Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre,
14 h 59
Agenouillé près du puits, il pompa de l’eau sans discontinuer pour se rincer les yeux, jusqu’à pouvoir cligner des paupières sans souffrir le martyre.
Hors d’haleine, il s’affaissa enfin contre le métal froid de la pompe. Que ce connard aille se faire foutre avec son compteur ! Et Faith Frye aussi, pour avoir appelé la compagnie d’électricité. D’ailleurs, où était-elle là, maintenant ? Il ne manquerait plus qu’elle lui tombe dessus juste au moment où il était diminué.
Malgré ses mains tremblantes, il parvint à tirer son téléphone de sa poche. Il était fatigué. Vraiment crevé. Ses bras lui donnaient l’impression de peser trois tonnes. Chacun. Et sa vision était encore floue.
Les yeux plissés pour mieux distinguer l’écran, il activa l’application qui suivait les déplacements du mouchard posé sur la jeep de Faith. L’émetteur n’avait pas bougé. Il y avait au moins une chose qui se passait comme prévu.
Il se remit debout avec peine et se força à rejoindre le corps du préposé. Ken semblait bien mort. Mais je ne vais pas prendre de risques. Tu ne m’auras pas deux fois, mon gaillard.
D’une main, il saisit une poignée de cheveux et, de l’autre, enfonça le canon de son arme à la base du crâne. Il pressa la détente et logea une dernière balle dans la tête de l’homme. Puis il récupéra le téléphone de la victime et dénicha les coordonnées du patron.
J’ai fini la dernière mission. Je ne me sens pas bien. Je vais rentrer plus tôt chez moi.
Il pressa la touche envoi. Voilà. C’était fait. Maintenant, il devait transporter cet enfoiré au sous-sol et nettoyer tout ce foutoir.
Il tenta de se redresser, mais fut pris de vertige. Ses genoux flanchèrent. Un rugissement emplit son crâne.
Non. Ça, c’était le bruit d’un vrai moteur.
— C’est quoi… ce bordel ?
Les mots sortaient au ralenti de sa bouche pâteuse. La seule fois où il avait éprouvé ces sensations, c’était quand on l’avait anesthésié avant une opération.
Merde. La fléchette. Ken lui avait injecté un tranquillisant. Il entendit de nouveau le vrombissement du moteur et rassembla ses forces pour atteindre en rampant le coin de la maison, d’où il aurait vue sur la route.
La camionnette de la compagnie d’électricité s’éloignait. Quelqu’un s’était évadé de son sous-sol. A la place du conducteur, il distinguait une vague silhouette. Trop grande pour être celle de Roza. Les cheveux sombres n’étaient pas ceux de Corinne Longstreet.
Arianna Escobar prenait le large. Rattrape-la. Arrête-la. Mais son corps refusait de coopérer. Je suis complètement vidé. Putain. Ses bras cédèrent. Son torse heurta durement le sol, le choc chassa l’air de ses poumons. Meeerde. Cette amère pensée fut la dernière. Ses paupières se fermèrent et tout sombra dans l’obscurité.