Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre, 13 h 20

Deacon arriva directement du lycée et laissa un Greg renfrogné patienter dans la salle d’attente. Puis il rejoignit Bishop qui faisait les cent pas devant la salle d’autopsie.

— Que se passe-t-il ?

— Je ne sais pas encore, répondit Bishop en lui lançant des lunettes et un masque. C’est pas très joli, là-dedans.

Deacon s’équipa, se protégeant les yeux, le nez et la bouche.

— Ça se sent d’ici. De toute façon, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose. Pas avec dix cadavres à divers stades de décomposition. Alors, prête ?

Elle hocha la tête, au bord de la nausée.

— A trois.

Deacon la suivit à l’intérieur, soulagé d’avoir déjà digéré les œufs de son petit déjeuner. Enfin, pour l’essentiel. Il détestait la morgue presque autant qu’il avait détesté la découverte de ces nouvelles tombes anonymes.

Les deux tables d’autopsie étaient occupées. Carrie Washington examinait un corps allongé sur celle qui se trouvait près de la porte. Les boucles, d’un blond sale, semblaient familières à Deacon. Cette victime était la troisième qu’ils avaient exhumée. Elle avait été enterrée sous le revêtement de la salle au lit de camp.

Le médecin légiste leva la tête. Des lunettes aux verres grossissants agrandissaient artificiellement ses yeux noirs, au-dessus du masque blanc qui tranchait sur sa peau marron foncé.

— Nous avons identifié deux des corps que vous nous avez envoyés. Cette victime est Roxanne Dupree, vingt-deux ans, caucasienne, étudiante en dernière année à l’université de Miami. De tous les corps découverts jusqu’à présent, c’est la victime la plus récente. Elle était aussi…

Bishop intervint.

— Attendez. Vous voulez parler de Miami U, c’est ça ? Le Miami de l’Ohio. L’université de Miami est en Floride… Miami U se trouve à Oxford, pas très loin de Dayton, précisa-t-elle en se tournant vers Deacon.

La nuque de Deacon le picota.

— Je connais Miami, Ohio, murmura-t-il, étudiant le visage de la victime. J’y ai fait mon premier cycle.

Elle ne peut pas venir de Floride. Elle ne peut pas venir de la ville de Miami. Ça plaçait ce tueur beaucoup trop près de Faith. Encore.

— Non, lieutenant Bishop, je maintiens ce que j’ai dit, insista Washington. Il y a encore quatre semaines, cette victime était vivante et inscrite à l’université de Miami en Floride.

— Comment l’avez-vous identifiée ? demanda-t-elle. Et comment savez-vous qu’elle était vivante, il y a quatre semaines ?

— J’ai soumis ses empreintes à l’AFIS1 et son nom est apparu presque tout de suite. Elle a fait un peu de vol à l’étalage. Elle a passé une nuit à la prison de Miami, il y a quatre semaines.

— Elle a fait de la prison pour vol à l’étalage ? répéta Bishop, incrédule.

— On peut demander à Vega de nous communiquer ses antécédents, dit Deacon. Il faut savoir si sa route a croisé celle de Faith à un moment donné. Dieu, j’espère que non.

— Vega est un lieutenant de la police de Miami avec qui nous travaillons, expliqua Bishop en voyant les sourcils de Washington se hausser, formulant une question muette. Devrions-nous lui demander de vérifier l’identité des autres corps que Tanaka a trouvés ? Le tueur les a peut-être enlevées ensemble, comme il l’a fait avec Corinne et Arianna.

— Vous pouvez et vous devriez, dit Washington. En revanche, je peux vous dire que Mlle Dupree n’a pas été enlevée avec les autres. Pas en même temps que celle-ci, par exemple.

Elle se déplaça vers la table suivante et se posta devant une autre jeune femme blonde, dont la vie avait été brutalement interrompue.

— Susan Simpson a disparu depuis deux étés.

Deacon et Bishop regardèrent d’abord Washington, puis le corps. La décomposition ne semblait pas assez avancée pour correspondre à cette époque.

— Vous en êtes certaine ? demanda Deacon.

— Elle a peut-être fugué ? suggéra Bishop. Elle est peut-être partie pour de longues vacances et a croisé la route de Dupree à Miami ?

Washington leva soigneusement la main de la femme et montra un tampon dont la couleur orange avait pâli.

— Elle a visité le parc Wild Wave Water. La fin de leur saison coïncide avec le Labor Day2, la mort n’a pas pu avoir lieu plus tard. Par ailleurs, le Wild Wave a abandonné cette encre il y a deux ans.

Deacon fronça les sourcils en observant le corps. Il semblait en trop bon état pour être aussi ancien.

— Comment l’avez-vous identifiée ?

Washington reposa la main de la victime avec une douceur qui lui valut le respect de Deacon.

— Elle était flic. Elle venait juste d’intégrer le département du shérif, dans le comté de Butler.

— Je me souviens de cette affaire, dit Bishop. Sa photo était sur toutes les chaînes de télé, tous les murs de gare… Mais elle n’a pas l’air d’être morte depuis deux ans.

— C’est exactement pour ça que je vous ai fait venir. Ces femmes ont quelque chose en commun.

— Ouais, dit Deacon. Elles sont toutes blondes, âgées d’une vingtaine d’années environ. Et elles sont toutes mortes.

— Elles ont aussi été embaumées et préparées avec savoir-faire pour une inhumation, avec exposition du corps.

Washington retourna près du corps de Dupree et tira le drap.

— Elles ont également toutes subi une autopsie, précisa-t-elle. Les sutures sont très fines, elles ont été effectuées par quelqu’un de compétent.

Deacon se pencha pour mieux examiner le corps. De petits points couraient le long du torse de Dupree et formaient un Y sur sa poitrine.

— Ça a été fait par quelqu’un qui savait s’y prendre.

— Exactement. Tous les organes ont été prélevés, y compris leurs yeux. Les avez-vous trouvés ?

— Non, répondit Bishop. On n’a rien trouvé de tel. En tout cas, pas encore. Soit il s’en est débarrassé, soit il les a dissimulés quelque part.

— Ça m’étonnerait qu’il les ait jetés, répliqua Washington. Si les incisions internes ont la même qualité que celles que nous voyons, ce type est un pro. Et même si elles ne sont que moitié aussi bonnes. S’il a mis tant de soin à extraire les organes de ses victimes, ce n’est sûrement pas pour les détruire.

— Pour commencer, j’aimerais bien comprendre ce qui l’a poussé à effectuer ces prélèvements, dit Bishop.

Washington tira le drap pour recouvrir le visage de Roxanne Dupree.

— Parce qu’il pouvait ? Parce qu’il voulait ? Parce qu’il aimait les regarder ? Faites votre choix.

Deacon recula, maîtrisa le flot de ses pensées.

— L’oncle Jeremy de Faith est chirurgien, dit-il.

— J’y pensais, justement, approuva Bishop en hochant la tête. Il t’a rappelé ?

— Il m’a laissé un message vocal, disant qu’il se rendrait disponible pour une entrevue.

— Se rendrait disponible ? C’est assez froid. A-t-il demandé des nouvelles de Faith ?

— Non. D’abord, je veux voir comment il vit. Après ça, j’irai à la faculté de médecine, parler à ses collègues et à ses étudiants. Pouvez-vous déterminer la cause du décès, docteur Washington ?

— Pas encore. Susan Simpson a une cicatrice sur le mollet. Sans doute une blessure par balle. Cet élément ne figure pas dans le rapport d’examen médical qu’elle a passé avant de prendre son poste au bureau du shérif. Elle a aussi des cicatrices identiques à l’arrière de ses deux cuisses. Des entailles profondes. Toutefois, aucune de ces blessures n’est la cause de la mort.

— Il cherchait à l’immobiliser. Il lui a peut-être d’abord tiré dessus pour la ralentir. Et ensuite il l’a estropiée pour l’empêcher de courir.

Voilà, c’est ainsi qu’agissait le monstre qui poursuivait Faith, songea-t-il sombrement. Il devra d’abord me passer sur le corps.

— Jusqu’à présent, il a enlevé trois étudiantes, dit Deacon. Roxanne, Arianna et Corinne.

— Mais Arianna n’est pas blonde, rappela Bishop. Alors, pourquoi elle ?

— Je crois qu’il s’est d’abord attaqué à Corinne, mais Arianna est revenue sur ses pas pour aider son amie. Il lui a tiré dessus, ensuite il l’a embarquée aussi. L’enlèvement d’Arianna n’était sans doute pas prévu. Un impondérable.

— Ça semble logique, dit Bishop. On sait que Corinne était militaire, son dossier est exemplaire. Quand j’ai fouillé ses affaires, j’ai trouvé des certificats et des médailles. Donc, pour résumer, Corinne et Susan respectent la loi, mais Roxanne a un casier. Toutes les trois ont en commun d’avoir été célibataires, blondes et d’appartenir à la même classe d’âge. Au-delà de ces éléments, on n’a rien. On doit se renseigner sur leurs matières principales, leurs loisirs, leur religion.

— Et savoir où et comment il les a enlevées, compléta Deacon. Il doit y avoir un schéma, quelque chose relie les victimes.

— Je vous informerai au fur et à mesure de mes progrès sur les identifications, annonça Washington. Et dès que j’arriverai à découvrir la cause des décès, bien sûr.

Deacon hocha la tête.

— Merci. Pour info, cet après-midi, j’attends un expert de la détection souterraine pour sonder la propriété des O’Bannion à la recherche d’autres corps.

— Je prie pour que vous n’en trouviez pas d’autres. Par humanité, bien sûr. Mais aussi parce que nous n’avons plus de place, dit Washington en montrant d’un geste une porte derrière elle. Même la chambre froide est pleine.

Deacon s’obligea à marcher jusqu’à la porte de la chambre froide sans écouter les protestations de ses pieds qui redoublaient à chaque pas. Ni son instinct qui s’insurgeait avec encore plus de véhémence. Il ouvrit la porte et franchit le seuil, remarquant à peine le froid ambiant.

Il avait envie de fermer les yeux. De s’enfuir loin de cet endroit. Mais il ancra ses pieds dans le sol et s’obligea à regarder. S’obligea à voir. Laissa libre cours à son émotion. Et permit à son cœur de se briser devant cet absurde gâchis.

Huit autres brancards remplissaient la pièce. Huit autres corps de femmes, toutes blondes, jeunes. Nues. A divers stades de décomposition. Huit autres jeunes femmes à qui on avait dérobé la vie.

Il entendit la porte s’ouvrir et se refermer derrière lui.

— Puis-je vous être utile, agent Novak ? demanda Carrie à voix basse.

— Pourquoi ne sont-elles pas couvertes ?

Il regretta immédiatement ses paroles. Le ton était accusateur, ce qui n’était pas dans ses intentions.

Mais Carrie ne sembla pas en prendre ombrage.

— Nous n’avons pas préparé ces victimes. J’ai demandé de l’aide aux comtés de Butler et de Warren. Les gens de Butler ont été ravis de nous prêter main-forte à cause de l’officier Simpson.

— Nous n’avons pas prévenu sa famille, dit-il d’une voix rauque.

Deacon avança de quelques pas dans la chambre froide pour se tenir au milieu des brancards, quatre de chaque côté. Il observa leurs visages. Les grava dans sa mémoire. Puis il ajouta :

— Les légistes ne peuvent pas faire de notifications aux familles ou de déclarations publiques avant qu’on leur ait donné l’autorisation.

— Les légistes connaissent leur obligation de réserve, dit-elle d’une voix tranquille, toujours sans se formaliser. Ne vous inquiétez pas, Deacon. Nous prendrons grand soin d’elles. Dès qu’elles seront préparées, elles seront recouvertes. Ces victimes retrouveront la dignité qu’on leur a volée.

Carrie Washington venait de gagner définitivement son respect.

— Je vous remercie.

Les yeux de Deacon le piquaient, son nez brûlait, en partie à cause de la puanteur, mais surtout à cause de ces larmes qu’il ne s’autorisait à verser qu’ici et maintenant. Une fois qu’il aurait quitté cette pièce, il devrait consacrer toute son énergie à traduire leur assassin devant la justice.

— Vous n’avez presque plus de place, reprit-il. Et nous n’avons presque plus de temps. Si toutefois il nous en reste.

— Vous pensez que Corinne Longstreet est morte ?

— S’il pense qu’il risque d’être découvert, c’est tout à fait plausible. Mon seul espoir qu’elle soit encore vivante, c’est ça, dit-il en embrassant les corps d’un large mouvement du bras. C’est un personnage qui suit une routine. Il voudra avoir ses petites affaires autour de lui. Ses outils. Il voudra pouvoir la torturer.

— Et préparer le corps après sa mort, ajouta Carrie, d’une voix à peine audible.

— Exactement. Il ne dispose pas de son matériel, pour l’instant. Et, s’il est encore en fuite, Corinne devient un danger en cas de contrôle. Il a pu tout simplement la tuer et larguer son corps quelque part, juste histoire de minimiser les risques.

Une partie de lui espérait qu’il en fût ainsi, c’était sans doute le mieux pour Corinne. Ce raisonnement lui inspira une peur de tous les diables. Qu’il en vienne à considérer qu’une mort rapide et sans douleur pour Corinne était la meilleure des issues prouvait l’ampleur de sa fatigue et de son épuisement émotionnel. Il avait besoin de dormir. De recharger ses batteries.

J’attendrai. Il puisa de la force dans l’idée que Faith dormait en sécurité dans sa chambre. Attendant son retour. C’était exactement ce qu’il fallait pour s’éloigner enfin de ces victimes, dont le douloureux calvaire imprégnait déjà son esprit. Comme toujours.

— Je suis prêt à y aller.

Deacon franchit le seuil de la chambre froide derrière Carrie Washington. S’il n’y prenait garde, l’intensité de son émotion l’empêcherait de réfléchir. Et il avait besoin de toutes ses facultés intellectuelles.

— Je garderai le contact, dit Washington. Ne vous faites pas de souci pour elles, Deacon.

— Merci.

Il tint la porte de la salle d’autopsie ouverte pour laisser passer Bishop. Dès qu’ils furent de retour dans le couloir, ils se débarrassèrent des masques et des lunettes. Il renifla la manche de sa veste et grimaça.

— Merde. Je venais juste de faire nettoyer ce costume. Je dois rentrer à la maison pour prendre une douche et me changer.

— Pareil. Mais il y a des douches au central. C’est beaucoup plus près, insista-t-elle avec un regard qui en disait long. J’ai vu un costume de rechange dans ton casier de vestiaire. Tu n’es pas obligé de rentrer chez toi.

Mais cela lui était nécessaire. Malgré tous ses efforts, il n’était pas parvenu à chasser son chagrin en quittant la morgue. L’accablement pesait sur lui, écrasant ses épaules comme un joug, pressant douloureusement sa poitrine.

J’attendrai. Il avait besoin de voir Faith. De la voir, tout simplement. Et il n’avait nul besoin de se justifier devant Bishop. Malgré tout, il était content de pouvoir mettre en avant une excuse que sa partenaire serait prête à accepter.

— Je suis vraiment obligé de rentrer pour ramener Greg. Tout à l’heure, je n’ai pas pris le temps de le déposer parce que tu m’as dit que c’était urgent.

— Il est dans la salle d’attente ? demanda Bishop avec compassion. Qu’est-ce qu’il s’est passé au lycée ?

Deacon songea à la situation inextricable dans laquelle son frère s’était fourré. Et à la peine que Greg avait essayé d’éviter à Dani.

— Trop long à expliquer. On se retrouve au central dans quatre heures.

Elle lui lança un regard soupçonneux.

— Quatre ? Pourquoi ?

— Parce que, je ne sais pas pour toi mais, moi, j’ai besoin de quelques heures de sommeil.

Elle secoua la tête.

— On ne peut pas s’arrêter pour l’instant. On n’a toujours pas interrogé l’oncle flippant.

— Je sais. Mais je sais aussi qu’en ce moment je n’ai pas l’esprit assez aiguisé pour vraiment écouter ce qu’il aura à dire. Je ne veux pas rater une info cruciale parce que j’ai de la bouillie à la place du cerveau.

— Je suis fatiguée aussi, admit Bishop, à regret. Je vais faire un petit somme de quelques heures au poste.

— Bien. Après ça, on ira interroger oncle Jeremy et ensuite je veux explorer la maison O’Bannion de haut en bas. Il y a probablement un million d’endroits où il pourrait avoir entreposé le fruit de ses prélèvements. Et on doit absolument retrouver ses souvenirs.

— On est sûrs qu’il en a gardé ? demanda Bishop.

— Il conservait leurs corps sous du plexiglas transparent, Scarlett. Il voulait les voir. Revivre l’expérience entre les enlèvements. Il gardait des souvenirs, c’est évident.

— Et, le tueur de Virginie-Occidentale, il avait gardé quelque chose ?

— Des portefeuilles. Des permis de conduire. Des bijoux, des vêtements. Tout et n’importe quoi.

Deacon avait manipulé chacun des objets avec soin, s’était assuré qu’ils soient rendus aux familles.

— On a pu attribuer les objets à presque toutes ses victimes. Ça a permis d’accélérer leur identification.

Elle s’attarda un instant, l’observant avec attention.

— Tu les as toutes identifiées, c’est ça ?

— Avec l’aide d’un tas d’autres gens, ouais.

— Qui a parlé aux familles ?

— Je m’en suis chargé.

Il pivota sur ses talons et se dirigea vers l’entrée principale. Près de lui, Bishop marchait du même pas.

— T’as fait ça tout seul ?

— Non, pas toujours. Parfois, un autre agent travaillait avec moi. Parfois, mon chef m’accompagnait. Je crois qu’il cherchait surtout à évaluer mon état psychologique.

— Tu l’aimais bien, ton chef ?

Un demi-sourire incurva les lèvres de Deacon et la tension qui nouait son corps se relâcha un peu.

— Pas dans un premier temps. Il ne m’aimait pas non plus. Mais je me suis imposé petit à petit.

— J’ai entendu Isenberg dire aux gradés que ton ancien chef ne voulait pas te laisser partir. Que tu étais son bras droit.

Deacon lui jeta un coup d’œil.

— Merci. Même si ce n’est pas vrai.

Bishop haussa les épaules.

— Je ne t’aime pas encore assez pour essayer de te remonter le moral.

Il sourit plus franchement.

— Merci. J’avais bien besoin de ça, aussi.

— Je suis curieuse de savoir pourquoi tu es allé dans la chambre froide.

— J’avais besoin de les voir. J’avais besoin de connaître leurs visages.

Bishop soupira.

— Si tu laisses les morts te prendre la tête, tu te consumeras trop vite.

— Au début, je ne les laissais pas entrer dans mon esprit. Ensuite, j’ai réalisé que je ne voyais pas les morts comme des gens, mais juste comme des victimes. Des victimes qui se ressemblaient toutes. Ça m’a fichu une sacrée trouille, parce que ça me mettait trop près du monstre qui s’était attaqué à elles. Lui aussi les voyait comme de simples victimes. A ses yeux, elles étaient toutes interchangeables.

— Ça n’a rien à voir, protesta-t-elle. Nous ne les considérons pas comme des objets ou des conquêtes. Nous ne jouissons pas de leurs souffrances.

— Non, bien évidemment. Mais, pour me tenir à l’écart de cette souffrance, je devrais prendre de la distance, ne plus considérer les victimes comme des personnes. Alors, si je finis par craquer, je ferai autre chose, mais je refuse de faire mon boulot en ôtant aux victimes leur humanité. Leur assassin la leur a déjà volée. Je ne leur infligerai pas la même chose. Ni à moi-même, par ailleurs.

Sur tes traces
titlepage.xhtml
part0000.html
part0001.html
part0002_split_000.html
part0002_split_001.html
part0002_split_002.html
part0002_split_003.html
part0002_split_004.html
part0002_split_005.html
part0003_split_000.html
part0003_split_001.html
part0003_split_002.html
part0003_split_003.html
part0003_split_004.html
part0003_split_005.html
part0004_split_000.html
part0004_split_001.html
part0004_split_002.html
part0004_split_003.html
part0004_split_004.html
part0005_split_000.html
part0005_split_001.html
part0005_split_002.html
part0006_split_000.html
part0006_split_001.html
part0006_split_002.html
part0007_split_000.html
part0007_split_001.html
part0007_split_002.html
part0007_split_003.html
part0007_split_004.html
part0007_split_005.html
part0008_split_000.html
part0008_split_001.html
part0008_split_002.html
part0009_split_000.html
part0009_split_001.html
part0009_split_002.html
part0009_split_003.html
part0010_split_000.html
part0010_split_001.html
part0010_split_002.html
part0011_split_000.html
part0011_split_001.html
part0011_split_002.html
part0011_split_003.html
part0011_split_004.html
part0012_split_000.html
part0012_split_001.html
part0012_split_002.html
part0012_split_003.html
part0012_split_004.html
part0013_split_000.html
part0013_split_001.html
part0013_split_002.html
part0013_split_003.html
part0013_split_004.html
part0013_split_005.html
part0013_split_006.html
part0014_split_000.html
part0014_split_001.html
part0014_split_002.html
part0014_split_003.html
part0015_split_000.html
part0015_split_001.html
part0015_split_002.html
part0015_split_003.html
part0015_split_004.html
part0015_split_005.html
part0016_split_000.html
part0016_split_001.html
part0016_split_002.html
part0017_split_000.html
part0017_split_001.html
part0017_split_002.html
part0017_split_003.html
part0017_split_004.html
part0018_split_000.html
part0018_split_001.html
part0018_split_002.html
part0018_split_003.html
part0019_split_000.html
part0019_split_001.html
part0019_split_002.html
part0019_split_003.html
part0019_split_004.html
part0020_split_000.html
part0020_split_001.html
part0020_split_002.html
part0020_split_003.html
part0021_split_000.html
part0021_split_001.html
part0021_split_002.html
part0021_split_003.html
part0021_split_004.html
part0022_split_000.html
part0022_split_001.html
part0022_split_002.html
part0022_split_003.html
part0023_split_000.html
part0023_split_001.html
part0023_split_002.html
part0023_split_003.html
part0023_split_004.html
part0023_split_005.html
part0023_split_006.html
part0023_split_007.html
part0024_split_000.html
part0024_split_001.html
part0024_split_002.html
part0024_split_003.html
part0025_split_000.html
part0025_split_001.html
part0025_split_002.html
part0025_split_003.html
part0025_split_004.html
part0026_split_000.html
part0026_split_001.html
part0027_split_000.html
part0027_split_001.html
part0027_split_002.html
part0027_split_003.html
part0028_split_000.html
part0028_split_001.html
part0028_split_002.html
part0028_split_003.html
part0028_split_004.html
part0028_split_005.html
part0029_split_000.html
part0029_split_001.html
part0029_split_002.html
part0029_split_003.html
part0029_split_004.html
part0029_split_005.html
part0029_split_006.html
part0029_split_007.html
part0030_split_000.html
part0030_split_001.html
part0030_split_002.html
part0030_split_003.html
part0030_split_004.html
part0031_split_000.html
part0031_split_001.html
part0031_split_002.html
part0031_split_003.html
part0032_split_000.html
part0032_split_001.html
part0032_split_002.html
part0032_split_003.html
part0032_split_004.html
part0033_split_000.html
part0033_split_001.html
part0033_split_002.html
part0033_split_003.html
part0033_split_004.html
part0033_split_005.html
part0033_split_006.html
part0033_split_007.html
part0034_split_000.html
part0034_split_001.html
part0034_split_002.html
part0034_split_003.html
part0034_split_004.html
part0035_split_000.html
part0035_split_001.html
part0035_split_002.html
part0035_split_003.html
part0036_split_000.html
part0036_split_001.html
part0036_split_002.html
part0036_split_003.html
part0036_split_004.html
part0036_split_005.html
part0037_split_000.html
part0037_split_001.html
part0037_split_002.html
part0037_split_003.html
part0037_split_004.html
part0037_split_005.html
part0037_split_006.html
part0037_split_007.html
part0037_split_008.html
part0037_split_009.html
part0038.html
part0039.html