Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre, 16 h 45

Les doigts crispés sur le volant, Faith emprunta la bretelle de sortie pour quitter l’autoroute. Peu à peu, le bruit trépidant de la circulation s’estompa, cédant la place à un silence empreint d’inquiétude. Les files de véhicules qui avançaient pare-chocs contre pare-chocs et les kilomètres d’enseignes de McDo avaient soudain disparu, elle se retrouvait au milieu de la végétation. Des arbres à perte de vue.

Après une journée d’activité intense — présentation des locaux, des supérieurs et des collègues, démarches administratives, appels aux divers fournisseurs, chasse au serrurier et, surtout, acquisition à l’heure du déjeuner d’un portable intraçable — ce répit aurait dû lui sembler bienvenu. Mais c’était loin d’être le cas.

Parce que maintenant, loin de l’agitation, elle pouvait finalement entendre ce que son esprit avait chuchoté toute la journée. Douze marches et une cave. Depuis que le cauchemar l’avait réveillée, la nuit dernière, un sentiment de catastrophe imminente planait au-dessus de sa tête. Et, à mesure qu’elle parcourait les kilomètres, cette sensation se faisait si accablante qu’elle devait mobiliser toutes ses forces pour continuer sa route. Chaque parcelle de son être lui hurlait : Fais demi-tour et sauve-toi  !

Un message à la fois absurde et humiliant. Elle ne pouvait pas laisser douze marches et une cave prendre le contrôle de ses actions. C’était hors de question.

Et puis, elle avait rendez-vous avec le serrurier et il serait impoli de lui poser un lapin. L’avocat lui avait affirmé ne pas avoir d’autre clé en sa possession que celle qu’il lui avait remise. Elle s’était donc adressée à un serrurier pour lui demander d’ouvrir la porte et de poser une nouvelle serrure. Elle aurait bientôt une clé. Et, une fois à l’intérieur de cette maison, il ne lui resterait plus qu’à marcher tout droit jusqu’au bas de cet escalier du sous-sol.

Ou alors… Je garderai peut-être ça pour plus tard. Après tout, il y avait déjà largement de quoi faire au rez-de-chaussée pour le rendre habitable. Ou alors, elle attendrait que l’entrepreneur vienne inspecter les fondations, la plomberie, le circuit électrique, et le laisserait descendre le premier. Ah ! Voilà une idée qui me convient beaucoup mieux.

Cette énième reculade prouvait, s’il en était besoin, qu’elle avait élevé la pratique de l’aveuglement et du déni au rang d’art. Elle excellait aussi en stratégies d’évitement, songea-t-elle en allumant son autoradio. Le morceau de country qui émergea des haut-parleurs provenait de son iPod, connecté à la stéréo de la jeep depuis son départ de Miami. Sa playlist lui avait permis de rester éveillée pendant la durée du long trajet et de se concentrer sur d’autres sujets que les raisons de sa fuite — ou ce qui l’attendait au terme de son voyage.

Le début du morceau suivant lui arracha un soupir, elle avait reconnu l’intro d’une chanson de Tim McGraw où il était question de tout ce qu’un homme avait accompli après avoir découvert qu’il était mourant. Les paroles touchaient au vif une corde un peu trop sensible, à son goût. Elle s’apprêtait à passer au morceau suivant, mais se ravisa et s’obligea à écouter.

Si son patron ne s’était pas tenu près d’elle, ce jour-là, les projectiles auraient frappé sa poitrine et sa tête à elle. Et je serais morte. Il aurait suffi que n’importe laquelle des tentatives de Combs ait été couronnée de succès pour qu’elle meure. Et elle n’était pas hors de danger, il pouvait encore réussir à la retrouver.

Cela faisait trop longtemps qu’elle n’avait pas dit à son père qu’elle l’aimait.

A vrai dire, contrairement à ce que promettait son dernier SMS, elle ne l’avait pas appelé la veille, repoussant ce moment jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour téléphoner, et s’était rabattue sur un mail. C’est ce qu’elle finissait par faire chaque soir, depuis plusieurs semaines. Pas parce qu’elle ne voulait pas lui parler, mais parce qu’elle en mourait d’envie.

Elle avait besoin du réconfort que lui apportait la voix familière, mais elle craignait que son père ne détecte la peur dans ses intonations et ne devine qu’elle lui cachait quelque chose. Ce qui était bien évidemment le cas. Elle lui cachait tout un tas de choses. Qu’elle avait quitté son ancien boulot et en avait trouvé un nouveau, qu’elle avait changé de nom, vendu sa Prius et parcouru deux mille quatre cents kilomètres dans sa nouvelle jeep, chargée à ras bord de ses affaires. Et encore, ce n’était pas le plus important.

En chargeant la voiture à Miami, elle lui avait envoyé un mail, annonçant son départ pour Cincinnati. Il avait cru son voyage destiné à préparer la maison pour la vente, pas à l’aménager pour y vivre.

Sur le coup, elle ne l’avait pas détrompé, mais il était temps de lui apprendre la vérité. Enfin, au moins la partie qu’elle pouvait révéler sans, littéralement, le faire mourir de peur.

Instinctivement, elle se redressa, puis utilisa le système de commande vocale de la jeep pour passer l’appel tant redouté. La chanson s’interrompit au milieu du refrain, laissant le téléphone prendre le relais.

Comme toujours, elle mit son oreillette. Grâce à sa scrupuleuse habitude de garder les deux mains sur le volant, elle avait déjà échappé à un terrible accident de la circulation. Par ailleurs, l’oreillette lui permettait de garder son téléphone dans sa poche, ainsi elle savait toujours où il se trouvait.

Pour l’instant, son nouvel appareil était dans sa poche droite et son pistolet dans la gauche. Elle gardait les deux objets sur elle en permanence, au cas où elle aurait besoin de l’un ou l’autre en vitesse. Les quelques secondes nécessaires pour les trouver dans son sac pouvaient faire la différence entre la vie et la mort.

Encore une leçon apprise à la dure. Mais c’était son patron qui en avait payé le prix fort.

— Et à qui nous éviterons de penser, pour le moment, marmonna-t-elle en entendant sonner la ligne de son père.

— Allô ?

La belle-mère de Faith avait répondu avec circonspection. Logique puisque le numéro du correspondant lui était inconnu.

— Ça vous dirait d’acheter une encyclopédie, ma petite dame ?

Faith espérait que cette modeste plaisanterie briserait une éventuelle froideur due à cette longue période de silence.

— Faith ? dit Lily, avec un long soupir tremblé, proche du sanglot. Oh ! mon Dieu, mon Dieu. Comme je suis contente de t’entendre. J’essaie de te joindre depuis des heures. Qu’est-ce que c’est que ce numéro ?

La panique saisit Faith à la gorge.

— Qu’est-ce qui est arrivé à papa ?

— Rien. Mais uniquement parce que j’ai pu décrocher avant lui chaque fois que le téléphone a sonné, aujourd’hui.

Sa belle-mère prit une profonde inspiration, mais ce ne fut qu’une pause.

— D’abord, je veux savoir si, toi, tu vas bien.

— Oui. Que s’est-il passé ?

— J’aimerais bien le savoir, répliqua Lily dans un murmure fiévreux. Pourquoi appelles-tu de ce numéro ? Pourquoi n’as-tu pas décroché ton mobile de tout l’après-midi ? Que te veut ce lieutenant de la police ? Ça fait des heures que j’essaie de te joindre.

Faith fut envahie d’une bouffée de culpabilité.

— J’ai acheté un nouveau téléphone à l’heure du déjeuner. J’appelais pour vous donner mon numéro. Qui voulait me voir ?

Un bref silence.

— Qu’est-ce qui n’allait pas avec ton ancien numéro ? demanda Lily, plus calmement.

— Je ne reçois plus les appels, dit-elle, sans préciser que la raison lui incombait. Qui a cherché à me joindre ?

— Un lieutenant de la police de Miami. J’ai appelé ta ligne fixe, mais un message m’a indiqué que le numéro n’était plus en service. Quant à ton ancien mobile, je tombais directement sur ta messagerie. J’ai dû te laisser au moins dix messages. J’ai essayé ton hôtel mais, dans ta chambre, ça sonnait dans le vide. Où es-tu ? Pourquoi la police cherche-t-elle à te joindre ? Que diable se passe-t-il ?

— Je n’en sais rien, répondit Faith, en toute sincérité. Comment s’appelait ce fameux lieutenant ?

— Je l’ai noté… Vega. Lieutenant Catalina Vega.

— D’accord. Je la connais. A-t-elle laissé un message ?

— Oui, il faudrait que tu l’appelles. Que se passe-t-il ?

Bonne question. Dans le meilleur des cas, Vega avait appelé pour s’assurer que Faith allait bien. Dans le pire des cas, c’était pour la prévenir que l’homme qui avait transformé sa vie en enfer avait pris la route vers le nord. De toute façon, que Vega estime que l’information qu’elle avait à lui communiquer était assez urgente pour appeler chez son père n’augurait rien de bon.

— Je suis encore dans l’Ohio. Papa n’a pas reçu la photo que je lui ai envoyée ? Celle de la tombe de ma mère ?

— Si, il l’a eue, et ne t’avise pas d’essayer de détourner la conversation, Faith. Qui est ce lieutenant Vega et pourquoi…

Un silence soudain, puis une promesse chuchotée.

— Ton père arrive, mais nous n’en avons pas encore fini, toutes les deux.

— Lily ? C’est Faith au téléphone ?

Son père approchait. Elle perçut le souffle court, l’élocution hésitante.

— Oui, c’est bien elle, lança Lily d’un ton enjoué. Attends, je branche le haut-parleur.

— Faith ! Comment vas-tu, ma chérie ?

Depuis l’attaque, la voix de son père n’était pas toujours ferme, mais l’amour qu’il éprouvait à son égard s’exprimait avec autant de force qu’auparavant.

Le soulagement déferla comme une lame tiède et elle sentit ses épaules se détendre. Elle n’avait pas mesuré à quel point elle avait besoin d’entendre son père.

— Je vais bien, papa. Et toi ?

— Je me sens mieux, maintenant. J’ai reçu la photo de la tombe. Merci, ma chérie.

Il s’interrompit, le temps de s’éclaircir la gorge.

— As-tu parlé à l’agent immobilier ?

— Non, pas vraiment. J’ai changé d’avis, papa. Je ne suis pas certaine de vendre la maison.

Pendant le long silence qui suivit, Faith imagina Lily et son père échangeant un regard d’incompréhension.

— Et d’où vient cette idée, ma chérie ? demanda son père avec circonspection.

— En fait, je songe à m’y installer.

Voilà. C’était dit. Elle ajouta :

— Si c’est habitable, bien sûr.

Nouvelle pause, encore plus longue.

— Mais… je ne comprends pas, dit enfin son père.

— Moi non plus, renchérit Lily, un rien plus sèchement. Et ton travail, alors ?

— J’ai démissionné…

Protestations effarées, que Faith s’efforça de contenir :

— Attendez, écoutez-moi. Le centre a perdu une grande partie de son financement.

Après la mort de son directeur, tué par balles devant la porte d’entrée. Toutefois, elle poursuivit ses justifications, sans mentionner cet argument :

— De toute façon, je projetais de déménager et, bon… ça m’a paru le moment idéal pour concrétiser cette décision. Alors, j’ai démissionné.

En réalité, elle avait quitté son poste pour éviter qu’une autre personne du centre reçoive une balle qui lui était destinée, mais son père n’avait nul besoin de le savoir.

— Et puis, je n’avais pas de vraies relations à Miami.

— Parce que ton serpent d’ex-mari a dressé tous tes amis contre toi, gronda son père. Si je pouvais, je lui botterais les fesses jusqu’à ce qu’elles lui remontent dans la gorge.

L’image faillit arracher un sourire à Faith. Mais, si son ex-mari avait commis une multitude de péchés, celui-ci ne figurait pas sur la liste.

— Ils n’étaient pas vraiment mes amis, papa, mais ceux de Charlie, ses anciens collègues de la police. Ils se connaissaient bien avant notre mariage. Il n’a pas eu besoin de les dresser contre moi. S’ils avaient été mes amis, ils m’auraient soutenue.

— Eh bien, ça ne m’ôte pas l’envie de lui botter les fesses, bougonna son père. Pour ce qu’il a vraiment fait.

Comme de divorcer de Faith pour épouser sa maîtresse enceinte, par exemple. Tout cela appartenait au passé. Pour l’essentiel, c’était derrière elle. Mais son père était loin d’avoir classé l’affaire.

Lily s’empressa de faire diversion, soucieuse d’endiguer le déferlement d’une de ces diatribes anti-Charlie bien rodées dont Richard Sullivan avait le secret.

— Et ce déménagement dans l’Ohio, alors ? Parle-nous un peu de tes projets.

— J’ai un nouveau boulot, un bon poste au service RH d’une banque locale. Et j’ai l’intention d’arranger la maison, de me faire quelques amis. De vivre comme tout le monde, quoi.

— Tu as besoin d’argent, Faith ? demanda son père. Nous avons quelques économies s’il le faut.

Une petite boule d’émotion se forma dans la gorge de Faith. Tous les deux vivaient sur la retraite de GI de son père et n’avaient aucune marge financière. En revanche, sa proposition n’avait rien de surprenant. Il avait toujours été ce genre d’hommes, ce qui était une des raisons pour lesquelles elle l’aimait tant.

— Non, papa. Tout va bien. Mon nouveau boulot est bien payé. Et je vendrai sans doute la plus grande partie des terres. Je n’ai pas besoin de vingt hectares. Une fois que j’aurai récupéré ces fonds, je serai plutôt à l’aise.

Elle pourrait même leur envoyer un peu d’argent, mais elle n’allait certainement pas l’annoncer à son père. Richard Sullivan avait un cœur immense — et un orgueil de même envergure. Elle enverrait discrètement les chèques à Lily, qui les encaisserait tout aussi discrètement. Son père n’en saurait jamais rien.

— Mais…

La voix de son père faiblit et s’éteignit un instant, puis il se reprit.

— Tu as travaillé si dur pour devenir psychologue. Et, maintenant, tu vas passer tes journées à compter de l’argent ?

— Non, papa. Je ne travaille pas à la caisse. Je suis aux RH. Les ressources humaines.

— Et que fais-tu là-bas ? voulut savoir Lily.

— J’évalue les employés, surtout ceux qui sont sur les listes de promotion et vont devenir cadres. La banque veut identifier ceux qui auraient des tendances sociopathes.

Repérer les sociopathes était une des spécialités de Faith. Qu’elle gagne sa vie en cherchant à les détecter tout en essayant de leur échapper — du moins à l’un d’entre eux en particulier — avait quelque chose de vaguement ironique.

— C’est une nouvelle approche pour prévenir les malversations.

— Mais, chérie…

Il semblait déçu.

— D’aussi loin que je me souvienne, tu as toujours voulu aider les autres. Faire changer les choses.

Si Faith était préparée à l’entendre exprimer son inquiétude, la désapprobation de son père la prit au dépourvu et la piqua au vif. Elle avait aidé les autres. Pendant des années, elle avait fait changer les choses et elle avait manqué d’y laisser la vie. Gordon y avait laissé la sienne. Ce que son père n’avait nul besoin de savoir, d’ailleurs. Faith ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt, désarmée.

Lily fit entendre un doux murmure :

— Richard. Elle a déjà aidé tant de victimes.

— Mais…

— Richard, répéta Lily, d’un ton plus ferme.

— Mais tout de même, Lily. Une banque ? chuchota-t-il, comme s’il avait oublié que Faith pouvait les entendre. Depuis quand s’intéresse-t-elle à l’argent ?

Ah ! C’était donc l’argent qui lui posait le plus gros problème. Son père avait étudié autrefois au séminaire et s’était préparé à observer le vœu de pauvreté en embrassant la prêtrise. L’argent était l’un des rares sujets de dispute entre ses parents. Les O’Bannion avaient de la fortune et Margaret O’Bannion désirait profiter de son patrimoine tandis que le père de Faith aurait préféré traverser un lit de charbons ardents plutôt que d’accepter le moindre sou de leur part.

Ce n’était donc pas tant son installation dans l’Ohio qui bouleversait son père, mais le fait qu’elle travaillait dorénavant dans une banque. Elle se demanda comment il réagirait s’il apprenait la vérité — que, grâce aux gardes armés qui assuraient la protection de l’établissement, elle se sentait plus en sécurité que pendant les dix années où elle avait travaillé avec des victimes d’agression sexuelle.

— Ce boulot à la banque n’a rien de définitif, papa, dit-elle d’un ton rassurant. C’est juste le temps de décider de ce que je veux faire de ma vie. Je suis plus ou moins à la croisée des chemins. J’ai besoin d’évoluer. Mais, pendant que je règle tout ça, je dois bien payer mes factures.

— Bien sûr, admit-il.

Certes, sa réprobation n’avait pas disparu, mais au moins il l’avait fait passer à l’arrière-plan.

— Ma chérie, je comprends que tu sois à un carrefour de ta vie, mais dans ce cas tu devrais t’installer chez nous. Tu pourrais vivre ici, avec Lily et moi. Nous avons un nouveau voisin qui serait vraiment parfait pour toi, continua-t-il avec une intonation enjôleuse. Il est très séduisant et je lui ai déjà tout dit sur ton compte.

— Papa.

Ce grognement étranglé fut l’unique réponse de Faith.

— Richard ! s’exclama Lily. Laisse-la tranquille. Elle doit trouver sa propre voie.

— Si tu veux mon avis, sa propre voie est bien trop loin d’ici, grommela-t-il. Et si elle rencontre un type ? Comment je vais m’y prendre pour le passer sur le gril, maintenant ? Par Skype ? Tu parles, sur Skype, j’ai l’air deux fois moins intimidant.

Faith sourit, pour la première fois en plus d’un mois.

— Je ne compte pas rencontrer qui que ce soit. Mais, si ça arrive et que ça devient sérieux, je te promets de te l’amener. Comme ça tu pourras lui faire subir la totale.

— C’est juré ?

Faith sentit son sourire s’estomper, ses yeux la picotaient et soudain, elle fut ravie qu’ils ne soient pas sur Skype.

— Juré.

Elle espérait avoir réussi à faire passer une note de légèreté dans sa voix.

Le long silence qui suivit lui fit comprendre que ça n’avait pas été très efficace.

— Tu m’appelleras si tu as besoin d’aide, hein, ma chérie ?

— Je viens juste de le faire, dit-elle à voix basse. Je t’aime, papa.

— Je t’aime aussi, mon bébé, chuchota-t-il, avant de s’éclaircir la gorge. Rappelle-moi, s’il te plaît. Ne tarde pas trop. Je préfère de loin le son de ta voix à tous ces textos et ces mails.

La gorge serrée, Faith déglutit avec peine.

— Je te le promets, papa. Ecoute, je dois raccrocher. J’aborde la portion de la route avec les virages. Il faut que je me concentre sur la conduite.

— Je n’aime pas te savoir seule dans cette maison, dit-il dans un ultime effort pour prolonger la discussion. C’est au milieu de nulle part, n’importe qui peut entrer et s’en prendre à toi.

Lily intervint avec calme :

— Tu te sentirais peut-être mieux si Faith faisait installer un système d’alarme.

— Ça coûte trop cher, répliqua son père. Faith n’a pas d’argent à mettre dans une alarme.

— En fait, il y en a déjà une. L’avocat de Gran l’a fait poser, il y a quelques années, parce qu’il avait eu quelques squatteurs.

Faith ne mentionna pas son pistolet. Son père n’aimait pas les armes.

— Je serais plus rassuré si tu avais un chien. Un gros chien. Avec de grandes dents.

— J’y penserai.

Faith fut étonnée de constater à quel point la perspective lui paraissait séduisante. Un chien… ainsi, elle aurait le sentiment d’être un peu moins solitaire en rentrant dans une maison vide.

— Je dois vraiment y aller, maintenant. Je vous aime tous les deux.

Elle tapota l’oreillette pour couper la communication avant que son père ne lui soumette de nouveaux sujets d’inquiétude ou que Lily ne reprenne l’interrogatoire interrompu plus tôt.

La voix de Tim McGraw reprit son empire sur les haut-parleurs, mais elle baissa un peu le son, de façon à pouvoir quand même réfléchir.

L’appel au lieutenant Vega attendrait qu’elle arrive à la maison. Le numéro de la police de Miami n’était pas enregistré dans son nouvel appareil et elle devait encore le chercher sur Google.

Un regard à l’horloge de son tableau de bord la fit grimacer. La circulation dense l’avait retardée de plusieurs minutes. Le serrurier l’attendait déjà probablement là-bas, mais elle ne pouvait pas accélérer avec tous ces virages. Elle espérait que l’homme ne partirait pas sans l’avoir…

L’animal sortit de nulle part et se jeta devant la voiture. Un gros animal. Faith écrasa la pédale de frein en donnant un coup de volant à gauche pour l’éviter — juste avant un nouveau tournant.

Puis elle interpréta ce qu’elle avait entrevu. De longs cheveux, noirs. Un bras tendu. Des doigts. De la chair, couverte de sang. Oh ! mon Dieu. Ce n’est pas un animal.

C’était une jeune fille. Nue. Au milieu de la route.

Sur tes traces
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