Est du Kentucky
Mardi 4 novembre,
11 h 20
Horrifiée, Corinne fixa le visage chétif de Roza.
— Tu es née dans cet endroit ?
Petit hochement de tête.
— C’est ce que me racontait maman.
Bon sang. Se pouvait-il que cet homme horrible soit son père ?
La gorge serrée, Corinne jeta un coup d’œil au bocal qui avait roulé sur le plancher. Les yeux de la mère de Roza faisaient-ils partie de cette macabre récolte ? Elle se refusait à penser que les yeux d’Arianna avaient aussi pu être collectés et ne voulait même pas l’envisager. Ni que les miens vont s’y retrouver, si nous sommes encore là à son retour.
— Sors avec moi. Juste un petit pas.
Et un autre, puis encore un autre, jusqu’à ce que nous soyons hors de danger.
— Va-t’en, supplia Roza. Va-t’en et laisse-moi ici.
— Non. Il n’en est pas question. Fais juste un pas.
— Je n’ai jamais eu de chaussures, chuchota Roza, toujours en proie à la panique. Elles me font mal.
Le cœur de Corinne se brisa.
— Je suis désolée. Je suis tellement désolée, mon petit. J’aimerais pouvoir te porter, mais je ne peux pas. Je n’en ai pas la force.
Ça n’avait pas toujours été le cas. Avant sa maladie, elle aurait pu courir pendant des kilomètres sans s’arrêter en portant Roza et le baluchon.
Roza pencha la tête.
— Tu as besoin de mon aide ?
Serait-ce aussi simple ? Roza avait passé sa vie entière dans cette cave. Combien de victimes avait-elle soignées ? Corinne regarda de nouveau le bocal. Trop. Beaucoup trop. La mère de la petite avait-elle été aussi forcée de prendre soin des autres ?
— Oui, j’ai besoin de ton aide. Je ne peux pas rentrer chez moi seule. Veux-tu venir avec moi ? Tu veux bien m’aider comme tu as aidé Arianna ?
Roza laissa échapper un soupir frémissant et redressa les épaules. Ferma les yeux et franchit le seuil. Puis elle prit une profonde inspiration avant d’éclater en sanglots.
— Désolée. Je ne peux pas t’aider. Je ne peux pas. Laisse-moi ici et va-t’en. Il faut trouver Faith. Elle saura quoi faire.
— Mais je ne peux pas faire ça. J’ai besoin de ton aide, tu te rappelles ?
Corinne prit la petite dans ses bras et la berça, tout en surveillant la route. S’il revenait, elle devrait l’affronter. Elle avait des couteaux. Elle avait une pelle.
Et la rage bouillonnait dans ses entrailles. Avant de toucher cette enfant, il devra me passer sur le corps.