Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre,
19 h 5
Juste à temps. Il traîna une dernière branche à travers l’entrée du chemin forestier, puis se redressa avec une grimace. Dorénavant, aucun usager de cette portion d’autoroute ne remarquerait cet accès, à moins de le chercher spécifiquement. L’autre extrémité de la piste débouchait dans les bois, à bonne distance de la maison, dans la direction opposée à la route qui menait à l’autoroute. Il avait déjà dissimulé cette issue-là, mais il savait qu’elle serait forcément découverte. Tôt ou tard.
Tout ça à cause de Faith, cette sale petite enfoirée. Elle a conduit les flics à ma porte. Mais pourquoi je n’ai pas réussi à la tuer ?
A présent il était trop tard, il distinguait des lueurs bleues à travers les arbres — une voiture de patrouille était garée devant la maison. Ma maison. Le nom de cette garce avait beau figurer sur l’acte de propriété, ça n’avait aucune importance. Il avait réparé cette maison. C’était chez lui.
Il n’avait pas pu tout nettoyer — dedans ou dehors. Le sang du préposé de la compagnie d’électricité maculait encore l’herbe. Ainsi que celui du serrurier.
Et il n’avait pas pu emporter tous ses trésors. Pris par le temps, il n’avait pu sauver qu’une petite partie de sa collection. Le reste était à l’abri, là où personne ne songerait à fouiller. Dorénavant, il devait se faire discret.
Il éprouvait une certaine forme de consolation en songeant qu’il ne laissait jamais de traces physiologiques susceptibles de l’incriminer. Pas d’ADN. Pas d’empreintes. Il portait des gants en toutes circonstances et Roza nettoyait tout avec un zèle religieux.
Après avoir regardé des deux côtés pour s’assurer que personne n’arrivait, il regagna le fourgon. En arrivant près du véhicule garé sur le bas-côté, il dut réprimer l’envie de vérifier l’état de sa cargaison. Evidemment qu’ils étaient toujours à l’arrière, trop drogués ou trop morts pour s’enfuir. Un bref instant, il envisagea de balancer tout le monde dans l’Ohio, mais se ravisa. Mauvaise idée. Sans rien pour les lester, ils dériveraient à la surface et seraient fatalement retrouvés.
Tous feux éteints, il prit la direction de l’est sur Kellog Avenue, à un jet de pierre du fleuve. Kellog longeait les berges, parallèlement et en contrebas du talus escarpé au sommet duquel les voitures de patrouille s’étaient regroupées. Il aurait pu suivre la rivière vers l’est, jusqu’en Virginie-Occidentale, mais il avait une autre destination en tête. Il continua donc à rouler sans éclairage, attendant d’avoir pris un virage et d’être hors de vue des patrouilleurs pour allumer ses feux.
Quand sa cargaison serait enterrée sans encombre, il ferait le nécessaire pour que Faith regrette amèrement d’avoir quitté Miami.