Est du Kentucky
Mercredi 5 novembre, 6 h 45

Il prit la série de virages en S à une vitesse très correcte, appréciant la manière dont le pick-up accrochait la route. N’ayant jamais été du genre pick-up, il n’aurait jamais choisi ce type de véhicules. En réalité, c’était la propriétaire qu’il avait ciblée en la voyant sortir de l’hôpital. La femme d’une cinquantaine d’années portait un ensemble couture qui avait sans doute coûté plus que la camionnette. Et elle avait l’air d’un poids plume, sans doute pas plus de quarante-cinq kilos.

En tout cas, elle s’était révélée assez légère pour qu’il puisse la soulever et la flanquer sur le siège arrière, après l’avoir saisie par-derrière, lui avoir plaqué une main sur la bouche et tranché la gorge de l’autre.

Malgré sa fortune, elle avait été trop avare pour payer une place dans un parking éclairé, et cela avait signé sa perte. Quand il avait commencé à la filer, il s’attendait à ce qu’elle conduise une berline chic ou un SUV. C’est donc avec surprise qu’il l’avait vue se diriger vers la grosse camionnette à cabine.

A en croire le profil Facebook qu’elle avait laissé affiché sur son téléphone, elle possédait une écurie pleine de chevaux de race et venait de devenir grand-mère, ce qui expliquait la nuit passée à l’hôpital. Le pick-up était un modèle de luxe avec toutes les options. Il aurait aimé le garder, mais un véhicule de ce genre ne passerait pas inaperçu, surtout dans son quartier. Il serait donc obligé de s’en débarrasser une fois le boulot achevé.

Presque déçu d’être déjà arrivé à destination, il s’arrêta devant la cabane, puis descendit… et se figea sur place. La porte était ouverte. Il l’avait pourtant fermée. Verrouillée, même. Il en était certain.

Laissant la porte du pick-up ouverte au cas où il aurait besoin de prendre rapidement la fuite, il saisit l’arme qu’il portait à la ceinture et approcha avec prudence. Il poussa le battant. Et sentit son cœur manquer une pulsation.

Les planches avaient été enlevées et empilées. Les corps étaient visibles. Il se faufila à l’intérieur, guettant le moindre signe de piège. Mais il ne perçut qu’un silence lourd et oppressant. Il dirigea le rayon de sa lampe vers le sol. Les cadavres avaient été déterrés, de la tête à la taille. Le logo de Earl Power était clairement lisible sur la chemise du technicien.

J’aurais dû les déshabiller. Il les enterrait toujours nus. Pourquoi n’ai-je pas pris le temps de le faire ?

Parce qu’il était pressé de repartir en ville et de tuer Faith. Foutue garce ! Pourquoi n’était-elle pas déjà morte ?

Détends-toi. Personne n’a signalé leur découverte. Les corps étaient toujours en place et il n’y avait pas trace de la police. Le type de l’électricité était officiellement porté disparu. Un curieux qui passait par là avait probablement remarqué le tas de terre qu’il avait laissé sur place et…

Merde. La gamine. Roza a disparu.

Il se rua derrière la maison et eut un haut-le-cœur. Les portes du cellier étaient grandes ouvertes. Il éclaira l’intérieur, s’efforçant de refouler la panique grandissante qui menaçait de le submerger.

Parce que Corinne Longstreet était partie aussi.

Il dévala l’escalier et promena le rayon de sa lampe dans tous les recoins du cellier, hébété. Son esprit tournait à vide. Il l’avait laissée pendant une journée. Une seule journée. Il s’attendait à la retrouver à moitié gelée ou peut-être même morte. Mais jamais il n’aurait imaginé qu’elle puisse disparaître.

Sa lampe lui révéla deux petits tas de corde. Sa corde. Il ramassa les débris des liens de Corinne et les examina. Les extrémités avaient été coupées avec un couteau très émoussé. Cette salope avait un couteau !

Où l’avait-elle dégotté ? Avant de l’enchaîner au lit de camp, il l’avait fouillée avec soin, et avait trouvé sans peine la bombe lacrymo qu’elle trimballait dans son sac à dos.

Je n’aurais jamais dû la prendre. S’il s’était abstenu, il n’aurait pas eu à enlever aussi Arianna. Qui ne se serait pas échappée, et personne n’aurait envahi sa maison ni pris ses affaires.

Il inspira profondément par le nez, déterminé à retrouver tout son calme. Ne pas y penser. Ne pas penser qu’ils sont dans ma maison, qu’ils tripotent mes affaires.

Penser à récupérer Corinne et à lui faire payer tout ça.

Penser à récupérer Roza avant qu’elle ne dise au monde entier à quoi il ressemblait.

Il remonta les marches quatre à quatre et se rua dans la cabane. C’était elle qui avait exhumé les corps. La Longstreet. Le tas de terre et la pelle qu’il avait laissés derrière lui avaient sans doute piqué sa curiosité. Bon, dans ce cas, d’accord. Ce n’était pas si grave. Ce n’était pas comme si quelqu’un d’autre était au courant. Le problème pouvait encore être réglé. Enfin, s’il la retrouvait. Ça ne devait pas être si difficile, n’est-ce pas ?

Si on considérait qu’elle avait planqué un couteau et s’était débrouillée pour se libérer et emmener la gamine ? Pas si facile que ça, peut-être.

Cela dit, ce n’était qu’une femme seule, et malade par-dessus le marché. Sous peu, elle aurait besoin de son traitement. Et elle serait ralentie par la petite. Jusqu’où avait-elle pu aller ?

Le rayon de sa lampe lui dévoila les tiroirs et les buffets ouverts. Elle était maligne, reconnut-il à regret. Elle avait pris des provisions. Mais cela représentait aussi un poids supplémentaire qui la ralentirait d’autant.

La porte du placard lui apparut, et son estomac chavira. Mes affaires. La veille, il y avait entreposé la malle. Il approcha d’un pas lent, craignant presque de regarder. Puis, il laissa échapper un soupir soulagé. La vieille malle de voyage était encore là.

Après avoir soulevé le couvercle, il examina le contenu avec angoisse. Pendant le transfert de la malle dans le placard, les bocaux du dessus s’étaient déplacés, mais aucun ne s’était brisé. Et, dans la petite boîte rangée près des bocaux, sa collection de leurs affaires était intacte, les objets que chaque victime portait le jour où il l’avait prise. Cartes de crédit, liquide, bijoux… et désormais téléphones mobiles, bien sûr.

Brièvement, il se demanda s’il valait mieux garder la boîte et la malle avec lui dans un véhicule volé ou les laisser dans le placard, pendant qu’il rechercherait Corinne et la gamine. Si elles avaient réussi à trouver de l’aide, les flics allaient grouiller dans le coin. Hors de question qu’on lui enlève ce qui lui appartenait, surtout pas la police.

Il attrapa la brouette, y chargea la malle, puis déposa sa collection sur le plancher du pick-up de la défunte cavalière. Le corps de la femme remplaça la malle dans la brouette pour le voyage de retour dans la cabane, où il pourrait l’enterrer avec les autres.

Il chercha la pelle, mais l’outil avait aussi disparu. Encore un coup de cette salope de Longstreet, songea-t-il avec irritation. Elle a volé ma pelle.

Il dut creuser à mains nues, se félicitant une fois de plus d’avoir choisi une victime menue. Une fois qu’il l’eut déshabillée, elle se logea pile entre le technicien de Earl Power et le serrurier. Il repoussa la terre sur les corps et replaça les lattes du plancher. Cette fois, il prit soin de se débarrasser des déblais superflus en les déversant dans le cellier, dont il referma ensuite les portes.

En regagnant le pick-up, il remonta la route sur quelques mètres, d’un côté puis de l’autre, éclairant le bas-côté de terre meuble. Il finit par trouver une empreinte de pas. Elle marchait dans la direction d’où il était venu. Selon le moment où elle s’était évadée et le poids de son bagage… Corinne aurait pu avoir couvert quinze ou seize kilomètres. Parfait, car il n’y avait aucune trace de civilisation dans ce périmètre.

Mais pourquoi ne l’avait-il pas vue ? Elle s’était peut-être cachée. Et je roulais plus vite que d’habitude.

Satané pick-up. Il avait pris trop de plaisir à le conduire. Il devrait lever le pied. Il grimpa dans le véhicule et repartit vers la ville, à la recherche de Corinne.

Sur tes traces
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