Cincinnati, Ohio
Mercredi 5 novembre,
17 h 45
Non seulement Deacon commençait à comprendre le sentiment de culpabilité qui hantait Faith, mais il développait également une nouvelle aversion pour les sous-sols. Il se surprit même à compter les marches en descendant dans la cave de l’ingénieur. Treize, quatorze, quinze.
Il relâcha sa respiration en atteignant le bas de l’escalier. Deux grands congélateurs bahuts s’alignaient le long du mur.
— Pourquoi quelqu’un aurait-il besoin de deux grands congélateurs ? marmonna Zimmerman derrière lui.
— Il était chasseur. Il m’avait dit que c’était bientôt l’ouverture et m’avait promis un peu de son ragoût de cerf.
Deacon se força à soulever le premier couvercle.
Plusieurs grands sacs-poubelle s’empilaient à l’intérieur. La plupart semblaient bien remplis, celui du dessus était plus petit. De la taille d’une boule de bowling. Oh ! bordel.
Les mains de Deacon étaient fermes lorsqu’il ouvrit le sac, mais son cœur saignait, sachant ce qu’il allait y trouver. Combien d’autres devaient mourir avant qu’ils ne parviennent à attraper cet enfoiré ?
Le sac n’était pas fermé. Il écarta l’ouverture et jeta un regard à l’intérieur, puis s’empressa de détourner les yeux, sans se soucier de réprimer son tressaillement.
— Oui, dit-il d’une voix rauque. C’est bien lui. Juste sa tête.
Enfin, ce qu’il en restait. Le retraité avait été tué à bout portant avec un fusil ou une arme de poing d’un calibre assez gros pour emporter l’arrière du crâne.
Zimmerman souleva le couvercle du second congélateur.
— Oh ! bordel ! On a une deuxième victime.
Il inspecta l’intérieur du sac du dessus et eut un mouvement de recul encore plus marqué que celui de Deacon, puis ouvrit plus largement le sac pour en révéler le contenu.
Il fallut plusieurs secondes à Deacon pour comprendre ce qu’il avait sous les yeux.
— Bordel de merde.
— C’est un assez bon résumé, dit Zimmerman en sortant son téléphone. Gonzalez ? Vous pouvez faire cesser les recherches de Renzo. Nous venons juste de le retrouver. On dirait qu’il a été torturé, peut-être avec son propre couteau. Son nez a disparu. Et aussi ses oreilles. On dirait que c’était pre mortem.
— Comment il a pu échouer dans ce congélo ? demanda Deacon.
— J’ai bien une théorie. Selon les amis de Renzo, il venait chez vous pour donner une bonne leçon à votre frère. Le tueur en série a dû le voir rôder. Hier soir, Pope a ramené Faith du central à 19 h 35.
— Après sa conversation avec son oncle Jordan, murmura Deacon.
— Exactement. Mais Pope n’a pas été tué avant 21 h 25. Le tireur a attendu qu’elle passe devant une fenêtre, qu’elle se montre à l’extérieur ou même qu’elle soit visible dans la voiture. Mais elle était aplatie sur le plancher et il n’a pas pu l’ajuster. Et puis, il voit le gamin rôder autour de chez vous, peut-être avec son couteau à la main. Un de vos voisins a vu le gamin. Il a fait plusieurs allers-retours dans la rue, sans doute en essayant de rassembler son courage. Votre frère est assez costaud et Renzo était seul. Mais je crois que ce tueur voulait que le gosse essaie d’entrer dans la maison et détourne l’attention de Pope. Faith aurait pu venir à la porte pour voir ce qui se passait.
Deacon n’était pas du même avis.
— Ou alors, il avait peur que le gamin déclenche une alerte rouge et lui complique encore la tâche pour accéder à Faith. Il aurait fallu que la situation soit particulièrement grave pour qu’elle néglige les consignes de sécurité et sorte à découvert. Il a déjà tenté de l’attirer dehors à plusieurs reprises et il sait qu’elle est devenue extrêmement méfiante. Il s’est sans doute dit que tuer Pope pourrait suffire.
— Alors, il quitte la sécurité de sa cachette pour attraper le gamin et l’empêcher de saboter ses plans. Peut-être. Mais j’aurais pensé que le gosse aurait tout balancé sans que le tueur ait besoin de tout ça, dit Zimmerman en désignant la tête mutilée d’un geste du menton.
— Ce n’était peut-être pas de la torture. Il a peut-être fait ça pour s’éclater. Et récupérer quelques souvenirs.
Zimmerman soupira.
— Formidable. On va boucler le dossier, ici. Au moins, votre sœur n’est plus en danger.
— Je ne voulais pas que ça se termine comme ça, protesta Deacon.
— Je sais, mais le résultat est le même. Renzo n’est plus une menace.
— C’est vrai mais, comme vous l’avez dit, ce tueur en a fait une affaire personnelle. Je dois prévenir ma famille et m’assurer qu’ils sont en sécurité. Quand pourrons-nous récupérer notre maison ?
— Demain, sans doute. Je vous appellerai quand vous pourrez rentrer.
— Merci.
Désormais, serait-il capable de vivre ici en paix ? Ou la maison serait-elle un rappel constant des morts qui s’étaient produites dans ce voisinage ?
Il m’a pris ma maison, songea-t-il. A la fois sa maison actuelle et celle de son enfance. Dorénavant, ni l’une ni l’autre ne pourraient lui apparaître comme un foyer. Elles étaient toutes deux souillées.
Moi aussi, je lui ai pris sa maison, comprit Deacon. Ouais. C’était devenu extrêmement personnel.