Cincinnati, Ohio
Jeudi 6 novembre, 11 h 30

Deacon s’arrêta sur le seuil de la salle de conférences et s’accorda un instant pour regarder Faith. Installée à la table, environnée par des piles de documents, elle fixait l’écran de son ordinateur. Elle était sexy ainsi, concentrée sur son travail, songea-t-il. Bien sûr, elle était encore plus sexy lorsqu’ils faisaient l’amour, mais ce n’était pas un sujet qu’il devrait évoquer, debout à la vue de tous, comme en ce moment.

— Vous devriez essayer de ne pas avoir l’air aussi amoureux, dit Isenberg, derrière lui.

Il laissa échapper un petit gloussement.

— J’essaierai, promis. Qu’est-ce qu’elle fait ?

— Elle travaille toujours avec les administratifs sur la liste que nous a envoyée l’avocat. Pendant votre absence, les choses ont pris un tour intéressant.

Quand Isenberg lui rapporta la conversation avec Mme Lowell, Deacon se sentit encore plus fier de Faith.

— Elle a fait un schéma de toute l’affaire, c’est ça ?

Isenberg montra le tableau, couvert de listes et de questions, de cases d’où partaient des flèches renvoyant à d’autres cases.

— Le procureur rédige les commissions rogatoires pour nous permettre d’examiner les comptes de la fondation.

— Avons-nous localisé Herbie Trois et sa comptable de mère ?

— Oh ! oui. Je sais précisément où ils se trouvent. Une heure après avoir parlé à Faith, Mme Lowell a rappelé. Elle a fait des copies des déclarations de revenus et les a montrées à Henson senior. Il a immédiatement convoqué sa belle-fille et son petit-fils en prétextant la remise d’un bonus en récompense de leurs résultats. Il nous les a gardés au chaud et, en ce moment, ils sont tous les deux au central. Passons au sujet essentiel, savons-nous où se trouve Jordan ? J’imagine que non, sinon vous auriez commencé par là.

— On sait où il n’est pas. Il n’est pas dans sa propriété en ville, ni dans sa galerie d’art, ni dans l’appartement de l’étage. Sinon, nous avons Jade en salle d’interrogatoire, mais ça va être difficile de la faire craquer.

— Elle ne veut pas aider Roza ?

Faith avait délaissé l’écran de son ordinateur et le fixait avec surprise. Il se rendit compte qu’elle avait suivi son rapport, sans cesser de travailler pour autant.

— Au contraire, elle pense à Roza et c’est bien là le problème, expliqua-t-il. Elle est terrifiée à l’idée que Jordan découvre qu’elle a parlé. Elle ne cesse de répéter qu’il y a des caméras dans toutes les pièces de cette maison. Il pouvait la surveiller partout et en permanence. Elle n’avait aucune intimité.

Faith pâlit légèrement.

— J’ai vécu là-bas pendant deux ans quand j’étais au lycée. Je séjournais là-bas, quand je rendais visite à Gran. Il me surveillait aussi ?

Deacon serra les dents.

— Peut-être pas pendant les deux ans, parce que c’était bien avant l’enlèvement de Jade et d’Amethyst. En revanche, durant les dix dernières années, lors de tes visites ? Probablement.

Faith pinça les lèvres.

— C’est extrêmement perturbant, mais je préfère ne pas y penser pour l’instant. Qu’avez-vous trouvé dans cette maison ?

— Rien qui nous permette de deviner où il peut se planquer. Aucun indice pour nous dire si Roza est passée par là. En revanche, nous avons découvert Alda Lane dans le lit, bourrée d’héroïne et toujours dans le costume rose de danseuse orientale qu’elle portait mardi. Et ça se sentait.

Isenberg secoua la tête, l’air réprobateur.

— Charmant. Où est-elle pour l’instant ?

— Au central aussi. Elle a avoué que Jordan suppléait à ses besoins et, en échange, elle lui servait d’alibi. La photo qu’elle m’a montrée et qui le représentait ivre mort avait été prise la semaine passée. Si quelqu’un le demandait, elle avait pour instruction de répondre qu’il dormait.

Deacon secoua la tête avec dépit.

— J’aurais dû pousser mon interrogatoire, mardi. Je me suis simplement dit qu’elle était excentrique et un peu ivre.

— Quant à moi, j’aurais dû explorer la piste financière plus tôt, répliqua Isenberg. De toute façon, à ce moment-là, nous n’avions rien contre Jordan. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui, alors il faut le coincer. Pour la petite Roza et toutes les autres victimes qui figurent sur ce tableau. Je dois préparer ma conférence de presse de 14 heures. Faites-moi un point avec ce que vous avez à 13 h 45.

— Comptez sur moi. Attendez, Lynda. Où est passé Adam ? Je ne l’ai pas vu de la matinée.

Sans crier gare, Isenberg passa en mode administratif.

— Il est en congé. Je ne peux pas en dire plus.

Elle tourna les talons, mais Deacon lui emboîta le pas.

— Quoi ? C’est son idée ou celle du département ?

— La sienne. Si vous voulez en savoir plus, adressez-vous directement à lui, dit-elle en quittant la pièce.

— Je n’y manquerai pas.

Sans dissimuler sa frustration, Deacon alla s’asseoir près de Faith.

— Il aurait dû être en congé depuis le début de la semaine, dit-elle à voix basse. Il était comme un baril de poudre, prêt à exploser. Il s’en est rendu compte et s’est arrêté, c’est plutôt rassurant.

— Je sais, mais…

Deacon laissa sa phrase en suspens et secoua la tête, chassant son cousin de ses préoccupations. Adam était adulte et devrait se débrouiller.

— J’ai quelque chose pour toi.

Deacon sortit de sa poche l’iPhone de Faith et le téléphone prépayé qu’elle n’avait acheté que pour le voir endommagé au cours de la fusillade de l’hôtel.

— Le labo a vérifié ton iPhone. Apparemment, il n’a été ni piraté ni équipé d’un traceur. Mais, par précaution, ils l’ont complètement formaté et ils ont remplacé la carte SIM. Tu peux garder ton numéro, mais tout le reste a été effacé. Combs n’a jamais eu accès à ton téléphone.

— Alors, comment a-t-il su où me trouver pendant tous les mois où il m’a harcelée ?

— Tu as dit toi-même que tu n’aimais pas le changement. Tu suivais une routine ?

Elle hocha la tête.

— Ça n’a pas dû être bien compliqué pour lui. En tout cas, merci pour mon téléphone. Je me sens de nouveau comme une vraie personne. Pourquoi m’as-tu rapporté, ça ? demanda-t-elle en montrant l’appareil cassé. Il est fichu.

— Seulement l’écran. Et il reste quelques minutes de communication. Sans compter que les gens aiment bien garder en souvenir des objets qui leur rappellent qu’ils ont frôlé la mort. C’est pour ça que je tiens à mon vieux manteau de cuir. Il a déjà été réparé un tas de fois, à cause des impacts de balle, et je suis encore là.

— Je n’aime pas entendre ça, dit-elle avec un serrement de cœur. Et le téléphone que m’a apporté Jordan ?

— Il y avait installé un logiciel de pistage. Si tu l’avais gardé, il aurait su que tu allais à la maison, hier, par exemple. Il aurait pu te suivre et te tirer dessus quelque part le long du trajet. Ou pire.

— Exactement ce que tu craignais, souffla Faith.

Il acquiesça.

— J’ai passé un mauvais moment quand Vince m’a appris que tu étais là-bas. Mais on va le trouver et, ensuite, tu retrouveras ta liberté de mouvement.

— En attendant, je serai prudente.

Elle glissa le téléphone cassé dans sa poche, puis vérifia l’iPhone.

— J’ai déjà un appel manqué. De Vega. Elle a appelé il y a une heure.

Deacon consulta son propre appareil.

— Elle m’a appelé aussi, il y a cinq minutes. Je devais être dans l’ascenseur et la communication n’est pas passée. Rappelle-la.

Faith composa le numéro de Vega et brancha le haut-parleur.

— Lieutenant, ici Faith. Désolée d’avoir manqué votre appel.

— Moi aussi. J’avais l’intention de passer par FaceTime et de vous montrer sa tête quand il s’est excusé envers vous, mais il est parti maintenant.

— Qui ?

— Oh ! votre ex. Je n’aime pas laisser traîner des détails et je continuais à me demander comment la petite amie de Combs connaissait l’existence de cette photo que vous aviez prise de lui, au moment où il quittait la maison de cette petite fille. J’ai donc fait venir Charlie Frye dans le bureau de mon commandant et nous avons eu une petite conversation, tous les trois. Saviez-vous que Charlie a rendu visite à Combs en prison ?

— Je n’en avais pas la moindre idée. Pourquoi a-t-il fait ça ?

— Pour découvrir si Combs mentait en prétendant avoir une aventure avec vous. Charlie avait vu la photo de Combs sur votre téléphone pendant que vous étiez à l’hôpital. Quand Combs vous a mise en cause au procès, Charlie est allé le voir. Il a montré à Combs cette fameuse photo qu’il avait copiée sur votre téléphone en lui disant que c’était une preuve de culpabilité indiscutable. Mais Combs lui a proposé une explication parfaitement logique pour justifier sa présence sur cette photo. Il a prétendu qu’il allait voir la mère de la fillette, non la petite, et que vous le suiviez par jalousie. Et, puisque Charlie vous trompait, il a trouvé plausible que vous lui rendiez la pareille. Cela dit, à l’entendre, il n’a pas cru Combs avant que cet enfoiré ne mentionne une marque de naissance que vous auriez à un endroit intime. A partir de ce moment-là, Charlie y a cru dur comme fer. Une idée de la manière dont Combs aurait pu apprendre ce genre de détails ?

— Ouais, répondit Deacon d’une voix tendue. J’ai effectivement ma petite idée. L’oncle de Faith a posé des caméras dans la chambre où elle dormait quand elle rendait visite à sa grand-mère.

Et aussi dans la salle de bains. Mais il s’était abstenu de le préciser à Faith pour ne pas aggraver les choses.

— Agent Novak, je ne savais pas que vous étiez là. Vous avez gâché ma chute.

Deacon fronça les sourcils.

— Quoi ?

— Charlie n’a pas regardé le téléphone de Faith tout seul. Devinez qui lui a montré la photo.

— Jordan, suggéra Faith. Il était à mon chevet avant même l’arrivée de mon père et de Lily. Gran lui a affrété un vol, alors que mes parents ont dû venir de Savannah en voiture. Ça lui a laissé tout le temps d’explorer mon téléphone.

— Votre oncle a aussi continué à appeler Charlie pour le tenir au courant, même après votre divorce. C’est par votre ex qu’il a appris que Combs a continué à vous espionner pendant neuf mois.

— Alors, il savait que Combs serait accusé des tentatives d’assassinat qui me visaient.

Vega confirma l’intuition de Faith.

— Exactement, il avait un bouc émissaire, taillé sur mesure. Nous pensons que votre oncle a tué Combs pour éviter qu’il ne soit arrêté. Si Combs avait un alibi pour n’importe laquelle des tentatives d’assassinat, nous aurions pu élargir notre enquête. Si toutefois nous avions mené l’enquête, ajouta-t-elle avec dégoût. J’ai autre chose pour vous, Novak. J’ai essayé de vous joindre. Ma dessinatrice vient de m’envoyer le portrait qu’elle a fait du meurtrier de Combs, d’après la description de la petite amie. Dès que je l’ai eu, je vous l’ai fait suivre à votre adresse mail.

Deacon ouvrit sa messagerie et montra à Faith la photo. Elle déglutit avec effort. C’était Jordan, avec une grosse veste et un crâne chauve.

— C’est bien son oncle Jordan, mais on ne s’est jamais aperçus qu’il était chauve. Sa perruque doit être de première qualité. Je me demande pourquoi il l’avait enlevée.

— Je me suis posé la même question. J’ai vérifié la météo du jour en question et nous avions une tempête de tous les diables, ce soir-là. Des vents d’ouragan. Sa perruque a pu se mouiller. Ou il a préféré l’enlever pour ne pas se la faire arracher par une bourrasque. Donc, si je comprends bien, vous avez l’identité de votre suspect ? Un petit coup de fil, ça aurait été sympa.

— Toutes nos excuses, dit Deacon. A vrai dire, on n’en est certains que depuis deux heures. Il est sans doute ici, à Cincinnati. Notre seul atout, c’est qu’il ignore qu’on est sur sa piste. Il s’est arrangé pour faire retomber la faute sur son frère. Ou alors ils travaillent ensemble. C’est un point qui reste encore à éclaircir. Pour l’instant, on espère qu’il va commettre une erreur.

— Eh bien, espérons-le. Soyez prudents. Et n’hésitez pas à appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Faith coupa la communication.

— Je crois que j’aimerais voir Jeremy, maintenant. J’ai trop de questions et pas assez de réponses.

Sur tes traces
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