Mount Carmel, Ohio
Mardi 4 novembre, 12 h 35

Scarlett Bishop frappa à la porte qui portait la pancarte Maguire and Sons, mais n’obtint pas de réponse. L’extérieur du bureau était identique à celui de ses voisins du complexe d’affaires. Elle resta près de la porte et composa le numéro de la société d’entretien, mais elle n’entendit aucune sonnerie à l’intérieur.

Le fait n’avait rien d’incriminant. Les gens étaient nombreux à utiliser exclusivement leurs portables. Mais la couche de poussière qui recouvrait la poignée de la porte déclencha son signal d’alarme interne. Personne n’était entré dans ce local depuis un bon moment.

Ensuite, elle appela Crandall.

— Salut, c’est Bishop. Tu peux faire quelques recherches sur une société dans le registre du commerce ? Maguire and Sons. J’ai besoin de savoir si la boîte est réglo.

— Donne-moi une seconde, dit Crandall.

Pendant un instant, il céda la parole à son clavier.

— Ils sont enregistrés comme entrepreneurs, reprit-il. L’affaire a été créée… en 2002. Le président de la boîte est inscrit sous le nom de John Maguire de Batavia.

Batavia était une ville voisine.

— Alors, ça existe vraiment ? Parce que, pour l’instant, je suis devant leur bureau de Maple Street et on dirait que personne n’a touché la poignée de porte depuis des semaines. Ils ont une autre adresse ?

— Non, il n’y a que Maple Street. Tu crois que c’est une boîte bidon ?

— Je trouve ça un peu trop commode que les seules personnes censées avoir eu accès au sous-sol ces dix dernières années soient justement absentes. Je vais ratisser le coin, histoire de voir si un voisin pourrait nous renseigner. Rappelle-moi pour me dire ce que tu as trouvé.

Scarlett essaya le bureau le plus proche, un cabinet de comptabilité. La porte s’ouvrit, révélant une femme d’une cinquantaine d’années, installée derrière le comptoir de la réception. D’après son badge, elle se nommait Carole Winston.

— Bonjour, madame. Puis-je vous être utile ?

— Je l’espère, madame Winston. Je suis le lieutenant Bishop, de la police de Cincinnati. Connaissez-vous les gens d’à côté ?

— On ne peut pas vraiment dire ça, lieutenant, répondit Mme Winston, sourcils froncés. Ils restaient de leur côté.

— Quand les avez-vous vus pour la dernière fois ?

— Ça remonte à pas mal de temps. Plusieurs mois, au moins.

— Auriez-vous une idée un peu plus précise ?

— Ce sont des criminels, n’est-ce pas ? C’est bien ce que je craignais. Je trouvais ça bizarre qu’ils payent le loyer sans jamais occuper le local. Attendez un peu…

Mme Winston mit ses lunettes, consulta son agenda, puis continua :

— J’ai vu la réceptionniste, le jour de ma dernière visite chez le médecin. Ça doit remonter à août dernier. Je m’en souviens très bien. En fait, j’étais tellement pressée que je n’ai pas pris le temps de discuter avec elle, alors que d’habitude je l’aurais fait, ne serait-ce que par curiosité. Quand je suis revenue de mon rendez-vous, après le déjeuner, j’ai entendu un homme. Il avait une voix grave. Une voix grondante.

— Vous vous rappelez ce qu’il disait ?

— Non, je ne distinguais pas ses paroles, juste sa grosse voix. Sinon, c’était un grand type costaud. Ça, je m’en souviens bien.

Scarlett dut faire un effort pour conserver une expression neutre.

— Vous l’avez vu ?

— Oui, mais très vite. Après le départ du type, je suis allée me présenter à la réceptionniste, mais tout de suite après elle aussi est partie.

— Elle ? La réceptionniste ?

— Oui. Je voulais lui proposer de déjeuner ensemble de temps en temps. Mais, au moment où je suis sortie, elle était en train de fermer la porte. Je me suis présentée et elle a fait une drôle de tête. On aurait dit un lapin effrayé. Elle a marmonné quelque chose et elle a filé. C’est là que j’ai pensé que c’était peut-être des criminels. Mais j’ai eu peur de passer pour une vieille folle, si je les signalais.

— Vos soupçons étaient peut-être tout à fait fondés, dit Scarlett.

Elle ouvrit Google et lança une recherche sur Herbert Henson Trois. Parmi les résultats, elle sélectionna une copie de la photo suspendue au mur du cabinet de la famille.

— C’est cet homme-là ?

Mme Winston enleva ses lunettes pour regarder l’image de près.

— C’est bien lui, mais il n’était pas aussi bien habillé. Il portait un polo et un pantalon de treillis.

Elle se tut un moment, achevant de rassembler ses souvenirs.

— Il avait des gants. Des gants blancs qui dépassaient de sa poche arrière. Et aussi des chaussures de golf.

— Des chaussures de golf ?

— Oui. Blanc et noir. Avec des crampons. Mon défunt mari avait le même modèle, ajouta-t-elle, avec une moue triste.

Voyez-vous ça ! En fin de compte, Henson Trois ne retrouvait pas Maguire à la maison. Il se contentait probablement de déposer la clé et d’aller faire quelques trous, plutôt que de passer son après-midi dans une vieille maison moisie.

— Tout cela m’est d’un grand secours, madame Winston. Pouvez-vous me parler de la réceptionniste ?

— Disons, entre vingt-cinq et trente ans. Elle portait une casquette de base-ball, mais j’ai vu qu’elle avait des cheveux noirs. Elle était de taille moyenne, peut-être un mètre soixante-dix. Poids moyen. Je suis désolée, lieutenant. Elle était… moyenne.

— Non, non, ne soyez pas désolée. Vous nous avez été extrêmement utile. Vous vous souvenez de ses yeux ?

— Effrayés. Ils étaient peut-être marron ou bleu foncé. Je n’étais pas assez proche pour être certaine de la couleur.

— Pensez-vous pouvoir la décrire à un de nos dessinateurs ?

Winston se mordilla la lèvre.

— Je peux essayer. Vous ne serez pas obligée de lui dire que c’est moi qui ai fait sa description, n’est-ce pas ?

— Elle n’en saura rien, assura Scarlett. Puis-je vous appeler lorsque notre artiste sera disponible ? Si entre-temps vous voyez quelque chose ou si un détail vous revient, contactez-moi.

Elle tendit sa carte à Mme Winston, puis partit interroger les autres locataires du complexe. La comptable avait été la seule à voir quelqu’un circuler dans ces bureaux. Les autres avaient des théories variées quant aux activités de Maguire and Sons, et tous s’accordaient à dire que c’était louche.

En regagnant sa voiture, Scarlett avisa la pancarte du propriétaire de l’immeuble, sur le mur extérieur, qui annonçait les locaux vides disponibles à la location ou accessibles par crédit-bail. Elle composa leur numéro et croisa les doigts pour qu’ils se montrent coopératifs sans exiger de commission rogatoire. Parfois, elle avait de la chance.

— Grice Hill Realty, répondit une voix féminine nasillarde. Que puis-je faire pour vous ?

— Ici, le lieutenant Bishop, de la brigade des homicides de Cincinnati, dit Scarlett. J’espère que vous pourrez m’aider pour une de nos enquêtes. Pouvez-vous me donner des informations sur les locataires d’une de vos propriétés au 2826 Maple Street, unité 2-B ? C’est à Mount Carmel, Ohio.

— Si vous me donnez votre numéro de plaque, je serai ravie de vous rappeler pour vous communiquer cette information après avoir vérifié vos références.

Scarlett réprima un soupir. Mais la femme était dans son droit, elle énuméra donc le numéro de sa plaque, suivi de celui de son mobile.

— Merci beaucoup. C’est vraiment urgent. J’apprécierai toute la diligence dont vous pourrez faire preuve.

A la fin de la communication, Scarlett s’installa dans sa voiture, boucla sa ceinture et se détendit. Crevée. Elle détestait le week-end d’Halloween. C’était justement le moment qu’un satané tueur en série avait choisi pour commettre un crime. Juste quand on est trop fatigués pour sortir du lit.

C’était peut-être intentionnel, songea-t-elle avec lassitude. Peut-être avait-il précisément choisi ce week-end parce qu’il savait que les forces de police seraient accaparées par tous ces jeunes fêtards.

Elle commençait à consigner l’info dans son carnet, lorsque son mobile sonna.

— Bishop.

— Ici Carrie Washington.

Ça y est, les affaires sérieuses commencent. Washington était médecin légiste et elle était sacrément bonne.

— Vous avez quelque chose pour moi, Carrie ? Dites oui, je vous en prie.

— Et comment ! Votre partenaire et vous devriez venir ici aussitôt que possible.

— Je préviens l’agent Novak, tout de suite. Nous serons là au plus tôt.

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