Nord de Cincinnati, Ohio
Mercredi 5 novembre,
22 heures
Il posa la trousse de premiers secours sur la table pliante qu’il avait installée dans le sous-sol de sa maison.
Sa maison. Personne d’autre ne vivait ici. Personne d’autre ne la connaissait, à part Jade, et elle savait se taire. De toute façon, elle ignorait l’emplacement exact de l’endroit. Personne ne viendrait fouiller ici. Personne ne trouverait ses prisonniers avant qu’il ne soit prêt à les montrer.
Pendant qu’il se débarrassait de sa veste, Dani Novak regardait la trousse de secours avec une moue rebelle.
— Vous espérez vraiment que je vais vous raccommoder alors que vous m’avez enlevée ?
Quand ils se trouvaient dans l’appartement de Dani, il l’avait laissée lui prodiguer seulement quelques soins superficiels, car il avait hâte de quitter les lieux. Elle avait mis un temps fou à rentrer. Apparemment, elle avait rendu visite à toutes les victimes qu’il avait envoyées à l’hôpital, au lieu de les expédier à la morgue. Il avait eu le temps de se reposer, même s’il avait évité de s’endormir en attendant. Pas question qu’elle se pointe pour trouver son frère ligoté et bâillonné sur le divan et lui ronflant par terre.
Il était fatigué, beaucoup trop fatigué pour relever l’insolence de Dani.
— Oui, je m’attends à ce que vous me raccommodiez mais, si vous préférez, je peux commencer à tuer des gosses. Qui va mourir en premier ? Votre frère ou Roza ?
— Roza pourrait mourir de toute façon, dit le Dr Novak. Elle ne réagit plus. Elle devrait être à l’hôpital. En tout cas, certainement pas trimballée toute la journée sur la banquette arrière de votre 4x4. Surtout vu votre manière de conduire.
Il la gifla d’un revers de main, elle s’écroula sur le sol. Un instant, elle resta assise à fulminer, puis lécha le sang sur sa lèvre.
— Vous avez tué Renzo, n’est-ce pas ?
— En effet, dit-il avec un sourire.
— J’imagine que vous l’avez torturé pour obtenir des informations.
Son sourire s’élargit, alors qu’il évoquait l’épisode.
— En effet.
— Alors, vous savez que vous devriez éviter de me faire saigner.
Son grand sourire s’effaça. Il lui jeta une boîte de gants en latex.
— Equipez-vous, doc. Soignez-moi cette blessure par balle et en douceur, s’il vous plaît.
Il serra les dents pendant qu’elle nettoyait la plaie et appliquait de la gaze.
— Vous avez besoin de vraies sutures, dit-elle. Mais vous n’avez pas le matériel nécessaire, ici. La colle tissulaire fera l’affaire.
Il bougea son bras avec précaution.
— J’imagine que ça pourrait être pire. Asseyez-vous et fermez-la, ou je vais devoir vous droguer. Et je ne veux pas y être obligé.
— Allez-vous me laisser nettoyer la plaie de Roza ?
— Ne videz pas ma trousse de secours, c’est tout.
Elle leva les yeux au ciel, ce qui attira son attention.
— Vous n’avez pas les mêmes yeux que votre frère, fit-il observer.
Elle se pencha sur la silhouette immobile de l’enfant, puis se mit au travail, sans commentaire.
Comme le silence enveloppait la maison, il commença à trouver difficile de résister au sommeil. Mais il ne pouvait pas s’y abandonner avant d’avoir ligoté le médecin et la gamine. Avec son bras mal fichu, il ne pouvait pas à la fois tenir son arme et les attacher. Dani Novak était du genre à se battre avec acharnement.
Elle en termina enfin avec la gamine.
— Maintenant, passez-lui les liens.
— Non. Je ne ligoterai pas cette enfant.
Furieux et épuisé, il pointa son arme vers Greg, troussé sur le sol. Le gamin leva la tête vers lui, la terreur se lisait clairement dans ses yeux dépareillés. Bon. Au moins, l’un d’eux a assez de bon sens pour avoir peur.
— Ne me poussez pas à bout, dit-il d’une voix rageuse. Ligotez la gamine. Et solidement. Si elle s’échappe, je vous en tiendrai pour personnellement responsable. Quand ce sera fait, attachez-vous les chevilles.
Elle le fusilla du regard, mais s’exécuta.
— Maintenant, allongez-vous par terre sur le ventre, les mains derrière le dos.
Il lui immobilisa les poignets avec un autre lien jetable, auquel il imprima une bonne secousse afin de s’assurer qu’elle ne pourrait pas s’en débarrasser. Enfin, il lui colla une largeur de ruban adhésif sur la bouche pour la réduire au silence.
Il sortit du sous-sol et les enferma à l’intérieur. Sa cave était sécurisée, aucune porte ou fenêtre ne donnait à l’extérieur. Cette porte était l’unique issue. Il brancha l’alarme, puis s’allongea sur le divan de son salon pour dormir.