Cincinnati, Ohio
Mercredi 5 novembre,
19 heures
En entrant dans la chambre de Stone O’Bannion, Scarlett le trouva endormi et en éprouva un certain soulagement. Elle n’était pas certaine de pouvoir supporter un nouveau drame de la famille O’Bannion et digérait encore les propos acerbes de Marcus.
Mais, tant que vous n’aurez pas marché un kilomètre dans les chaussures de Stone, je vous interdis de le critiquer.
Pendant presque une heure, elle avait veillé sur un Marcus sous sédatifs, en attendant l’arrivée du policier en uniforme qui devait se poster devant sa chambre. Isenberg n’avait pas été enchantée de devoir soustraire un nouvel élément à ses patrouilles, mais Marcus était le seul à séjourner encore au service des soins intensifs. Stone, Corinne et Arianna avaient tous été transférés dans l’aile commune, où un seul homme suffisait à leur surveillance.
La chambre de Stone était donc à deux pas de celle de Corinne, où régnait une atmosphère joyeuse que Scarlett perçut avant même de pousser la porte. Elle s’immobilisa un instant sur le seuil, s’imprégnant de l’allégresse qui baignait la pièce. L’émotion lui nouait la gorge. Arianna et Corinne étaient allongées dans leurs lits respectifs, séparés de quelques dizaines de centimètres. Lauren, la camarade de chambre d’Arianna, était installée au pied du lit de son amie, un iPad à la main. La pièce était remplie de fleurs et de ballons, la télévision ronronnait doucement à l’arrière-plan.
Meredith Fallon était assise dans un coin. En apercevant Scarlett, elle se leva et la rejoignit devant la porte.
— Quand ça se termine bien, ça vous touche directement ici, dit-elle, la main sur le cœur.
Scarlett dut s’éclaircir la gorge.
— Ouais, parvint-elle à répondre. J’aimerais que Novak soit ici pour voir ça. Et Faith, aussi. Nous avons bien besoin d’une petite infusion de bonheur.
— Comme vous voulez ! lancèrent les trois jeunes femmes en chœur, à l’intérieur de la chambre.
Scarlett éclata de rire en reconnaissant la citation.
— Rien de tel que Princess Bride pour oublier un peu ses soucis.
— Lieutenant Bishop ! Je ne vous aurais jamais crue fan de romance, la taquina Meredith.
Scarlett lui lança un regard indigné.
— De romance ? Pffffft. Sûrement pas. Je n’ai regardé que pour l’escrime, les combats, la torture, la vengeance, les géants, les monstres, les poursuites et les évasions.
— Et le « véritable amour », bien sûr, dit Meredith en continuant à citer le film.
— Et, par-dessus tout, les « miracles », chuchota Scarlett en terminant la citation. J’ai toujours eu un faible pour les miracles.
Elle regarda un instant le sourire d’Arianna.
— Quand l’euphorie sera passée, elle va tomber de haut, non ?
— Oui, mais ce n’est pas encore pour tout de suite. Nous devons prendre le bonheur où il est et gérer le traumatisme, le moment venu. Avez-vous des nouvelles de Roza ?
— On ne sait toujours pas où elle se trouve, mais l’équipe a découvert le cadavre de sa mère. Roza dormait près de la tombe. Elle l’a enterrée et l’a disposée comme si la mère était endormie, avec son unique poupée dans les bras.
Les yeux soudain brillants de larmes, Meredith pinça les lèvres, puis prit une grande inspiration et la laissa échapper en un souffle frémissant.
— Parfois, ce boulot est vraiment horrible, vous savez, lieutenant ?
— Appelez-moi Scarlett et, oui, je sais. Alors profitons un peu de ce bonheur tant que nous le pouvons.
Meredith l’invita à entrer d’un geste.
— Allez, venez. Je crois que les filles seront contentes de vous voir.
Scarlett franchit le seuil, Arianna fut la première à remarquer sa présence.
— Lieutenant Bishop ! Entrez. Nous regardons un film.
— C’est ce que j’ai entendu. Regardez-moi toutes ces fleurs. Et ces ballons et ces peluches ! Sacré butin, les filles.
— Et il y a aussi des bonbons, dit Arianna. Même si, pour l’instant, il n’y a que Lauren qui y a droit.
— Je tweete en direct, dit Lauren. Corinne et Arianna : les retrouvailles. Vous voulez faire une déclaration ?
— Je suis heureuse de les savoir à l’abri, dit simplement Scarlett.
Elle remarqua que Corinne la regardait d’un air interrogateur et secoua la tête.
— Non, pas encore, mon chou. Mais nous la retrouverons.
Corinne hocha vigoureusement la tête.
— Regardez le film avec nous, lieutenant. N’hésitez pas à faire des citations.
— D’accord. Mais pas trop longtemps.