Cincinnati, Ohio
Mercredi 5 novembre, 22 heures

Faith trouva Deacon debout, une main plantée sur la commode, son dos nu courbé, tête baissée. Le miroir reflétait ses cheveux blancs hérissés. Son téléphone bourdonnait régulièrement sur le meuble, comme s’il était en pleine conversation par SMS. Faith rassembla son courage, puis traversa la chambre et effleura du bout des doigts la peau tiède, couleur bronze.

Il frissonna une fois, mais ne lui demanda pas d’arrêter. Elle se rapprocha donc et commença à lui frotter le dos en décrivant de larges cercles fermes. Le téléphone bourdonna de nouveau, signalant l’arrivée d’un autre SMS.

— Tu dois vraiment répondre à ça ? demanda-t-elle.

— Non, c’est Dani. J’allais envoyer un détachement de protection à son appartement, cette nuit, mais elle a passé toute la soirée au refuge et elle va y rester. Il y a une paire de flics du CPD à la retraite, là-bas. Elle vient juste de me dire qu’elle allait bien.

Faith percevait une profonde lassitude chez lui qui ne fit qu’accentuer son propre malaise.

— Je suis désolée, dit-elle.

Il soupira.

— Pour quelle raison ?

— Parce que tu as perdu ton voisin. Parce que c’est toi qui l’as découvert. Parce que maintenant tu te sens responsable d’avoir conduit un meurtrier dans ton quartier, tout comme je me sens responsable de la mort de ceux qu’il a tués à cause de moi.

Elle lui caressa le milieu du dos de haut en bas, le sentit frissonner une fois de plus et s’arrondir pour venir à la rencontre de sa main, comme le gros chat auquel il lui faisait penser.

— Merci, Faith. Mais tu n’es responsable d’aucun de ces événements.

— Je ne me suis pas excusée, Deacon. Je peux être triste sans présenter des excuses, dit-elle en le sentant se crisper sous ses mains. En revanche, je te demande pardon pour t’avoir fait du mal en allant à la maison. Je n’en avais pas l’intention.

— Je sais, murmura-t-il. Je suis navré d’avoir crié. Je… J’imagine que j’ai atteint mes limites, ce soir. Je regrettais simplement que tu ne m’aies pas attendu ou au moins que quelqu’un ne m’ait pas dit où tu te trouvais.

— Pour ça aussi je suis désolée.

Elle trouva un muscle contracté sous l’épaule qu’il avait meurtrie en lui sauvant la vie, à l’hôtel, et s’affaira à le dénouer.

— Mais j’ai vraiment aidé à faire avancer l’enquête.

— C’est ce qu’on m’a dit. Vince m’a montré le meuble qui camouflait le monte-plats et les bocaux. Tu as trouvé sa cache à souvenirs. Malheureusement, ça ne nous fournit aucun élément qui nous permettrait de découvrir son identité. Et tu as risqué ta vie pour ça ? Désolé, Faith. En ce qui me concerne, ça n’en valait pas la peine.

— Il n’y avait pas que les souvenirs. Chaque bocal était étiqueté. Nous avons utilisé ces noms pour identifier les victimes. Et les comparer avec la liste des boursiers de la fondation.

— Tanaka aurait trouvé ce qu’il y avait derrière ce meuble. C’est un très bon professionnel.

Ses mains se figèrent et elle s’efforça d’avaler la boule qui était soudain venue obstruer sa gorge en l’entendant dénigrer ainsi sa participation à l’enquête.

— J’avais besoin de faire quelque chose, chuchota-t-elle farouchement.

Elle recula d’un pas, laissant ses mains retomber le long de son corps.

— Tu dois pouvoir comprendre ça.

— Evidemment, je comprends ton besoin d’agir.

Il se redressa lentement, les muscles de son dos roulèrent sous sa peau bronze. Lorsqu’il se retourna, elle lut une telle détresse dans son regard que sa propre souffrance et son orgueil volèrent en éclats, d’autant plus qu’il continua ses explications.

— Mais j’ai besoin que tu comprennes que la seule chose qui m’a permis de tenir ce soir, pendant que j’avais la tête coupée de mon voisin entre les mains, était de me dire que tu étais en sécurité.

La calme description de cette image la rendait encore plus dévastatrice que s’il avait hurlé. Il avait eu peur. Pour moi.

— J’étais en sécurité, dit-elle à voix basse. Je suis en sécurité.

Son argument le laissa de glace.

— Cette fois, tu l’étais. Et la prochaine fois, Faith ?

— Quelle prochaine fois ?

— La prochaine fois que tu énerveras un délinquant sexuel au point de lui inspirer l’envie de te trancher la gorge. La prochaine fois que tu escaladeras un talus, pieds nus après avoir heurté un arbre. La prochaine fois que tu t’interposeras entre un agent fédéral fou furieux de quatre-vingt-dix kilos et un ado de quinze ans qui te rend vingt-cinq kilos, continua-t-il avec un regard noir. La prochaine fois que quelqu’un te demandera de donner un coup de main pour résoudre une enquête.

Elle réfléchit à sa réponse, essayant de considérer la situation du point de vue de Deacon, puis finit par opter pour la vérité, même si ce n’était pas ce qu’il avait envie d’entendre.

— Je suis comme ça. Je te promets d’être prudente, mais je ne peux pas te promettre de rester sans bouger si quelqu’un a besoin de moi. D’ailleurs, dans les mêmes circonstances, je suis certaine que toi non plus tu ne resterais pas sans réagir.

— Mais je suis un agent fédéral, je suis entraîné pour ça. Le niveau de danger est loin d’être le même.

— En effet, convint-elle sobrement, trop consciente qu’il pouvait perdre la vie à n’importe quel moment. Mais, pour moi, c’est une situation exceptionnelle. Alors que tu fais face au danger tous les jours.

Raison de plus pour résoudre cette affaire. La vie était bien trop courte.

D’un geste hésitant, elle posa la main sur la poitrine de Deacon, sentant les pectoraux se contracter sous sa paume. Il baissa les yeux sur sa main, puis releva lentement la tête. Elle vit la peur quitter les yeux bicolores, chassée par un désir instantané et impérieux.

L’espace de quelques secondes, elle se laissa absorber par ce regard brûlant, où le marron et le bleu devenaient plus foncés, les couleurs se fondant jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus les distinguer et qu’il ne reste que l’expression d’un appétit sauvage, intense, urgent.

Son corps réagit aussitôt, le rythme de son pouls s’accéléra, ses seins semblaient plus lourds, sa peau trop étroite. Sa culotte était déjà humide. Et il l’avait seulement regardée.

Elle posa l’autre main sur le cœur de Deacon, qui battait aussi la chamade.

— Je regrette de t’avoir inquiété, chuchota-t-elle. Je n’en avais pas l’intention. Je ferai de mon mieux pour que ça ne se reproduise pas.

Il posa une main sur les siennes, les pressant plus fermement contre sur torse.

— Si tu avais attendu, je t’aurais accompagnée. Tu n’aurais pas eu à affronter cette cave sinistre toute seule.

Le cœur de Faith chavira.

— Je n’étais pas seule. Je t’imaginais près de moi à chaque pas. C’est seulement grâce à ça que j’ai pu descendre l’escalier.

Le torse de Deacon s’épanouit, comme il prenait une profonde inspiration. Il libéra ses mains, puis inspecta ses paumes avant de les effleurer d’un baiser, l’une après l’autre, et les souleva pour les poser sur sa propre nuque. En une longue caresse, il redescendit le long des bras de Faith jusqu’à son dos. Il l’attira contre lui, si près qu’elle sentit son érection contre son ventre. Il avait gardé le regard rivé aux yeux de Faith.

— Tu es fatiguée.

— Toi aussi.

Il incurva les lèvres, attirant le regard de Faith sur sa bouche.

— Je ne serai jamais fatigué à ce point-là.

Le murmure de cette voix de velours noir fit courir un frisson sur sa peau et un éclair de désir la toucha profondément. Elle se dressa sur la pointe des pieds pour mieux se presser contre lui, se tortillant pour atténuer la tension qu’elle ressentait entre ses cuisses.

Il laissa échapper un rire bas et un grognement sourd.

— J’ai besoin d’une douche.

— C’est une invitation ?

Les doigts d’une main se crispèrent, se refermèrent sur une de ses fesses. Ce fut le seul avertissement que reçut Faith avant… qu’il ne bondisse. L’autre main fourragea dans ses cheveux et s’ouvrit en coupe autour de son crâne, au moment même où il prenait sa bouche avec un appétit vorace qui la sidéra. L’emporta. Il poussa une jambe entre les siennes, la souleva et manœuvra ses hanches pour qu’elle chevauche la cuisse puissante. Il n’avait cessé de dévorer sa bouche comme s’il ne pourrait jamais s’en rassasier.

Oui. C’était exactement ça qu’elle avait attendu tout au long de la journée. C’était ce qui l’aidait à avancer. Se retrouver entre les bras de Deacon, n’être plus que sensations. Elle passa les doigts à travers les mèches blanches hérissées et prit tendrement la belle tête entre ses mains, pressant ses seins tendus contre ce beau torse nu qui était à elle. Tout à elle.

Il recula légèrement la tête, juste assez pour reprendre son souffle. Ses doigts pétrissaient toujours les fesses de Faith, sa cuisse juste assez haute pour maintenir un contact affolant. Ses yeux brillaient de désir, éveillant tous les fantasmes.

— Que veux-tu, ce soir, Faith ? Décide-toi vite, parce que je suis en feu.

— Tu as des capotes ? demanda-t-elle avec un calme démenti par son cœur qui battait à tout rompre. Parce qu’il n’y en a plus dans les tiroirs.

Il la maintint en équilibre sur sa cuisse, puis plongea la main dans la poche de son pantalon, en tira une bande d’au moins six préservatifs et les leva pour les soumettre à l’inspection de Faith. Il pencha la tête, ses sourcils blancs haut levés. Attendit.

Faith eut un petit rire essoufflé.

— Alors, à la douche, agent Novak.

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