Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre,
23 h 15
J’ai tout fichu en l’air, songea-t-il avec dégoût. Posté devant la fenêtre du palier d’une maison située trois rues plus loin, il regardait une berline quitter le garage de Novak, convaincu que Faith était à l’intérieur du véhicule. Ils la déplacent. Ils l’emmènent dans une nouvelle planque.
Sur le moment, étriper l’agent du FBI avait semblé une bonne idée, mais voilà ce qui arrive lorsqu’on cède à son impulsivité. S’il avait agi avec moins de hâte, il aurait pu attirer Faith dehors en tuant le gamin qui avait ouvert la porte au livreur.
Mais, après avoir attendu de trop longues heures que Faith quitte la maison, il s’était laissé dominer par l’impatience. Quand il avait vu un petit voyou de lycéen approcher de la maison avec un super couteau de chasse, il s’était dit qu’il pouvait utiliser l’incident à son bénéfice.
Bien sûr, il n’avait pas prévu que le jeune voyou s’invite ainsi dans la partie avec un immense couteau de chasse. Mais, n’ayant aucun moyen de contrôler ce nouveau joueur, il avait tout simplement effacé le gamin du tableau. La manœuvre la plus risquée avait consisté à l’attirer à l’endroit voulu, avant que le flic ne repère ce petit crétin pendant sa ronde.
Si éliminer le petit voyou lui avait procuré un très grand plaisir, arriver à surprendre le type du FBI s’était avéré un rien plus compliqué. Il avait fallu surveiller les patrouilles des deux agents et repérer leurs habitudes.
Il avait éprouvé une grande satisfaction au moment de tuer l’homme. Et, en bonus, il avait récupéré une nouvelle arme. Il pourrait enfin balancer le vieux neuf millimètres dans le fleuve.
C’était le seul avantage qu’il avait tiré de toute cette opération, parce que la ruse n’avait pas fonctionné. Il était certain que Faith allait se précipiter dehors pour prêter secours à un agent du FBI blessé, mais cette salope avait suivi les instructions et était restée à l’intérieur. Maintenant, l’endroit grouillait d’agents du Bureau et du CPD, sans compter qu’ils emmenaient Faith ailleurs.
La maison où il se trouvait avait perdu tout intérêt comme poste d’observation. Le vieil homme qui y vivait était donc mort pour rien. Cela dit, on ne trouverait pas son corps de sitôt. Ni le cadavre du gosse, d’ailleurs. Les deux étaient entreposés dans le grand congélateur de la cave, où le vieil homme avait l’habitude de conserver la viande des cerfs qu’il chassait.
Heureusement pour lui, la saison de la chasse au cerf n’était pas encore ouverte et le type avait consommé presque tout le produit de ses chasses de l’année précédente. Il y avait donc toute la place nécessaire pour loger le propriétaire et un gamin assez stupide pour se pointer chez Novak avec une lame.
Malheureusement, son propre plan avait aussi lamentablement échoué que celui du jeune voyou, puisque Faith lui avait encore échappé. En prenant le bon côté des choses, les flics allaient tourner en rond pendant un bon moment en essayant de comprendre qui avait tué l’un des leurs.
Donnez-moi juste l’occasion d’attirer Faith hors du prochain endroit où ils l’emmèneront.
Il devait mettre au point une approche différente. Elle ne risquerait pas sa propre peau pour n’importe quel étranger mais, avec le bon appât, il pouvait toujours la forcer à venir à lui. Le gamin serait parfait dans ce rôle. Ou la sœur de Novak.
Ou Corinne Longstreet. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ? Il avait gardé Corinne en vie pour son propre plaisir, mais elle pourrait s’avérer plus utile en étant la carotte à laquelle Faith ne pourrait pas résister. Pour sauver cette vie, elle serait prête à se livrer.
Alors direction la cabane pour aller chercher Corinne. L’aller-retour lui prendrait environ quatre heures. Il fit un pas en arrière, s’éloignant de la fenêtre, et chancela. Merde. Depuis combien de temps n’avait-il pas dormi plus d’une heure d’affilée ?
Cela faisait des jours qu’il résistait, mais il devait se rendre à l’évidence. Son corps n’allait pas tarder à lâcher. Avec une bonne tasse de café, il roulerait sans problème sur l’autoroute, mais les routes tortueuses qui menaient à la cabane étaient dangereuses dans l’obscurité.
Pas question de se faire prendre par les flics parce qu’il avait enroulé sa voiture autour d’un arbre. Bien que l’ironie d’une telle situation eût été tout à fait savoureuse.