Cincinnati, Ohio
Mardi 4 novembre,
23 h 45
Il fila directement au lit. Tellement fatigué. Cette fois, il avait trop exigé de lui. Il n’aurait jamais dû enlever Corinne avant d’être certain que Faith était morte. Mais il avait été si frustré ce matin-là, après l’incendie à Miami. Tout le monde s’était rué hors de l’immeuble comme des rats quittant un navire qui sombre. Sauf Faith. Parce qu’elle n’était pas là.
Un élancement douloureux lui traversa la mâchoire et il se rendit compte qu’il grinçait encore des dents. Faith aurait dû être morte. Depuis des années. Mais elle refusait tout simplement de crever. Cette fois-là, il était rentré chez lui dans tous ses états, sa colère menaçait de déborder. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle. Quand ça arrivait, il agissait stupidement. Il avait donc enlevé Corinne. Histoire d’évacuer la pression.
Ce qui s’était avéré tout aussi stupide. Il n’aurait jamais dû la prendre. Et, quand les choses avaient tourné au vinaigre, il aurait dû se contenter de la tuer et de l’enterrer avec le type de l’électricité et ce satané serrurier.
Il fronça les sourcils. Et le jeune. Ce type qui avait forcé la porte. Un squatteur. Exact. Il l’avait abattu et l’avait enterré avec les deux autres. Finalement, il avait bien fait de ne pas tuer Corinne, se souvint-il. Elle allait lui servir d’appât pour Faith. Et, une fois qu’il aurait attiré Faith à découvert, il les tuerait toutes les deux. Ainsi, la pire des menaces qui le guettaient disparaîtrait.
Ça laissait Roza. Il fit le tour de sa chambre du regard. La pièce était impeccablement tenue par Jade depuis dix ans. Mais elle était devenue trop vieille pour lui. Roza aurait bientôt l’âge de prendre en charge les responsabilités qui incombaient à Jade. Le moment venu, il se débarrasserait de Jade et amènerait la petite ici pour satisfaire ses besoins.
— Jade ! cria-t-il d’une voix tonnante. Viens ici !
Elle apparut une minute plus tard, le pas mal assuré, les yeux gonflés de sommeil.
— Je suis désolée. Je me suis endormie.
— J’ai eu des appels ?
— Non, aucun.
— Bien. Je dois me reposer un peu. Si quelqu’un téléphone, tu répondras que je suis absent. Si quelqu’un frappe, n’ouvre pas. Si c’est la police, tu n’ouvres toujours pas la porte, mais tu viens me réveiller immédiatement. Compris ?
Elle hocha la tête.
— Oui, monsieur. Mais… si la police a une commission rogatoire. Et des armes ?
— Ils ne peuvent pas avoir de commission rogatoire. Ils n’ont rien pour en demander une. Je vais dormir, maintenant. A mon réveil, je veux un steak et des œufs, dit-il en songeant qu’il avait besoin de protéines pour récupérer de l’énergie. Ce sera tout.
— Je ne ferai pas de bruit pour ne pas vous réveiller.
— Arrange-toi pour qu’il en soit ainsi.
Après le départ de Jade, il se leva et verrouilla la porte à double tour. Puis il se dépouilla de ses vêtements et les fourra dans un sac-poubelle, au-dessus de ceux qu’il portait quand il s’était attaqué à l’homme dont il avait emprunté la maison.
Et ce gosse. Le voyou. Tu vois, ta mémoire fonctionne parfaitement. Tu n’as pas à t’inquiéter. Il se souvenait de chaque détail de la mort du gamin. Il ne lui avait pas tiré dans la tête, à celui-là. Au contraire.
C’était. Trop. Bon. Sa drogue préférée. Quand toute cette histoire serait terminée et qu’il aurait trouvé un endroit pour recommencer, il attraperait quelques voyous, comme celui qu’il avait abattu aujourd’hui. Il aimait les femmes, mais il avait éprouvé une grande satisfaction à faire comprendre à ce gamin qui était le patron.
Il régla son réveil, s’allongea sur le lit et se laissa dériver vers le sommeil.