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Le Bon Homme sortit le cliché d’une chemise en carton.

— Tout s’est déroulé comme prévu. Il était bien présent au rendez-vous. J’ai pu prendre d’excellents clichés. Regardez !

Le Parfait prit la photo tandis que le Bon Homme poursuivait ses explications.

— Je dirais qu’il s’agit d’un représentant de la race falique, plus précisément lié au sous-groupe de type atlantique. Mais ses traits manquent de pureté, son type n’est pas clairement authentifiable. C’est le genre d’homme enclin à la faiblesse et à l’indécision. Pour autant, je dirais qu’il ne manque pas d’intelligence. Conformément à notre classification, il ne devrait donc pas trop nous inquiéter.

— Je vous trouve bien optimiste, répliqua le Parfait qui se tenait légèrement en retrait. Si nos théories raciales étaient aussi infaillibles, nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui !

— Pardon ? s’étonna le Bon Homme. J’espère que vous ne remettez pas en cause tout ce qui a fait la grandeur de notre Reich et qui annonce dès aujourd’hui sa quatrième renaissance.

Le Parfait sentit qu’il venait de faire ce que son visiteur détestait le plus : mettre en doute ses convictions. Le Bon Homme préféra revenir au sujet de leur conversation :

— Voici d’autres clichés pris à Ussat-les-Bains. Nous avons répertorié tous les habitants avec lesquels il a été en contact. Voici la liste.

— Vous avez trouvé des détails intéressants ?

— Peut-être. Le Bihan est descendu à l’hôtel de la Source. Il a pris ses habitudes au bar-tabac de la place et il a sympathisé avec la nouvelle serveuse. Il progresse conformément à notre plan, mais plus lentement que prévu.

— Je connais votre avis sur la question, coupa le Parfait. Je suis de ceux qui pensent que nous aurions gagné cette satanée guerre si nous avions fait preuve d’un peu plus de souplesse dans la résolution de certains problèmes. Aujourd’hui, nous sommes face à une porte et peu m’importe qui trouvera la clé pour pénétrer.

L’homme se leva et alla au fond de la pièce. Tout en réfléchissant, il regarda un instant l’étendard qui pendait au mur : la double rune Sieg de SS assortie de la croix cathare. Puis il revint vers la table où étaient posés les clichés de Le Bihan. Il en prit un et le regarda avec intensité.

— Bon Homme, je suis d’accord avec vous. Je ne miserais pas un pfennig sur cet homme si je devais me référer à ses origines raciales. Pourtant, malgré son type commun, je suis convaincu qu’il ne manque pas de ressources. D’après ce que nous savons, il l’a déjà prouvé par le passé. Je vous le répète, armez-vous d’un peu de patience. Laissons-le chercher comme un chien qui remonte la piste de sa proie. Et quand le moment sera venu, nous frapperons.