la route. La maison avait toujours eu beaucoup à dire, songea-t-elle. Et, pendant les vingt-trois années écoulées, elle n’avait jamais rien dit de bon.

Sur tes traces
titlepage.xhtml
part0000.html
part0001.html
part0002_split_000.html
part0002_split_001.html
part0002_split_002.html
part0002_split_003.html
part0002_split_004.html
part0002_split_005.html
part0003_split_000.html
part0003_split_001.html
part0003_split_002.html
part0003_split_003.html
part0003_split_004.html
part0003_split_005.html
part0004_split_000.html
part0004_split_001.html
part0004_split_002.html
part0004_split_003.html
part0004_split_004.html
part0005_split_000.html
part0005_split_001.html
part0005_split_002.html
part0006_split_000.html
part0006_split_001.html
part0006_split_002.html
part0007_split_000.html
part0007_split_001.html
part0007_split_002.html
part0007_split_003.html
part0007_split_004.html
part0007_split_005.html
part0008_split_000.html
part0008_split_001.html
part0008_split_002.html
part0009_split_000.html
part0009_split_001.html
part0009_split_002.html
part0009_split_003.html
part0010_split_000.html
part0010_split_001.html
part0010_split_002.html
part0011_split_000.html
part0011_split_001.html
part0011_split_002.html
part0011_split_003.html
part0011_split_004.html
part0012_split_000.html
part0012_split_001.html
part0012_split_002.html
part0012_split_003.html
part0012_split_004.html
part0013_split_000.html
part0013_split_001.html
part0013_split_002.html
part0013_split_003.html
part0013_split_004.html
part0013_split_005.html
part0013_split_006.html
part0014_split_000.html
part0014_split_001.html
part0014_split_002.html
part0014_split_003.html
part0015_split_000.html
part0015_split_001.html
part0015_split_002.html
part0015_split_003.html
part0015_split_004.html
part0015_split_005.html
part0016_split_000.html
part0016_split_001.html
part0016_split_002.html
part0017_split_000.html
part0017_split_001.html
part0017_split_002.html
part0017_split_003.html
part0017_split_004.html
part0018_split_000.html
part0018_split_001.html
part0018_split_002.html
part0018_split_003.html
part0019_split_000.html
part0019_split_001.html
part0019_split_002.html
part0019_split_003.html
part0019_split_004.html
part0020_split_000.html
part0020_split_001.html
part0020_split_002.html
part0020_split_003.html
part0021_split_000.html
part0021_split_001.html
part0021_split_002.html
part0021_split_003.html
part0021_split_004.html
part0022_split_000.html
part0022_split_001.html
part0022_split_002.html
part0022_split_003.html
part0023_split_000.html
part0023_split_001.html
part0023_split_002.html
part0023_split_003.html
part0023_split_004.html
part0023_split_005.html
part0023_split_006.html
part0023_split_007.html
part0024_split_000.html
part0024_split_001.html
part0024_split_002.html
part0024_split_003.html
part0025_split_000.html
part0025_split_001.html
part0025_split_002.html
part0025_split_003.html
part0025_split_004.html
part0026_split_000.html
part0026_split_001.html
part0027_split_000.html
part0027_split_001.html
part0027_split_002.html
part0027_split_003.html
part0028_split_000.html
part0028_split_001.html
part0028_split_002.html
part0028_split_003.html
part0028_split_004.html
part0028_split_005.html
part0029_split_000.html
part0029_split_001.html
part0029_split_002.html
part0029_split_003.html
part0029_split_004.html
part0029_split_005.html
part0029_split_006.html
part0029_split_007.html
part0030_split_000.html
part0030_split_001.html
part0030_split_002.html
part0030_split_003.html
part0030_split_004.html
part0031_split_000.html
part0031_split_001.html
part0031_split_002.html
part0031_split_003.html
part0032_split_000.html
part0032_split_001.html
part0032_split_002.html
part0032_split_003.html
part0032_split_004.html
part0033_split_000.html
part0033_split_001.html
part0033_split_002.html
part0033_split_003.html
part0033_split_004.html
part0033_split_005.html
part0033_split_006.html
part0033_split_007.html
part0034_split_000.html
part0034_split_001.html
part0034_split_002.html
part0034_split_003.html
part0034_split_004.html
part0035_split_000.html
part0035_split_001.html
part0035_split_002.html
part0035_split_003.html
part0036_split_000.html
part0036_split_001.html
part0036_split_002.html
part0036_split_003.html
part0036_split_004.html
part0036_split_005.html
part0037_split_000.html
part0037_split_001.html
part0037_split_002.html
part0037_split_003.html
part0037_split_004.html
part0037_split_005.html
part0037_split_006.html
part0037_split_007.html
part0037_split_008.html
part0037_split_009.html
part0038.html
part0039.html