Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre, 22 h 40

Qu’est-ce qui leur prend si longtemps ? Faith se garda bien de poser la question à haute voix. Personne ne leur avait signalé la fin de l’alerte, Greg et elle ne pouvaient rien faire d’autre que rester assis sur le sol dans un silence tendu.

Le téléphone de Greg bourdonna, ils sursautèrent tous les deux.

— Deacon. C’est pour vous, annonça le garçon en lui tendant l’appareil. Où est passé votre téléphone ?

— Il est grillé, dit-elle en lisant le message.

Deacon avait fini par lui communiquer les coordonnées de l’expéditrice du colis. Avec un peu de chance, cela signifiait qu’il avait fini de recueillir le témoignage d’oncle Jeremy. Elle craignait le résultat de l’entretien et ne voulait même pas s’interroger à ce sujet.

Greg la considéra d’un œil soupçonneux.

— Grillé du genre confisqué par les flics ou grillé du genre foutu ?

— Les deux, répondit brièvement Faith tout en composant le numéro que lui avait envoyé Novak.

— Allô, répondit une voix de femme nasillarde, d’un ton réservé.

— J’aimerais parler à Daphne Montgomery, s’il vous plaît.

— Ici, Daphne. Qui est à l’appareil ? Comment avez-vous eu ce numéro ? répliqua la femme d’une voix plus dure.

— Je m’appelle Faith Corcoran. Je suis une amie de Deacon Novak. Navrée d’appeler si tard, mais c’est important.

— Où est Deacon ? demanda Daphne. Il va bien ?

— Oui, dit Faith en prenant son ton le plus rassurant. Il m’a demandé de vous appeler.

— Pourquoi vous a-t-il… Attendez un peu. Faith Corcoran ? Vous étiez avec lui la nuit dernière, quand on lui a tiré dessus, c’est ça ?

Faith hésita, mal à l’aise à l’idée de discuter de la situation avec une étrangère. Sauf que, manifestement, cette femme tenait une place importante dans la vie de Novak.

— Oui, admit-elle. J’étais là.

— J’aurais tendance à dire que vous étiez un peu plus que simplement là, mon chou. D’après ce qu’on m’a raconté, c’est vous qui étiez la cible.

Faith fronça les sourcils. Aucun des communiqués de presse ou bulletins d’info ne l’avait désignée comme la véritable cible de ces tirs. Du moins, ce n’était pas le cas, la dernière fois qu’elle avait regardé. Cela dit, c’était bien avant que Greg et elle se soient lancés dans la peinture.

— Qu’avez-vous entendu et d’où tenez-vous ces informations ?

Un bref silence suivit les questions de Faith.

— Dites-moi, Faith, savez-vous qui je suis ?

— Je sais que vous êtes une amie de Deacon. Pourquoi ? demanda-t-elle, alors qu’une parcelle de doute faisait son chemin dans son esprit. Seriez-vous plus que cela ?

Faith grimaça, elle n’avait pas pu s’empêcher de laisser poindre sa jalousie. Mais un rire voilé lui répondit.

— Je ne suis qu’une amie, mon chou. Mais je suis mariée à son ancien patron.

— Ah. Sans doute le JC, sur la photo que vous lui avez dédicacée.

— Agent spécial Joseph Carter, expliqua Daphne. J’ai failli avoir une crise cardiaque en entendant que Deacon s’était fait tirer dessus, mais Joseph m’a assuré qu’il n’avait pas été blessé. Il vaudrait mieux que ça soit vrai, sinon il va avoir des problèmes.

Faith se demanda qui, de Joseph ou de Deacon, aurait des problèmes.

— Il portait un gilet en Kevlar, donc heureusement il s’en est tiré avec une grosse ecchymose. Il m’a poussée hors de la trajectoire de la balle.

— Je n’en attendais pas moins de notre Deacon. Vous vouliez me dire quelque chose, Faith ?

Ah, c’est vrai.

— Je cherchais à vérifier si c’est bien vous qui lui avez envoyé un paquet.

— Oui, par Speedy-24, une société de livraison. Pourquoi ?

— C’est parfait. Maintenant, nous pouvons libérer le livreur.

Greg suivait attentivement la conversation, les yeux plissés.

— Je vous avais bien dit que c’était un vrai livreur.

— Qui vient de parler ? demanda Daphne. De quel livreur s’agit-il ? Ce n’est pas très clair.

— C’était Greg, le frère de Deacon. Il a ouvert la porte au livreur, qui a eu la malchance d’arriver avec votre paquet à un très mauvais moment. La livraison semblait suspecte.

— Vous êtes chez Deacon ? Et en son absence ? Quel genre d’amie êtes-vous exactement ?

Faith rougit, soudain soulagée que Daphne ne puisse pas voir son visage, car tout ce qu’elle avait fait avec Novak dans la chambre venait de lui traverser l’esprit en un éclair.

— Disons, le genre d’amie à qui il donne votre numéro, éluda-t-elle.

Le bref silence qui suivit fut brisé par un gloussement ravi.

— Depuis combien de temps connaissez-vous notre Deacon ?

Faith consulta l’heure sur le téléphone de Greg.

— Environ vingt-neuf heures.

— Si longtemps que ça ? répliqua Daphne avec ce qui ressemblait à de l’amusement.

— Ces vingt-neuf heures ont été bien remplies, dit-elle à voix basse.

— C’est ce que j’ai cru comprendre, approuva Daphne, d’un ton d’où tout amusement avait disparu. Et vous, Faith, vous allez bien ?

Des larmes inattendues perlèrent sous ses paupières.

— Bien sûr, répondit-elle d’une voix mal assurée. Ça ira.

Dès que Deacon sera rentré. Elle s’éclaircit la gorge.

— Est-ce que le colis a un contenu périssable ? Parce que, vraisemblablement, il va être conservé comme pièce à conviction.

— Ne les laissez pas faire, protesta Daphne. D’abord, pourquoi feraient-ils ça ?

— Parce qu’un des deux agents qui assuraient ma protection a été poignardé moins d’un quart d’heure avant que le livreur ne sonne à la porte.

— Mince, marmonna Daphne. C’est vraiment le bordel. Savez-vous si la vie de l’agent est en danger ?

A l’extérieur, les voix s’élevaient de plus en plus mais, craignant d’affoler Greg, Faith s’efforça de garder le sourire.

— Je l’ignore. J’espère que non de tout cœur. Qu’y a-t-il dans le paquet ? Je ferai de mon mieux pour le sauver.

— C’est un manteau. J’avais acheté à Joseph des lunettes de soleil et un trench-coat de cuir comme ceux de Deacon, une sorte de cadeau gag pour son anniversaire. Mais, quand j’ai appris que Deacon avait été touché à l’épaule, je me suis dit que son manteau devait être fichu. Alors, je lui ai envoyé celui que j’avais. Je sais à quel point il adore cette vieille chose.

Le cœur de Faith fondit.

— C’est très gentil de votre part. Deacon dit qu’il pourra le faire raccommoder, mais pour l’instant le trench est une pièce à conviction et je crois qu’il lui manque plus qu’il ne veut bien l’avouer. J’essaierai de récupérer le colis avant que la scientifique ne l’emporte aussi. Merci, Daphne. Je sais que ça représente beaucoup à ses yeux.

— Ah ! Alors, vous êtes ce genre d’amie. Bien. Je suis très très contente. Dites à Deacon qu’il nous manque.

— Comptez sur moi.

Faith raccrocha et rendit à Greg son téléphone.

— Deacon a laissé de bons amis à Baltimore.

Greg se rembrunit.

— Je sais. Il a dû les quitter pour revenir ici. Pour moi.

— Parce qu’il t’aime, fit doucement Faith. Il m’a demandé de te le dire.

Une surprise ravie se peignit sur le visage de l’ado, puis il leva les yeux au ciel, dans une mimique bien de son âge, ponctuée d’un :

— Ouais, c’est ça.

— Souhaite-moi bonne chance, je vais tâcher de sauver ce colis.

— Bonne ch…

Greg s’interrompit et fronça les sourcils. Cette fois, les cris à l’extérieur étaient devenus si retentissants que même lui pouvait les percevoir.

— Qu’est-ce qui se passe ? chuchota-t-il.

Sacrément bonne question.

— Je vais voir. Reste dans le placard.

Là où aucune balle ne pourrait l’atteindre par la fenêtre.

— Promets-moi de ne pas bouger, ajouta-t-elle dans un chuchotement fiévreux.

Son insistance avait dû faire son effet car Greg obtempéra immédiatement. Faith inspira profondément, puis entra dans la chambre de Deacon. Après s’être prudemment agenouillée sur le lit, elle se posta près de la fenêtre et écarta le store.

Et elle regretta aussitôt son geste, car elle assista à la mort de l’agent Pope.

Il était allongé sur un brancard, le visage aussi blanc que l’oreiller qui soutenait sa tête. Mais son visage et l’oreiller étaient les seules taches blanches. Tout le reste était couvert de sang.

La grosse voix appartenait à Colby, qui se tenait près de son partenaire et lui hurlait de tenir bon. Pour Fran et les enfants. Puis le silence tomba.

Les exhortations de Colby avaient cessé, de gros sanglots agitaient ses larges épaules. Parce que Pope ne respirait plus.

Les secouristes arboraient des mines sinistres. Et semblaient terriblement navrés. Faith se rendit compte qu’elle aussi pleurait, une plainte sourde mais incoercible s’échappait de ses lèvres. Elle lâcha le store et se laissa glisser contre la tête de lit. Puis, le visage enfoui dans l’oreiller de Deacon pour étouffer ses sanglots, elle pleura à chaudes larmes en se balançant.

Bordel, bordel, bordel. Peu importait que l’agression n’ait pas été dirigée contre elle. Pope n’aurait pas été dehors à monter la garde, si ce psychopathe n’essayait pas de me tuer.

Un malade qui arrivait à descendre tout le monde autour d’elle.

En entendant un bruit de pas, elle leva la tête et empoigna son pistolet dans son sac d’un mouvement réflexe. Elle cilla à plusieurs reprises pour chasser ses larmes et éclaircir sa vision. Quand elle reconnut le nouvel arrivant, un grognement furieux émana de sa poitrine.

— Ah, génial ! C’est vous.

Adam Kimble traversa la pièce en quelques enjambées, ses yeux noirs brûlaient d’une lueur intense.

— Que se passe-t-il ? Vous êtes blessée ?

— Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Si vous êtes ici pour jouer les baby-sitters, laissez-moi tranquille, c’est Greg qui a besoin de vous.

Elle rangea son arme, ramena ses genoux contre sa poitrine, puis enfouit de nouveau son visage dans l’oreiller.

— Pourquoi pleurez-vous, docteur Corcoran ? demanda-t-il avec circonspection.

Faith releva la tête pour le fusiller du regard.

— Parce qu’il est mort ! Pope est mort. Il était là pour me protéger et maintenant il est mort.

Son éclat l’avait vidée, une boule lui obstruait la gorge.

— Allez-y, chuchota-t-elle. Dites-moi que c’est ma faute. Je sais que vous en mourez d’envie. Autant vous lâcher.

Il l’observait sans rien dire, tandis qu’elle comptait les pulsations qui battaient à ses tempes, maintenant douloureuses. Finalement, il soupira, laissa retomber ses épaules, puis mit les mains sur ses hanches et baissa la tête, fixant le sol.

— Je ne pense pas que ce soit votre faute, Faith.

— C’est la mienne.

Greg pénétra dans la pièce d’un pas hésitant, le visage d’une pâleur de craie.

— Adam ? C’est vrai ? Il est mort ? Vraiment mort ?

Adam hocha une fois la tête, d’un geste sobre.

— Oui, c’est vrai.

Greg s’effondra, la peinture verte sur ses vêtements laissa une traînée sur le mur, il avait le regard vitreux.

— Comment était le couteau ? demanda-t-il, d’un ton hébété.

— Ça ressemblait à un couteau de chasse. Pourquoi ?

— La poignée, de quelle couleur ?

— Elle était en séquoia. Pourquoi ? répéta Adam.

Greg avait caché son visage entre ses mains tremblantes. Adam s’accroupit devant son cousin et lui écarta doucement les mains.

— Greg ?

— Il croit que les types du lycée qui ont menacé Dani sont responsables, dit Faith, le cœur brisé.

Elle ne savait toujours pas ce qu’avait fait Greg, mais elle avait compris que les répercussions avaient pu conduire à la mort d’un homme.

— C’est pour ça que tu as été renvoyé ? voulut savoir Kimble.

En voyant Greg répondre d’un hochement de tête, il laissa échapper un bref soupir, puis regarda Faith.

— Ils le savent dehors ?

— J’ai prévenu Deacon. Il a dit qu’il les informerait mais, quand je l’ai appelé, il interrogeait un témoin. Cette journée est vraiment complètement merdique, ajouta-t-elle en frottant son front douloureux.

— Je suis bien d’accord, dit Kimble.

Il se leva brusquement et leva la main pour l’arrêter, alors qu’elle s’apprêtait à quitter la chambre.

— Oh ! là ! Vous allez où comme ça ?

— Il y a un paquet dans le salon qui appartient à Deacon.

Elle ne pouvait rien pour aider Pope ou sa famille, mais qu’elle soit damnée si elle laissait les fédéraux emporter le manteau de Deacon.

— J’allais attraper ce qu’il contient, avant que les types de la scientifique ne l’embarquent.

Kimble la considéra.

— Vous comptez manipuler des pièces à conviction ?

Elle montra les dents.

— Ce n’est pas une pièce à conviction. C’est un cadeau envoyé de Baltimore par une amie de Deacon, qui, par malchance, est arrivé justement maintenant. Rappelez le dernier numéro dans le journal d’appels du téléphone de Greg. Vous pourrez lui demander vous-même. Non mais quel cirque, je vous jure. Elle lui a simplement envoyé un manteau de remplacement !

Adam affichait une expression soucieuse.

— Restez ici. Je vais parler à celui qui commande et je verrai ce que je peux faire pour le manteau.

Il se pencha vers Greg et lui serra l’épaule pour attirer son attention.

— J’ai besoin de détails. Des noms, des adresses. Comment savais-tu pour le couteau ? Que s’est-il passé pour leur donner envie de tuer ?

Puis, il s’adressa à Faith en ajoutant :

— Je vous embarque, tous les deux. Emballez ce qu’il vous faut pour quelques jours.

Faith en resta bouche bée.

— Quoi ?

— Vous n’êtes plus en sécurité dans cette planque. Vous devez déménager. Et dépêchez-vous, si vous voulez bien. Il nous faut d’abord passer à l’hôpital. Arianna est réveillée et elle a demandé à vous voir.

Avec l’impression d’être aussi sonnée que Greg, Faith regarda Kimble disparaître dans l’escalier. Bouge. Et vite. Pour Arianna. Et, je vous en prie, mon Dieu, pour Corinne et la petite fille, aussi.

— Greg, il faut que tu te changes. Allez, dépêche-toi, continua-t-elle en durcissant le ton.

Il ne bougea pas. Il restait juste là, les avant-bras reposant sur ses genoux repliés. Fixant le vide, droit devant lui.

Marmonnant des jurons adressés à l’univers en général, Faith ouvrit et ferma les tiroirs du dressing de Deacon, jusqu’à trouver celui des survêtements. Sans perdre de temps, elle vida tout le contenu du tiroir sur le lit.

— Tiens, dit-elle en lui tendant un survêtement. Va te changer dans la salle de bains et laisse tes vêtements tachés dans la baignoire. On s’en occupera plus tard.

Constatant que l’ado n’avait pas bougé, elle le rejoignit et lui prit la main, tentant de le relever de force.

— Bouge-toi, Greg. On a des choses à faire. Va te changer.

Il se leva lentement, prit les vêtements qu’elle lui tendait et gagna la salle de bains en traînant les pieds, tête basse.

Elle sursauta en entendant la porte d’entrée claquer contre le mur, comme si quelqu’un l’avait ouverte à la volée. Quelques secondes plus tard, Colby se rua dans l’escalier et fit irruption dans la chambre de Deacon.

— Où est-il ? gronda-t-il à voix basse.

— Qui ? répondit Faith, sincèrement déroutée.

Colby s’approcha d’elle, jusqu’à envahir tout son espace, et elle sentit monter la vieille panique.

— Greg. Le gamin. Le frère de Deacon Novak, cracha-t-il.

Mais c’est quoi cette histoire ? Elle se déplaça pour lui barrer le chemin.

— Pourquoi ?

Il posa ses deux grosses mains sur les épaules de Faith et l’écarta sans ménagement. Elle recula et lui bloqua de nouveau le passage, mains levées, comme un agent de la circulation.

— Arrêtez, agent Colby !

Il la contourna et continua à avancer vers la salle de bains. Faith courut vers la porte et s’y adossa.

— Que faites-vous, agent Colby ?

— Il a fait le malin au lycée, dit Colby, qui ne dissimulait plus sa colère. Il a piraté la messagerie de ses professeurs pour leur faire croire qu’un gamin avait le sida. Vous saviez ça ?

Il ne prit pas le temps d’écouter la réponse de Faith, se contentant de l’éloigner de la porte.

Elle le repoussa assez fort pour le faire reculer d’un pas.

— C’est quoi votre problème ? Greg, verrouille la porte ! Ne sors pas ! cria-t-elle.

Mais Faith n’entendit pas le loquet tourner et son estomac se contracta.

Tu as vraiment mal choisi ton moment pour enlever tes prothèses, petit.

— Kimble ! hurla-t-elle. A l’aide !

— Il va sortir, dit Colby entre ses dents serrées, soufflant son haleine brûlante au visage de Faith. Il va voir ce qu’il a fait. Putains de sales gosses qui jouent aux dieux sur leurs ordinateurs !

Il referma la main sur la poignée de la porte et la secoua.

— Sors, espèce de petit enfoiré. Sors et viens voir un peu ce que tu as fait.

— J’arrive, Faith ! lança Greg d’une voix impatiente à travers le battant. C’est bon, quoi !

Il n’entendait pas leurs voix. Il croit que je lui demande de se dépêcher.

— Kimble ! Au secours !

La porte s’ouvrit derrière elle et elle entendit le hoquet de surprise de Greg. Colby passa la main par-dessus son épaule, empoigna le sweat-shirt de l’ado et l’attira vers lui.

— Kimble ! hurla Faith à tue-tête en se glissant entre Colby et Greg. Agent Colby, vous êtes bouleversé. Vous avez de la peine. Ne faites pas ça. Ne gâchez pas votre carrière.

Une main posée sur le torse de chacun des deux hommes, elle les repoussa. Greg parvint à échapper à la poigne de Colby et claqua la porte de la salle de bains, s’enfermant à clé à l’intérieur.

Laissant Faith faire face à la colère de Colby, seule. Oh ! mon Dieu. Fou de douleur, il saisit les revers de son chemisier et la souleva de terre.

— Ne me dites pas ce que je dois faire, siffla-t-il. Mon partenaire est mort. Et c’est la faute de ce sale gamin. Et la vôtre.

Il la secoua si fort qu’elle sentit ses os s’entrechoquer.

— Nous étions coincés ici, à assurer votre protection.

— Alors que j’ai bien cherché ce qui m’arrive ? demanda-t-elle avec un calme qu’elle était loin de ressentir. C’est bien ce que vous voulez dire ?

— Non, répondit-il, les yeux remplis de larmes. Mais c’était mon partenaire. Mon ami. Maintenant, il est mort. Il ne méritait pas ça.

— Non, chuchota-t-elle. Il ne le méritait pas. Je suis désolée. Je suis désolée.

D’un geste hésitant, elle posa la main sur la joue de Colby.

Il frissonna, les larmes roulaient sur ses joues sans qu’il s’en rende compte.

— Ils l’ont étripé, dit-il à mi-voix. Comme un putain d’animal.

Faith laissa une main posée sur la joue de Colby, puis, de l’autre, elle recouvrit gentiment le poing qui agrippait son chemisier.

— Agent Colby, vous me faites mal, dit-elle doucement, pressant plus fermement le poing serré. Ce n’est pas ce que vous voulez, n’est-ce pas ? Je ne pense pas que vous soyez ce genre d’hommes.

La fureur sauvage qui animait le regard de Colby commençait à refluer pour être remplacée par une profonde détresse. Détresse, horreur et honte.

Il relâcha sa prise et la redescendit doucement, jusqu’à ce qu’elle soit de nouveau à plat sur le sol.

— Merci, agent Colby.

— Je suis désolé, dit-il d’une voix rauque. Oh ! mon Dieu. Je suis désolé. Je… je suis désolé.

Elle n’allait pas dire que ça allait, parce que ce n’était pas le cas.

— Je ne suis pas blessée, fit-elle d’une voix neutre. Vous n’êtes pas blessé. Sortons de cette pièce.

Elle le prit par le bras et l’orienta vers la porte, juste au moment où Kimble se ruait dans la pièce.

— Occupez-vous de Greg, lui intima-t-elle. Je vais faire du thé pour l’agent Colby.

Le temps qu’ils atteignent le salon, Colby tremblait de tous ses membres. Il ferma les yeux lorsqu’ils passèrent devant le livreur, toujours assis sur le sol, mais débarrassé de ses menottes.

Kimble avait dû le libérer. En se fondant sur ce que je lui ai dit, songea Faith. J’imagine que nous faisons des progrès.

Elle guida Colby jusqu’à un des tabourets de la cuisine. Il enfouit la tête entre ses mains, les épaules secouées de sanglots silencieux. Faith posa la bouilloire sur la cuisinière et lui prépara du thé.

Kimble passa dans la cuisine avec Greg, pour rejoindre le garage. Le garçon ne croisa pas le regard de Faith, manifestement embarrassé, maintenant que tout était terminé.

Au contraire, Kimble s’arrêta, chercha les yeux de Faith et la fixa un long moment.

— Merci, murmura-t-il avec émotion. Je vous ai pris quelques affaires. Il faut y aller. Tout de suite.

Il portait la sacoche de son ordinateur sur l’épaule et avait pris le nécessaire de voyage qu’elle avait laissé dans la chambre de Deacon. En d’autres circonstances, la vision de cet homme costaud, à l’œil maussade, un nécessaire de voyage Hello Kitty à la main, aurait pu la faire sourire.

— Le chef de Colby est dehors. Il prendra le relais, assura Kimble. Je viens juste de recevoir un appel de Meredith Fallon qui se demande ce que nous foutons. Je lui ai expliqué la situation, mais il faut vraiment partir tout de suite. Arianna s’est déjà assoupie une fois. Elle a refusé les analgésiques pour pouvoir rester éveillée jusqu’à votre arrivée.

Exténuée, Faith le suivit jusqu’à la voiture et s’allongea sur le plancher, près de Greg, qui évitait toujours son regard.

— Il se pourrait que je m’endorme pendant le trajet jusqu’à l’hôpital, dit-elle, alors que Kimble sortait du garage. Alors, ne vous inquiétez pas si je ne me relève pas quand le danger sera passé.

— A mon avis, vous avez largement mérité une petite sieste, docteur Corcoran, déclara-il avec gentillesse.

L’épuisement la gagnait, mais elle résista encore un peu.

— Vous avez récupéré le manteau de Deacon ?

— Oui, c’est fait.

Soulagement.

— Comment vous y êtes-vous pris ?

Il gloussa.

— J’ai signé le bon de livraison quand j’ai détaché le livreur. Le colis est dans le coffre.

— Mais vous risquez d’avoir des ennuis, non ?

— Sans doute. J’ouvrirai le paquet dans le labo de Tanaka, juste au cas où ce serait un faux colis. Mais je dois bien ça à Deacon. Si j’ai des ennuis, ce sera simplement une manière d’honorer ma dette.

Sur tes traces
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