Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre, 23 h 35

Deacon poussa le même soupir de soulagement que Bishop et Adam. Scarlett et lui étaient arrivés juste au moment où Arianna refusait de parler à Kimble. Deacon avait espéré que Faith parviendrait à la faire changer d’avis.

Tout comme lui, Bishop et Kimble avaient sans doute mentalement exhorté Faith à insister mais, à leur grande surprise, elle avait au contraire battu en retraite. En réalité, elle avait mieux compris la jeune fille qu’ils ne l’avaient espéré car, pour finir, Arianna venait d’accepter de les aider de son propre chef.

Le battant entrebâillé s’ouvrit et ils sautèrent tous les trois en arrière d’un air coupable, comme pris en flagrant délit d’espionnage. Meredith Fallon sortit de la chambre d’Arianna, puis elle referma la porte d’un geste appuyé, fixant Adam avec sévérité.

— Laissez-moi deviner, c’est un coup de vent qui l’a ouverte.

— Cette explication me convient parfaitement, grommela Adam, le rouge aux joues.

— Bon, quelqu’un va se décider à entrer là-dedans ? demanda-t-elle. Arianna pourrait changer d’avis d’un instant à l’autre.

Adam déclina d’un signe de tête négatif.

— Elle sera plus à l’aise avec Bishop. Je crois que ce sera aussi le cas de Faith.

Bishop lui adressa un regard d’assentiment, puis suivit le Dr Fallon dans la chambre.

Un silence tendu s’étira entre Deacon et Adam, de plus en plus pesant.

Deacon s’éclaircit la gorge.

— Où est Greg ?

— Je ne pouvais pas le laisser chez toi, alors je l’ai amené avec moi. Je l’ai envoyé à la cafétéria de l’hôpital avec le flic qui gardait la chambre d’Arianna, juste au cas où le voyou de son école découvrirait où il se trouve et essaye de créer encore plus de problèmes. C’est quoi cette putain d’histoire ? Greg n’a rien voulu me dire. Dani a été menacée, si j’ai bien compris ?

Deacon lui donna la version abrégée de l’affaire, dont chaque répétition renforçait son sentiment d’impuissance.

Adam secoua la tête, marquant son incompréhension.

— Pourquoi il n’est pas venu m’en parler ? J’aurais pu l’aider.

Deacon haussa les épaules.

— Faut dire qu’on t’a pas trop vu le mois dernier.

Il n’avait pas voulu que cela sonne comme une accusation. Vraiment ? Honnêtement, il était trop fatigué pour en être certain.

Le regard d’Adam brilla de colère.

— Eh bien, au moins, tu sais ce que nous avons vécu, ces quinze dernières années.

Deacon accusa le coup.

— C’est un coup bas et tu le sais très bien. J’ai déjà essayé d’obtenir la garde de Greg, et Jim s’y est toujours opposé. Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Le kidnapper ?

Il secoua la tête, peu désireux de poursuivre dans cette voie.

— Laisse tomber, reprit-il plus calmement. Pour l’instant, je suis ici et je m’efforce de faire ce qu’il faut.

— Tu as raison. Tu as essayé. Je suis désolé. Le problème, c’est de savoir ce qu’il faut à Greg exactement.

— Sincèrement, je n’en sais rien. Il a agi pour de bonnes raisons, mais il a transgressé les règles en connaissance de cause.

— Et maintenant c’est à la famille de l’agent Pope d’en subir les conséquences.

— Ça, je n’en suis pas si sûr.

Deacon lui rapporta sa conversation avec Bishop et lui livra le fruit de leurs réflexions.

Adam écouta avec une expression ouvertement cynique.

— Si je comprends bien, tu penses que Pope a été poignardé par le tueur que nous recherchons et avec le couteau que ce lycéen a exhibé devant la moitié des élèves de l’école de Greg ? Le tueur qui, jusqu’à présent, a tiré sur toutes les autres victimes ?

Deacon était sur la défensive, mais parvint à garder son calme.

— C’est tout à fait ce que je suggère. Si Combs est impliqué, il a utilisé un couteau sur Faith. Et ce tueur a tranché les tendons de la cuisse d’au moins une des victimes. Sans compter Arianna, qui est la preuve vivante qu’il taillade ses victimes. Tu n’envisages même pas que ce soit une possibilité ?

— Personnellement, je trouve ça un peu trop commode. Et je trouve que ça dessert Greg. Il a besoin d’assumer les conséquences de ses actes, pas que tu essayes de le tirer d’affaire.

L’accusation prit Deacon de court.

— Que tu acceptes ou non l’éventualité que ce tueur ait poignardé Pope, je te prierais de ne pas mettre mon intégrité en doute.

Il prit une profonde inspiration, qui emplit sa bouche d’un goût de désinfectant, lui rappelant qu’il était dans une unité de soins intensifs, devant la chambre d’une victime. Occupe-toi du boulot. On verra plus tard pour les problèmes personnels merdiques. D’un geste brusque, il sortit son téléphone et consulta la liste des missions relatives à l’enquête.

— Tu as déterminé à quel moment le mouchard a été posé sur la jeep de Faith ?

— Je m’en occupais justement quand j’ai été prévenu pour Pope, répondit Adam, revenu lui aussi en mode professionnel. Je vais m’y remettre tout de suite.

— Merci. On se retrouve dans le bureau d’Isenberg pour faire le point.

— Oui, chef.

Adam tourna les talons et s’éloigna sans ajouter un mot.

Deacon fit signe à une infirmière.

— Pourrais-je utiliser une de vos lignes fixes, s’il vous plaît ?

Elle montra une chambre vide.

— Celle-ci est inoccupée pour l’instant, mais ça peut changer en un clin d’œil.

Deacon s’enferma dans la petite pièce pour appeler Isenberg et lui parler de sa théorie à propos du meurtre de Pope. Il souhaitait la mettre rapidement dans la confidence et espérait bien qu’elle n’aurait pas la même réaction qu’Adam. Même si c’était le cas, ce serait loin d’être aussi douloureux.