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Berlin, 1938

Cher Jacques,

J’ai toujours cru que le chemin de la vie épousait étroitement les rencontres que nous sommes amenés à faire au cours de notre existence. Dans mon cas, tout a commencé il y a une dizaine d’années déjà. J’ai eu la chance de croiser de grands esprits qui ne se satisfaisaient pas des explications trop rationnelles que l’enseignement officiel essaie trop souvent de nous inculquer.

En apparence, ce siècle a fait le choix de la technique et du progrès. Pourtant, je suis de ceux qui pensent qu’il n’a peut-être jamais existé de périodes plus propices à l’épanouissement d’une nouvelle spiritualité. Rares sont les hommes qui ont fait le choix du courage en refusant les réponses rassurantes que l’on nous a fabriquées depuis des siècles. Il n’existe aucune réponse simple à des questions complexes. Affirmer le contraire relève du plus pur mensonge. Même si j’ai été contesté, calomnié et menacé, je ne renie rien de mes recherches. Je suis convaincu que la vérité finira un jour par s’imposer.

En quittant l’Allemagne, j’ignorais encore que je trouverais la clé du secret le mieux gardé de l’histoire dans un petit village de l’Ariège à l’apparence paisible. Mais derrière le sage ordonnancement des maisons et le quotidien des gens simples se dissimulent parfois des révélations de nature à remettre en cause l’équilibre d’une civilisation. Il n’est de pire aveugle que celui qui refuse d’ouvrir les yeux sur une vérité qu’il côtoie pourtant de près. Je ne trouve aucune excuse aux habitants de ces petits villages qui préfèrent fermer les yeux sur les mystères qui les entourent plutôt que de remettre en question des certitudes rassurantes. Heureusement, il existe encore des hommes qui ont le courage de bousculer les dogmes établis. Sans arrogance, j’ose affirmer que j’en fais partie. Au cours de mes recherches, j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres esprits libres. Dès lors, ma première préoccupation a toujours été de gagner leur confiance.

En arrivant à Ussat-les-Bains, je dois avouer que je ne connaissais pas bien la région. Il ne suffit pas de lire quelques livres pour comprendre la réalité d’un lieu. Mais j’éprouvai très vite la certitude d’y trouver le sens de ma quête et ce fut pour moi comme la révélation d’une évidence.

Dès 1931, ma vie prit un nouveau départ. Avec beaucoup d’enthousiasme et, je le reconnais, un peu d’inconscience, je me lançai dans mes recherches. J’ignorais encore qu’elles allaient me mener aussi loin !

Ton dévoué,

Otto Rahn