Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre,
8 h 10
Enfin ! songea-t-il en voyant la porte du garage de Novak s’ouvrir. Il était temps que cet enfoiré aux cheveux blancs rentre à la maison. De son côté, il avait eu de la chance. Un arrêt de bus occupait le coin de la rue et plusieurs mères de famille avaient aligné leurs propres monospaces le long du trottoir, en attendant le car qui emmenait leurs enfants. Il se fondait parfaitement dans la masse. Seulement, le transport scolaire était arrivé quelques minutes plus tôt et toutes les mères étaient parties. Il ne pourrait pas s’attarder. Pas question de prendre le risque qu’un des voisins de Novak remarque le monospace gris qui s’attardait et prévienne la police.
Il quitta le siège du conducteur et passa par-dessus la console centrale, pour gagner la banquette du milieu, où il avait déposé le sac de golf qui contenait son fusil. Il maudit ces modèles actuels dépourvus de vitres traditionnelles. Seule une portion de la fenêtre pivotait selon un angle qui ne permettait qu’une ouverture de quelques centimètres, tout au plus.
Mais cela lui suffirait. La place qu’il avait choisie lui permettait d’ajuster précisément sa mire sur l’allée de Novak, juste au cas où l’enfoiré reviendrait en compagnie de Faith.
Même s’il semblait plus probable qu’ils l’aient emmenée dans une planque, mieux valait ne pas être pris au dépourvu.
Si Faith était avec Novak, il pourrait le descendre lorsqu’il s’arrêterait dans l’allée. Et, si elle s’avisait de l’aider, il pourrait l’avoir aussi. En revanche, si elle était assez prudente pour rester à couvert, il disposerait de tout le temps nécessaire pour se garer derrière leur véhicule, descendre de son monospace et lui tirer dessus à bout portant, avant l’arrivée des secours. Et ce, même si elle avait la présence d’esprit d’appeler à l’aide.
D’un autre côté, si elle n’était pas avec Novak, tôt ou tard, cet enfoiré finirait bien par la rejoindre.
Je peux me montrer patient. Il le faut. Il s’immobilisa, le doigt sur la détente de son fusil. Ah, le voilà. Au volant d’une berline. Parce que j’ai mitraillé son SUV, songea-t-il avec une pointe de regret. Dans ces conditions de tir, la voiture offrait une cible moins facile. Plissant les yeux, il essaya de distinguer l’intérieur de l’habitacle côté conducteur, à travers le pare-brise, mais le soleil se reflétait sur le verre. Merde.
Etait-elle avec lui ? En l’absence de Faith, il ne voulait pas tuer Novak. Personne d’autre ne le conduirait aussi assurément jusqu’à elle. Au dernier moment, la berline bondit brutalement en avant et s’engagea dans l’allée en faisant crisser ses pneus. Le véhicule s’engouffra dans le garage et la porte commença à redescendre, sans même lui laisser le temps de prendre une inspiration.
— Putain !
Il s’était attendu à voir Novak ralentir en se dirigeant vers le garage. Toute personne rationnelle aurait diminué sa foutue vitesse. Mais cet enfoiré aux cheveux blancs avait failli arracher la porte de son propre garage. Ce type était complètement frappé.
Ce qui ne manquait pas d’ironie, à vrai dire. Il était pratiquement certain que Novak avait la même opinion de lui.
Calme-toi. Respire. Il enleva son index de la détente. Novak n’avait pas fait ce truc de dingue sans raison. Ça devait signifier que Faith était avec lui. En ce moment précis, elle était à l’intérieur de la maison.
Son envie de mitrailler toutes les fenêtres était si intense que son doigt le démangeait. Mais ce ne serait pas raisonnable. Ils pourraient s’abriter et riposter. Sans compter les centaines de flics qui allaient débouler.
Au moins, il l’avait de nouveau localisée. Novak ne s’attarderait sans doute pas. Après tout, le pauvre garçon avait un tueur à capturer. Par ailleurs, Novak avait peut-être prévu d’emmener Faith en repartant. Dans ce cas, je serai prêt.
Et s’il la laissait seule ?
Il sourit. Elle était peut-être armée, mais c’était une piètre tireuse. La nuit où il avait pénétré chez elle en grimpant par la fenêtre de la chambre, elle l’avait à peine égratigné. Ce serait comme de voler des bonbons à un gamin.